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J’ai bien peur que soit terminée cette douce époque où je me brandissais le briquet bien haut dans un show d’Éric Lapointe en jouissant pleinement du momentum.
D’une part, le seul récital d’Éric Lapointe auquel j’aie assisté, c’est à l’âge de 13 ans, alors que ti-cuir, baigné de la grâce d’Obsession (et d’un début de parallélograme inversé sur la tête), faisait l’entracte aux Ice Capades. Vrai comme je vous parle.
Dressé sur sa petite scène-rondelle au milieu de la glace, il inspirait le respect.
Et nous, public hétéroclite tiraillé entre poupons coiffés de couronnes clignotantes et fans de rock velours, étions attentifs à ses sérénades, comme lorsqu’un mariachi tex-mex n’en finit plus de t’interpréter la Paloma et qu’à défaut de suçoter ton fajitas, le mieux que tu puisses faire, c’est de le regarder comme s’il était une perle d’Orient jusqu’à ce qu’il quitte, la guitare pleine de piastres.
Nous étions venus pour lui. Et à ce moment précis, Mickey Mouse était hautement accessoire.
(Finalement, il n’y aura pas d’autre part)
Hier soir, je n’étais pas aux Ice Capades, mais bien au coup d’envoi du Festival Montréal en Lumière, où Louis-Jean Cormier avait prévu tournailler sur lui-même en me séduisant de son verbe et ses promesses de belle personne.
Louis-Jean est un être que j’aime beaucoup.
C’est pourquoi je me réjouissais de m’encastrer dans mon parka et mes grosses bottines pour profiter d’un show en plein air qui m’indiquerait que le printemps, il est pas si loin que ça.
Tout était parfait.
Grand’ roue, feux dans des poubelles urbaines, et ça sentait la saucisse, aussi. Je dirais même qu’à certains moments, ça sentait la saucisse rotée. Mais ça faisait partie du concept. Montréal en Lumières, c’est ça: un heureux mélange entre le timbre de Dorothée Berryman dans les pubs et la vraie affaire qui, en bout de ligne, oscille entre petits moments d’éternité musicale et bouquets de restituts de Hygrade.
C’est ça, un show en plein air; tu composes avec les éléments. Avec les festivaliers. Ces dividus qui ont choisi de porter cette tuque haut-de-forme à trois sommets couronnés de pompons érectiles. Et ce couple en plein meeting-séduction qui n’a certainement pas l’intention d’écouter une sâprée toune, certain.
Nous étions certes un peu loin de notre butin. Au Centre Bell, je dirais que nous étions assis dans le pit, volume capillaire en contact avec le plafond. Les meilleurs places, c’est pas nous qui les avions.
Mais les meilleures intentions, si.
J’ignore si les spectacles extérieurs ont toujours été ainsi ou si je me transforme simplement en harpie, mais hier, j’ai constaté la chose suivante: y’a pas un sapristi de chat qui semblait être au courant qu’il y avait un gars en chemisier à carreaux qui chantait, là-bas, entsoure du paquet de lumières.
Eux, étaient présents pour TISSER DES LIENS.
Pour échanger sur leur dernière recette de salade de pâtes.
Le couple devant moi sirotait même un ballon de vin, bout de ciarge. Un vrai ballon complexe qui devait chanter comme un rossignol si on se fait aller le doigt sur le rebord.
Et je vous dis que ça y allait par-là dans la converse:
«Y’a pas d’université à Maui, c’est à Ohau. Ohau c’est l’autre îîîîîle»
«Je vais gérer cette crise-là, je suis une leADER, UNE LEADER»
«L’AS-TU APPORTÉ DANS TON SAC À DOS? TOURNE-TOI JE SUIS SÛRE QU’IL EST DEDANS»
Plus Louis-Jean poussait la note, plus la belle madame hurlait.
C’est parce qu’ils avaient de la misère à se comprendre, comprenez-vous. Y’a un Tzigane pas pratique qui chantait des balades, sur le stage. Et bien entendu, ce genre de dame ne fraye qu’avec des serins qui ne circulent en foule compacte QU’AVEC leur sac à dos d’expédition stuffé de dictionnaires, de pains fourrés et de couvertures en petits tas.
Des ballons de Cabernet.
Et de pareils festivaliers, nous étions encerclés. C’est pas mêlant, y’a pas un pain qui semblait saisir que toute c’te belle foule-là ne s’était pas déplacée que pour le simple kick de se sentir la chaleur du corps, en rangs d’oignons, sur c’te belle grand’ Place des Festivals-là.
Tout le monde. TOUT LE MONDE DISCUTAIT PATIO.
Vous me direz que ça fait partie de la game. C’est gratisse. C’est pas un concert de Kent Nagano. Et y’en a un paquet qui ne sont là que pour faire un tour de Glissade urbaine™.
Je saisis le concept et je suis prête à te tolérer la verve et les O’Keefe renversées sur mon polar.
On est de parté ou on l’est pas.
Mais se peut-il que l’étiquette, ce petit carré de tissu blanc qui retrousse du t-shirt de toute gensse une petite affaire civilisée et qui a lu le manuel d’instructions, soit en voie de se perdre?
Je veux dire; suis-je folle raide d’espérer saisir ne serait-ce qu’une bribette de trame sonore, l’écho d’un solo de cuivres, dis-je, quand j’assiste à un show, plutôt que d’entendre claquer la mâchoire pleine de coquille Saint-Jacques d’individus qui préféreraient être restés à la Brasserie T au lieu d’être coincés parmi ces paysans qui tapent dans leurs mitaines avec leur face de ti-counes qui sourient toutes dans la même direction?
C’est parce que des applaudissements de mitaines, ça te scrappe une jasette.
J’imagine que je me fais tranquillement grannie. C’est la seule explication que j’ai.
Mes jeudis soirs, je suis peut-être mieux de les passer à regarder Quatre filles et un jean en mangeant des demi-lunes.
Je sais ben pas.
La bise.