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Spice Girls, l’Église et Neil deGrasse Tyson

Par
Gwenaëlle Scorta
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Enfant, j’aurais préféré qu’on me fasse croquer dans un cactus plutôt que de porter des robes. J’étais un petit garçon manqué, mais, comme pas mal toutes les gamines de ma génération, je trippais sur les Spice Girls. Je connaissais toutes les paroles (ok, juste les refrains) de toutes leurs chansons pis je me dandinais devant le miroir en me prenant pour Mel C.

Jusqu’à mes 13 ans, j’avais l’intime conviction que Victoria, Emma, Mel C, Mel B et Geri avaient grandi ensemble, comme dans leur clip Mama, et qu’elles étaient devenues un girls band par hasard. Mais…

HORREUR! MENSONGE! CALOMNIE!

C’était un groupe fabriqué de toutes pièces. Qu’on me mette au courant que le père Noël n’existait pas ou que c’est ma mère qui glissait des piastres sous mon oreiller quand je perdais une dent de lait ne m’a pas vraiment traumatisée. Mais apprendre que les Spice Girls était un coup monté et qu’elles n’avaient jamais appris à se swinger le bassin ensemble pendant leur enfance m’a dévastée.

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Mais, je dois avouer que c’est grâce à cette révélation-choc que j’ai eu une illumination: Fille, faut pas croire tout ce qu’on raconte. C’est ainsi que je me suis mise à me questionner et à douter de plein de choses. Yes sir Miller, c’est grâce aux Spice Girls que j’ai commencé à développer une pensée critique. Tsé, c’est facile de gober tout ce qu’on raconte sans vérifier la véracité des faits ou d’adhérer à la pensée populaire “Si la majorité des gens le disent, ça doit être vrai”. On ne se pose pas assez de questions, parce que le faire signifierait de se déconnecter un instant notre fil d’actualité Facebook et de se mettre à réfléchir.

Drôlement, c’est tout aussi facile de ne pas croire en quelque chose parce que personne n’y croit. Quand Giordano Bruno, un philosophe italien de la Renaissance, disait qu’il existait plusieurs soleils et des quantités incalculables d’univers semblables au nôtre, il n’y a pas âme qui vive qui croyait à ses propos. Pourquoi? Parce que ses déclarations s’opposaient totalement aux croyances de l’Église. Et en 1590, défier le petit Jésus t’envoyait directement au bûcher.

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À l’époque, c’est l’Église qui détenait la vérité. Et c’était facile pour le peuple: pas besoin de remettre les choses en perspective ou de s’attarder à penser, l’Église s’occupait de réfléchir pour la masse. Le pauvre Giordano s’est battu toute sa vie pour faire valoir sa théorie d’un monde infini, et jamais personne n’a daigné lui donner un soupçon de crédibilité pendant qu’il était vivant. Au final, c’est lui qui avait raison et ses théories ont été validées beaucoup plus tard. Mais on l’a condamné à brûler vif.

Et 400 ans plus tard, suivre un mouvement parce que tout le monde le fait, c’est toujours d’actualité. “Être dans gang”, c’est rassurant pour pas mal de gens. Que ce soit du bon ou du mauvais côté. Et quand un méga gros crisse de troupeau se regroupe pour défendre la liberté d’expression d’un humoriste, on a envie d’embarquer avec eux.

Mais, prenons une petite pause de 15 secondes. A-t-on vraiment le droit de dire ce qu’on veut à qui on veut sous prétexte que chaque être humain a droit à sa liberté d’expression? Techniquement, oui. Mais je me demande combien de roches se feraient lancer un dude qui se promène dans la rue à la recherche d’un enfant atteint de trisomie et qui sortirait son porte-voix pour hurler “ESTI QUE T’ES LAITE!” en le pointant du doigt.

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Utiliser des propos dégradants ou se moquer de quelqu’un à outrance en se justifiant avec l’excuse de la liberté d’expression, je trouve ça lâche pas mal. Malheureusement, la tendance sur les réseaux sociaux semble montrer que oui, tu as le droit de dire absolument ce que tu veux à qui tu veux, pis fuck le reste.

Comme dirait Neil deGrasse Tyson: “Knowing how to think empowers you far beyond those who know only what to think”.

Sur ce, je retourne écouter Spice Up Your Life.

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