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Stéphane Lafleur : la vie après « Viking »

Après avoir gagné onze trophées, c’est quoi la suite?

Par
Benoît Lelièvre
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Stéphane Lafleur a passé une maudite belle fin de semaine.

Dimanche dernier, son dernier long-métrage Viking a raflé pas moins de onze statuettes sur dix-huit mises en nomination au Gala Québec Cinéma, dont meilleur scénario (co-écrit avec Éric K. Boulianne), meilleure réalisation et, bien sûr, meilleur film. C’est beaucoup d’amour, ça. Bien que ce soit ce que tout le monde souhaite, c’est toujours un peu délicat à reçevoir.

Surtout d’un seul coup comme ça.

« C’est pas moi qui ai gagné onze trophées, » s’empresse de préciser le principal intéressé au bout du fil. « Viking, ça a été d’abord et avant tout un véhicule qui a permis à plein de départements de se distinguer et de faire valoir leurs talents respectifs. »

C’est quand même toute une consécration pour son film. Pour son idée.

Maintenant, imaginez la pression qui vient après une telle reconnaissance. Personnellement, ça me rendait anxieux, rien que d’y penser. Stéphane Lafleur a accepté de répondre à mes questions à peine 36 heures après le sacre de Viking. Et ça tombe bien, parce que ça faisait longtemps que j’avais le goût de jaser d’art avec lui.

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Un pari déjà gagné

Pour ceux et celles qui ne sont pas familiers avec l’histoire de Viking, en voici le résumé : il s’agit de l’histoire d’une équipe de cinq personnes engagées pour leurs similarités de caractère avec une équipe d’astronautes sur le point d’atterrir sur mars, dans l’espoir de pouvoir régler à distance tout problème interpersonnels que pourraient vivre l’équipage réel. Donc, les personnages de Viking ne sont pas dans l’espace, mais font tout comme.

C’est très conceptuel, je vous l’accorde. C’est très drôle, aussi, si vous aimez l’humour un peu pince-sans-rire.

« Le plus grand plaisir que j’ai eu, avec Viking, ç’a été de le faire. De travailler avec une équipe formidable afin de trouver des façons de matérialiser cette idée très ambitieuse, » m’explique Lafleur.

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Sans me préciser de montants, il m’explique que le film a récolté un box office somme toute modeste, malgré l’encensement quasi-généralisé de la critique. Le triomphe au Gala Québec Cinéma, c’était pour lui la cerise sur le sundae, artistiquement parlant.

Crédit: Micro_Scope
Crédit: Micro_Scope

« T’sais, c’est certain que ça fait plaisir. On a failli perdre ce gala. Je pense que les gens qui étaient présents, dimanche soir, ont réalisé à quel point ça aurait laissé un trou dans notre paysage culturel. Le but d’un gala comme ça, c’est de faire parler de nos films et de nos créateurs et pour ça, pas nécessairement besoin de gagner. Il faut juste être mis en nomination. Être nommé, c’est la preuve que le film a marqué certains esprits, » poursuit-il.

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La réaction quantitative s’est peut-être laissée désirer, mais la réaction qualitative, elle, est bien réelle. Les gens ont aimé ça.

« C’est Occupation Double dans l’espace, » risque le réalisateur lorsque je lui demande d’expliquer pourquoi, selon lui, l’auditoire a accroché à un concept aussi pointu. « Il y a un peu le même charme que The Office, aussi. En gros, c’est du monde qui s’entendent pas bien au bureau. »

« Moi, ce qui m’intéresse, dans cette histoire-là et dans la science-fiction au sens large, c’est la question humaine. Le rapport au plus grand. Vouloir devenir quelque chose qu’on n’est pas. Le protagoniste de Viking, David, fait un énorme détour pour finalement juste bouger d’un pied, émotionnellement. Dans les grosses productions américaines, c’est pas rare de voir un personnage changer plus en deux heures qu’une personne ordinaire pendant toute sa vie. On fait pas ça, [au Québec]. C’est pour ça que nos histoires sont différentes et fortes. »

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Le charme discret du cinéma québécois

Bien qu’il regorge indiscutablement de talent, le cinéma québécois bat de l’aile par les temps qui courent.

Crédit: Micro_Scope
Crédit: Micro_Scope
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J’en profite donc pour demander à Stéphane Lafleur comment il entrevoit l’avenir du médium.

« On fait beaucoup de films, au Québec. Beaucoup de films d’une qualité exceptionnelle. Le grand défi, c’est la distribution. On a des questions à se poser, à ce sujet. Je crois beaucoup aux modèles de distribution à la carte comme celui du Cinéma Moderne. Ils ont gardé Viking à l’affiche pendant environ six mois et c’était tout le temps plein. Ils ne l’avaient pas au programme quatre fois par jour, mais plutôt trois ou quatre fois par semaine. C’est pas la plus grosse salle au monde, on s’entend, mais ça garde les films disponibles, » m’explique-t-il.

Si Stéphane Lafleur demeure conscient qu’il existe une foule d’obstacles techniques et pratiques à une meilleure distribution des films au Québec, il insiste qu’il s’agit d’un domaine en grand besoin d’idées neuves.

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« Il faut qu’on introduise les gens à l’image beaucoup plus tôt. Pourquoi est-ce que les films ne sont pas étudiés à l’école, par exemple? Pourtant, ils prennent une place tellement importante dans nos vies. Et pas juste les films, là. Notre rapport à l’image a tellement évolué depuis 30 ans avec Internet, les réseaux sociaux, tout le monde en projette une. C’est important de comprendre c’est quoi et comment ça t’affecte. »

Le succès de Viking ne changera pas Stéphane Lafleur. Il en est convaincu et j’en suis aussi convaincu, après notre appel. Il est même déjà occupé avec son prochain projet.

La vie après Viking, ça n’a jamais été un problème pour lui.

Qu’est-ce qu’on peut souhaiter à un artiste aussi accompli? « De continuer. Simplement de pouvoir continuer à faire ce que j’aime faire. »