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Suis-je née alcoolique?

Avoir l'alcool dans le sang... littéralement.

Par
Magali Saint-Vincent
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Le plus gros défi pour moi en mars est de me retenir pendant 31 jours de ne pas acheter des porte-clés de trèfles à quatre feuilles, un petit chapeau de farfadet (la sorte le fun) et un chandail Kiss me, I’m Irish en vue de la Saint-Patrick. Oui, je suis un petit peu Irlandaise, merci à ma grand-mère Margaret Flynn, la dame au nom le plus irlandais de la planète.

Vous savez ce qu’on dit des Irlandais, après les avoir cuisinés sur leur rousseur? On dit qu’ils savent boire un coup. Vous commencez à me connaître, et jadis, j’étais aussi très performante dans cette activité. 24% des Irlandais en âge de consommer confient avoir un épisode de grande consommation d’alcool par mois, et l’Irlande se situe au 7ème rang des pays ayant les adultes consommant le plus d’alcool au monde. Je trouve mes cousins très honnêtes d’avouer tout ça dans un sondage, et je me pose la question : est-ce que mon alcoolisme serait la faute de mes gènes?

Dans le folklore québécois aussi, on entend souvent ce genre de phrase : « On est une famille qui cale », « On a le coude léger », « Dans telle région administrative, on boit! ». (Avez-vous aimé que je me sois retenue de ne pas écrire Saguenay-Lac-Saint-Jean?)

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Selon Éduc’alcool, nos comportements face à la consommation seraient influencés par 50% de comportements innés, et 50% de comportements acquis. 50-50, quasiment les résultats d’un référendum sur l’indépendance du Québec, et là aussi, on n’en sort pas plus éclairés. Il n’en reste pas moins que c’est très intéressant.

Il y aurait entre autres certaines personnes plus enclines à développer de l’alcoolisme à un âge précoce à cause de leurs gènes, par exemple, les gens de descendance européenne. Considérant qu’on est en Nouvelle-France, ça regarde mal pour une bonne partie d’entre nous.

Il y a aussi les gens de descendance asiatique, qui, au contraire, auraient moins de facilité à métaboliser l’alcool dans le sang, ce qui fait en sorte que prendre de l’alcool ressemble davantage à un petit empoisonnement qu’une cuite. Disons que ça donne moins le goût de se commander une sambuca flambée.

La partie innée serait contrôlée par la façon dont nos gènes gèrent la dopamine. La dopamine, c’est un neurotransmetteur qui joue avec les récompenses. C’est à cause de la dopamine que, dès que j’accomplis quelque chose dans ma vie, j’ai besoin de me récompenser en dépensant tout mon argent sur du take-out. En étant définitivement alcoolique, j’ai probablement un déséquilibre au niveau de deux gènes. Le SLC6A3, qui produit la protéine qui transporte les molécules de dopamine, et le DRD2 – à ne pas confondre avec R2D2, qui lui, n’a jamais rien fait de mal – qui gère la sensibilité de mes récepteurs de dopamine dans mon cerveau.

Des études sont en train de développer une théorie voulant qu’une variation quelconque sur ces gènes peut contribuer au risque de développer l’alcoolisme et d’autres formes de dépendances.

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Les comportements acquis, quant à eux, le seraient dans les environnements dans lesquels on évolue. Si, dans votre famille, les célébrations s’accompagnent toujours de fortes quantités d’alcool, que le statut social est exprimé avec ce qu’on apporte comme cadeau d’hôte dans une fête (genre, une bonne bouteille de rouge qui vient pas du rack en spécial du dép), ou que vous avez vu vos parents boire davantage pendant une période difficile, le cerveau enregistre que ce sont des comportements que nous pouvons recréer. On traduit ces mauvaises habitudes comme des outils performants pour nous aider à passer au travers des tracas quotidiens.

À la lumière de ces études, 50% de moi a envie d’excuser mes maladresses d’antan par la génétique, a envie de se commander un test d’ADN et de me trouver davantage de problèmes de dopamine, et un autre 50% a envie de mettre la faute sur les autres. L’alcoolisme n’est pas la maladie la plus sexy à dévoiler, mais c’est une maladie pour laquelle on doit prendre nos responsabilités. Il y a des moments où j’aimerais être normale, et je chiale. Je trouve ça injuste. Dans ce temps-là, je regarde mes amis diabétiques, qui eux, sans rechigner, prennent leur insuline, en ne remettant pas en question la méthode qui les aide à survivre. Un diabétique qui désirerait se passer de son insuline perdrait la maîtrise de sa santé assez rapidement.

Dans mon cas, peu importe la raison pour laquelle j’ai la maladie que j’ai, je dois rester abstinente.

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La seule chose qui m’aide à me sortir de l’idée que j’ai une épée de Damoclès génétique, c’est de parler ouvertement de ma condition. En en parlant, je me crée de nouveaux comportements acquis, et j’espère pouvoir vous aider à reprendre le contrôle de votre consommation. Pour les gènes, je ne peux rien faire sauf vous rappeler que chaque personne a une résistance à l’alcool qui lui est unique, et que si vous avez de la difficulté avec votre consommation, vous êtes plus fort que votre héritage, peu importe lequel.