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Souffrir de surenchère immobilière

Trois remèdes pour protéger les premiers acheteurs.

Par
Catherine Fournier
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Vous êtes accros aux alertes Centris et Du Proprio? Étourdis par la fonction «actualiser» de votre navigateur? Experts des offres d’achat refusées? Découragés au point que vous êtes prêts à renoncer à l’inspection et à la garantie légale de votre nouvelle propriété pour enfin espérer l’emporter?

Vous avez croisé plus de potentiels acheteurs, comme vous, que de membres de votre famille et de vos amis dans la dernière année?

Si vous répondez «oui» à tous ces critères, le diagnostic est sans équivoque : vous souffrez de surenchère immobilière.

Desjardins prévoit que le prix moyen des propriétés augmentera de 19,4 % en 2021 pour s’établir à 450 000 $, toutes régions confondues.

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Le pronostic? Sombre. Il y a de moins en moins de nouvelles inscriptions sur le marché. De fait, comme la demande demeure élevée, Desjardins prévoit que le prix moyen des propriétés augmentera de 19,4 % en 2021 pour s’établir à 450 000 $, toutes régions confondues. Dans le grand Montréal, on parle de plus de 540 000 $ si l’on se fie aux estimations de Royal LePage pour le quatrième trimestre de 2020. Et cela inclut les condos. Pour les maisons unifamiliales, c’est évidemment encore pire.

Examinons ensemble une situation typique.

Vous avez la fin vingtaine, êtes en couple, avez deux bons emplois, un revenu familial décent, voire enviable pour votre âge. Vous êtes prêts à fonder une famille, souhaitez vous établir en banlieue, avoir deux ou trois enfants, idéalement sans déménager à nouveau entre-temps. Vous évaluez vos options.

Louer un appartement? On oublie ça. Les (vrais) 5 ou 6 et demi et plus, ça n’existe presque pas. Du moins, pas sur le présent marché. Idem pour les condos, presque tous des 3 ou des 4 et demi, bâtis pour des retraités ou des jeunes professionnels sans enfants.

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Acheter une maison devient pratiquement l’unique option pour un peu plus d’espace. Cela est d’autant plus vrai qu’avec l’essor du télétravail dans la dernière année, plusieurs convoitent un environnement plus adapté.

S’ouvre alors une véritable guerre de tranchées entre les potentiels acheteurs.

J’ai utilisé un exemple dans une intervention à l’Assemblée nationale cette semaine. Je le répète ici. Prenons le cas d’une propriété dont la fiche de vente est mise en ligne le vendredi soir. Les visites sont prévues pour la fin de semaine uniquement, et le vendeur souhaite recevoir les offres au plus tard le lundi soir. Les potentiels acheteurs se succèdent les uns après les autres le samedi et le dimanche. À peine ont-ils le temps de décanter et d’analyser la propriété qu’ils doivent se décider à faire une offre. Et pas question de se contenter du prix demandé. Pour avoir une chance, ils doivent user de calculs stratégiques et tenter d’anticiper le nombre d’offres concurrentes qui seront déposées pour ainsi « miser » en conséquence, souvent des milliers de dollars au-dessus du prix affiché.

on observe actuellement une tendance selon laquelle les acheteurs sont incités à laisser tomber l’inspection, à ne pas exiger de certificat de localisation à jour ou à acheter sans garantie légale.

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Bref, non seulement les acheteurs se retrouvent à devoir débourser la maison à un prix bien plus élevé que sa valeur réelle (avec les questions sur le prix éventuel de revente qui se posent nécessairement dans la foulée de l’affaire), mais en plus, ils subissent une pression incroyable qui peut les mener à prendre des risques très préoccupants. En effet, on observe actuellement une tendance selon laquelle les acheteurs sont incités à laisser tomber l’inspection, à ne pas exiger de certificat de localisation à jour ou encore, à acheter sans garantie légale. Le tout, alors qu’il s’agit bien souvent du plus gros achat de leur vie!

C’est ce phénomène qui a mené l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) et la Chambre des notaires du Québec (CNQ) à sonner l’alarme à la fin janvier. Comme députée, je suis également très inquiète des conséquences de ce phénomène pour les jeunes de ma génération. C’est la raison pour laquelle j’ai interpellé la ministre de l’Habitation mercredi dernier, lors de la période de questions à l’Assemblée nationale. Malheureusement, je n’ai pas senti que le gouvernement réalisait l’ampleur de la situation ni ne la considérait avec le sérieux qu’elle mérite pourtant.

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Comme je suis toujours prête à soumettre des propositions constructives, en voici justement trois qui pourraient faire une différence dans le contexte de surchauffe actuel, pour protéger les premiers acheteurs :

1- Rendre les inspections obligatoires (en bonus, si on pouvait en profiter pour encadrer la profession d’inspecteur en bâtiment comme je le réclamais à titre de porte-parole de l’opposition officielle en matière de protection des consommateurs et d’habitation par le biais d’une pétition déposée à l’Assemblée nationale en 2017, ce serait encore mieux!)

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2- Limiter la possibilité de se soustraire à la garantie légale aux seuls cas de succession, pour lesquels cela se justifie.

3- Instaurer un nombre de jours minimum avant de pouvoir faire une offre d’achat sur une propriété résidentielle après son inscription sur le marché, question de donner le temps aux potentiels acheteurs de réfléchir le moindrement avant d’investir plusieurs centaines de milliers de dollars. Il me semble que ce serait apprécié d’avoir l’occasion de prendre une décision plus éclairée que lorsqu’on achète une paire de souliers.

Il me semble que ce serait apprécié d’avoir l’occasion de prendre une décision plus éclairée que lorsqu’on achète une paire de souliers.

Ceci étant dit, il faudrait bien sûr également commencer à penser à des moyens pour limiter l’inflation trop rapide sur le marché, ainsi qu’à l’instauration de mesures sérieuses pour faciliter l’accès à la propriété, mais gardons-nous cela pour une prochaine fois!

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P.S. Message au gouvernement : je vous offre mes propositions et en échange, vous les mettez en œuvre le plus rapidement possible. Deal? (Sans blague, c’est toute une génération qui vous remercierait. Et cela vous permettrait d’éviter bien des dommages collatéraux à venir. Gagnant-gagnant, comme on dit!)

VUE DU FOND

Les travaux parlementaires ont finalement repris à l’Assemblée nationale, où la rentrée s’est déroulée sous le signe de la COVID-19 pour une deuxième session consécutive. Les mesures sanitaires ont été renforcées de telle sorte qu’en plus du nombre de députés présents simultanément en Chambre toujours limité à 37 (sur 125), le masque de procédure doit désormais être porté en tout temps, même lorsqu’on est assis à notre bureau, sauf quand on prend la parole. Des plexiglas ont même fait leur apparition un peu partout entre les élus, ce qui «compartimente» le Salon bleu de façon un peu étrange. On salue les régisseurs et les caméramans qui doivent tenter tant bien que mal de trouver des angles de caméras potables pour retransmettre nos débats!

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