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Sticky Rice : la communauté asiatique se donne une voix, et pas n’importe laquelle

Entrevue avec deux artisans de ce nouveau magazine numérique.

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Il y a quelques semaines, un (magnifique) nouveau magazine numérique a vu le jour à Montréal.

Et on est tombé sous le charme. Sous le charme de la facture visuelle, de la philosophie du mag, du contenu, du nom : Sticky Rice.

Fondée par un groupe d’amis qui se sont notamment donnés pour mission de « célébrer […] la richesse du patrimoine asiatique […] en approfondissant la complexité de l’univers oriental à travers un dialogue intime portant sur le vécu des Canadiens d’origine asiatique », cette OBNL et petite publication indépendante voit grand. On en a discuté avec le fondateur et rédacteur en chef Viet Tran, qui est aussi médecin résident en psychiatrie dans ses « temps libres », et Marianie Tô-Landry, chargée de projets.

Ça fait un moment que le projet prend forme…

Viet – L’idée de départ nous est venue pendant qu’on était à Yatai, le festival de bouffe de rue japonaise. On était deux amis à réfléchir à la manière dont on pourrait partager et échanger sur notre identité asiatique. L’impulsion de départ, c’était de créer un espace sécuritaire pour avoir des discussions qui seraient authentiques sur des sujets qui nous touchent, mais qui vont aussi intéresser un plus vaste public. On avait aussi le désir de réunir l’art et le milieu académique, avoir des réflexions riches qui feraient rayonner les deux univers. Après mes études à Sherbrooke, j’avais besoin d’un projet créatif qui allait me reconnecter avec la communauté asiatique et ça s’est imposé.

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Marianie – De mon côté je me suis jointe au projet il y a à peu près un an après avoir vu une annonce de Viet qui recrutait des collaborateurs. Ça faisait longtemps que je voulais collaborer à un projet qui vient chercher mes origines, j’étais ravie de pouvoir enfin concrétiser cette envie. On a développé tout ça avec plusieurs équipes en parallèles et comme on avait tous des horaires qui se sont dégagés avec la pandémie, ça nous a donné le dernier coup pour le lancement.

Viet – D’ailleurs, je tiens à souligner le travail de toute l’équipe, on reçoit tellement de soutien que ça me transporte.

Le contenu est particulièrement bien ficelé…

Viet – On a voulu développer deux volets. D’une part, des sujets plus sérieux à travers les « Volume » où on retrouve des réflexions davantage dans la profondeur sur des enjeux qui touchent à l’intime, qui portent à l’introspection, où on aborde les tabous. On a aussi une portion lifestyle qui nous donne plus de flexibilité dans la régularité des publications.

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L’idée, c’est vraiment de sortir de l’image clichée hollywoodienne des Asiatiques, de cette image où on est fétichisés ou présentés comme des personnages exotiques. On est trop souvent représentés comme des accessoires, des acolytes, des nerds, des spécialistes des arts martiaux ou réduits à des personnages d’animation. On veut donner plus de nuances, plus d’humanité à ce portrait-là. Par exemple, être une femme asiatique au sein de la communauté LGBTQ, c’est le genre de chose dont on veut parler.

Marianie – Oui! Ou, pour te donner un autre exemple, on peut avoir une réflexion sur ce que ça représente de composer avec le concept de « minorité modèle ». Mon rôle se joue davantage du côté de la communication, des stratégies et du branding, mais je me reconnais vraiment dans la ligne éditoriale. C’est comme si on abordait des sujets qui touchent une partie de moi qui était enfouie. Ma mère est vietnamienne, mon père est québécois, ça suscite beaucoup de questions sur mon identité. Et quand j’ai lu les premiers textes, ça m’a touché droit au coeur. Cet exercice d’introspection culturelle, c’est tellement important. J’ai dévoré le tout en une matinée.

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Moi aussi. Et c’était l’objectif visé, non?

Marianie – Je crois honnêtement que les sujets peuvent toucher et intéresser toutes les communautés.

Viet – Comment prendre sa place comme minorité dans une culture dominante, ça concerne beaucoup de monde!

D’ailleurs, j’imagine que ce n’est pas une coïncidence si vous avez sorti le magazine dans la foulée de la pandémie et du mouvement Black Lives Matter…

Viet – On a eu de grosses discussions à ce sujet. Le contexte était étrangement fertile pour le lancement. Avec la pandémie, il y a eu une vague d’événements racistes à l’endroit des communautés asiatiques. Un homme a été poignardé au début de la pandémie parce qu’il était d’origine asiatique et qu’on l’associait au virus. Il y a aussi eu des pagodes bouddhistes saccagées à cause de la COVID. C’était tellement intense que des groupes d’entraide et des groupes de discussion pour les victimes de racisme ont été mis sur pied.

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Puis quand est arrivé le mouvement Black Lives Matter, on a vu une occasion d’élargir notre réflexion sur les enjeux entourant le racisme. On a retardé un peu notre lancement parce qu’on voulait laisser la place au mouvement #blm. On a voulu écouter, puis se servir de nos réseaux sociaux pour amplifier leur voix.

De quoi vous rêvez pour LE FUTUR de cette plateforme?

Marianie – On souhaite étendre nos canaux de communication, développer une chaîne YouTube, produire des podcasts, organiser des conférences, participer à de panels de discussions et éventuellement pouvoir vivre de ce projet!

Viet – On veut aussi se servir de ce média pour faire la promotion d’artistes, d’entrepreneurs locaux et soutenir notre communauté.

Pour l’instant, les contenus sont surtout disponibles en anglais. La version française, c’est pour quand?

Viet – On y travaille fort! Pour le lancement, on a fait notre possible compte tenu des collaborateurs et collaboratrices qui sont embarqués, mais on recrute en ce moment des gens qui auraient envie d’écrire en français, de traduire, de faire de l’édition!

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Psst! Afin de financer ses activités, Sticky Rice a lancé une campagne de sociofinancement sur Ulule avec des contreparties vraiment nice : masque, t-shirt et tote bag. L’argent amassé couvrira certains frais et au moment d’écrire ces lignes l’objectif est déjà dépassé, mais comme une portion des profits est destiné à la pagode Chùa Quan Âm, dont certaines installations ont été vandalisées, ça vaut la peine de contribuer.