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Être parent est une tâche complexe que je ne me permettrai pas de juger. Je n’ai pas eu la chance d’entendre le tapage du samedi matin pour saisir la pertinence des bonhommes à la télévision et je n’ai jamais été face à une crise de larmes au milieu de l’allée d’épicerie. Je ne sais pas comment je réagirai le jour où mon enfant boudera le brocoli, ni la fois où il ne voudra pas aller à l’école. Mes rares expériences de gardiennage m’ont permis de comprendre la tentation de céder au chantage enfantin.
C’est pourquoi la première fois que j’ai vu l’annonce de St-Hubert mettant en vedette une petite fille boudeuse et suggérant d’ “acheter la paix” pour 3,95$, je me suis simplement dit qu’un publicitaire avait encore une fois exploité, dans une perspective humoristique, le sentiment des parents d’être « à boutte ». Le parent « à boutte », en humour, est sérieusement en train de détrôner les jokes de cul et de relations homme/femme.
Puis, j’ai songé à tous les efforts que le gouvernement consent pour contrer l’obésité infantile, et, sans lier la rôtisserie St-Hubert directement à ce fléau, je me suis dit qu’on ne pouvait banaliser ainsi la tentation parentale à céder au chantage de l’enfant concernant son alimentation.
Quand PFK invite le mâle québécois à retrouver sa virilité perdue en se clanchant un amalgame de friture à 1500 calories, je trouve simplement dommage que l’on résume la masculinité à un comportement qui mène tout droit vers une surcharge pondérale. Si un gars veut combler sa carence d’assurance par un manque de jugement, ça le regarde. Mais un enfant n’est tout simplement pas outillé pour prendre une telle décision.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 43 millions d’enfants de moins de cinq ans sont en surpoids dans le monde. Au Québec, un enfant sur quatre souffre d’obésité. Les causes de l’obésité sont nombreuses et complexes : l’alimentation, l’activité physique, les gros os et des facteurs génétiques peuvent jouer dans la balance. Mais selon l’OMS, les deux facteurs les plus importants sont le manque d’activité physique et un régime alimentaire faible en nutriments et riche en gras. Et, selon une étude parue dans The American Journal of Clinical Nutrition, le comportement parental serait un facteur majeur dans l’épidémie d’obésité infantile. L’étude suggère même que les programmes de prévention de l’obésité chez l’enfant concentrent leurs énergies sur les parents.
« Contrairement à la plupart des adultes, les enfants et les adolescents ne sont pas en mesure de choisir le milieu dans lequel ils vivent ni les aliments qu’ils mangent. Ils ne comprennent pas pleinement non plus les conséquences à long terme de leur comportement. Il faut donc leur consacrer une attention particulière lorsqu’on combat l’épidémie d’obésité », peut-on lire sur le site de l’OMS.
Bien qu’il s’agisse du restaurant où il est peut-être le plus difficile d’éviter de manger de la viande (des bâtonnets de fromage panné pour accompagner votre soupe aux légumes?), force est de reconnaître que St-Hubert est loin d’être l’ennemi à abattre en matière d’obésité. On y trouve plusieurs options santé et le menu pour enfant suggère comme accompagnement des juliennes de légumes. Par ailleurs, St-Hubert n’est pas le gouvernement, et sa publicité ne s’adresse pas aux enfants, mais elle capitalise sur un comportement parental qui, bien que cocasse et dans lequel plusieurs familles reconnaîtront leurs petites imperfections, n’est pas souhaitable.
Mais bon, St-Hubert et l’agence DentsuBos à l’origine de cette pub ont probablement d’autres chats à fouetter en ce moment que quelques mères circonspectes et une chroniqueuse orthorexique : leur campagne « Quart chest » croule sous le poids de critiques provenant de personnes qui, ne saisissant probablement pas la référence à la sous-culture web, y voient un important accro à la langue française. J’avoue que si tu ne connais pas Rod et Chico, tu trouves ça gratuit en titi, qu’on commence à parler de “quart chest” chez St-Hubert.