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Une soirĂ©e sur un plateau avec une coordonnatrice d’intimitĂ©

Un nouveau métier pour encadrer les scÚnes de nudité et de sexualité.

Par
Catherine Montambeault
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« Ah ouais, il y a un bec? », s’enquiert la comĂ©dienne Érika Suarez, visiblement inquiĂšte aprĂšs la relecture de la description de la scĂšne qu’elle s’apprĂȘte Ă  tourner.

Roxane NĂ©ron, coordonnatrice d’intimitĂ© sur le plateau, se tourne vers moi : « Tu vois, ça, c’est le genre de chose qu’on va aller Ă©tablir avec la rĂ©alisatrice tantĂŽt. Est-ce qu’elle veut un baiser? Si oui, qui va l’initier? Combien de temps elle veut que ça dure? Avec langue ou pas de langue? »

Ça ne fait pas longtemps qu’on se pose ce genre de questions sur les plateaux de tournage, au QuĂ©bec comme ailleurs. La nouvelle fonction de coordonnateur ou coordonnatrice d’intimitĂ©, qui consiste, grosso modo, Ă  s’assurer que les scĂšnes d’intimitĂ© soient tournĂ©es dans le respect des acteurs et actrices, a fait son apparition chez nous il a quelques annĂ©es, et seule une poignĂ©e de personnes – principalement des femmes – exercent pour l’instant ce mĂ©tier inusitĂ©.

L’Union des artistes (UDA) est d’ailleurs en nĂ©gociation avec l’Association quĂ©bĂ©coise de la production mĂ©diatique (AQPM) pour faire reconnaĂźtre la profession.

«Est-ce qu’elle veut un baiser? Si oui, qui va l’initier? Combien de temps elle veut que ça dure? Avec langue ou pas de langue?»

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Mais concrĂštement, qu’est-ce que ça fait, une coordonnatrice d’intimitĂ©? Quels sont les rouages qui s’opĂšrent derriĂšre les Ă©bats sexuels mis en scĂšne dans nos sĂ©ries favorites? Par quels genres de trucages Ă©vite-t-on que les comĂ©dien.ne.s se retrouvent en tenue d’Adam ou d’Ève devant un groupe de technicien.ne.s ne sachant oĂč poser les yeux?

C’est ce que j’ai voulu savoir en me faisant l’ombre de Roxane NĂ©ron, une pionniĂšre du domaine, le temps d’une soirĂ©e sur un plateau.

Des expertises conjuguées

« As-tu faim? J’irais me chercher un smoothie. »

Roxane apparaĂźt Ă  la sortie du mĂ©tro Lionel-Groulx, oĂč nous nous sommes donnĂ© rendez-vous Ă  16 h. Elle est attendue sur le plateau de la nouvelle fiction AprĂšs le dĂ©luge Ă  17 h, mais je souhaitais prendre le temps de discuter avec elle avant de plonger dans l’action. (J’apprendrai plus tard que nous aurions eu AMPLEMENT le temps de jaser sur le plateau
)

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Nous marchons ensemble jusqu’au marchĂ© Atwater pour prendre une bouchĂ©e – ou plutĂŽt une gorgĂ©e – puisque le tournage devrait se terminer vers 20 h. Smoothie vert en main, nous nous installons Ă  une table Ă  pique-nique.

Celle qui cumule une douzaine d’annĂ©es d’expĂ©rience dans le milieu tĂ©lĂ©visuel Ă  titre d’assistante-rĂ©alisatrice et de recherchiste m’explique que c’est en 2018 qu’elle a entendu parler pour la premiĂšre fois de la coordination d’intimitĂ©, en lisant le tĂ©moignage d’ÉlĂ©onore Loiselle dans La Presse. La jeune comĂ©dienne y racontait avoir Ă©tĂ© traumatisĂ©e par un tournage de scĂšnes de nuditĂ©, de masturbation et de viol, sans prĂ©avis ni le moindre encadrement.

« En lisant ça, j’ai vraiment fait comme : “Oh my god!”, relate Roxane NĂ©ron. L’article expliquait qu’aux États-Unis, il y avait des coordonnatrices d’intimitĂ© qui, comme des coordonnateurs de cascade, chorĂ©graphient et encadrent les scĂšnes de sexualitĂ© sur les plateaux. »

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DĂ©tentrice d’un baccalaurĂ©at en sexologie, Roxane voit en cette nouvelle profession la combinaison parfaite de ses deux expertises. Fin 2020, elle fonde INTImĂ©dia, une entreprise de consultation en coordination d’intimitĂ©, avec son amie Laurence Desjardins, elle-mĂȘme sexologue.

« Je m’occupe de faire le pont entre la production et les acteurs et actrices », rĂ©sume la femme de 40 ans qui a notamment travaillĂ© sur les plateaux de Nous, L’homme qui aimait trop, Plan B et L’Empereur. « Je m’assure que tout le monde sache exactement ce qui va se passer, et que la scĂšne soit rĂ©alisĂ©e dans le respect et la sĂ©curitĂ©, tout en respectant les intentions de rĂ©alisation. »

«Je m’assure que tout le monde sache exactement ce qui va se passer.»

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Lorsqu’on l’embauche, elle lit le scĂ©nario puis rencontre le rĂ©alisateur ou la rĂ©alisatrice pour comprendre sa vision et le rĂŽle que jouent la ou les scĂšnes d’intimitĂ© dans le rĂ©cit. Elle participe gĂ©nĂ©ralement Ă  la rĂ©daction de l’annexe de nuditĂ©, un document qui spĂ©cifie la nature exacte des scĂšnes d’intimitĂ©, le degrĂ© de nuditĂ© exigĂ© des artistes et la nature des accessoires et des habillements utilisĂ©s.

« Parfois, je participe carrĂ©ment Ă  la construction des scĂšnes d’intimitĂ© avec le rĂ©alisateur ou la rĂ©alisatrice, pour le challenger ou lui donner des idĂ©es; pour que ce soit le plus rĂ©aliste possible aussi », prĂ©cise Roxane.

Elle rencontre ensuite les artistes concerné.e.s pour discuter de leurs attentes, de leurs inquiétudes et de leurs limites. Une répétition est parfois prévue, mais les délais le permettent rarement.

Pour ce qui est de son travail le jour J, j’en serai tĂ©moin dans quelques minutes puisque nous nous dirigeons maintenant vers le camp de base du tournage, situĂ© dans un Ă©difice de la rue Saint-Jacques.

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Attendre, attendre et
 encore attendre

Je l’ignore encore, mais les prochaines heures de ma soirĂ©e consisteront principalement à
 attendre. Il faut dire que les dĂ©lais sont chose courante sur les plateaux.

17 h. Roxane et moi arrivons au camp de base, oĂč se trouve une partie de l’équipe de production, les costumes et les loges des comĂ©dien.ne.s. La directrice de production nous indique que le tournage a du retard : il reste encore plusieurs scĂšnes Ă  filmer avant celle Ă  laquelle je dois assister. Nous dĂ©cidons tout de mĂȘme de nous rendre sur le lieu du tournage, un appartement de la rue Bourget.

17 h 15. Nous nous installons sur des chaises Ă  l’extĂ©rieur de l’immeuble Ă  logements en attendant notre tour. Roxane me montre les accessoires qu’elle traĂźne dans son sac.

Une «poche de thé», un tissu de couleur chair, permet aux acteurs qui doivent se dénuder entiÚrement de cacher leurs organes génitaux.

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Un petit ballon que l’on gonfle Ă  la bouche sert Ă  sĂ©parer les pubis des comĂ©dien.ne.s lorsqu’ils font semblant de faire l’amour, pour Ă©viter le contact tout en laissant place aux mouvements. Une « poche de thé », un tissu de couleur chair, permet aux acteurs qui doivent se dĂ©nuder entiĂšrement de cacher leurs organes gĂ©nitaux. Roxane a Ă©galement toujours sur elle rince-bouche, parfum, dĂ©odorant et autres produits pour assurer la fraĂźcheur des rapprochements.

17 h 50. Roxane me propose de retourner au camp de base pour discuter avec Érika Suarez, qui jouera dans la scĂšne d’intimitĂ© que je suis venue observer.

VĂȘtue d’un peignoir blanc, ses paupiĂšres fardĂ©es de rose, Érika patiente dans sa loge depuis midi. C’est la premiĂšre fois que l’humoriste de la relĂšve, qui interprĂšte le rĂŽle d’Eva dans la sĂ©rie, travaille sur un projet comme actrice. Au stress de cette nouvelle expĂ©rience s’ajoute celui de prendre part Ă  deux scĂšnes de sexualitĂ© (dont l’une est dĂ©jĂ  tournĂ©e).

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Quand je lui demande ce que la prĂ©sence d’une coordonnatrice d’intimitĂ© change pour elle, la jeune femme s’exclame : « TOUTE! Seigneur, sans elle, ça aurait Ă©tĂ© stress level 1000! »

« Il y a tellement d’affaires que j’avais pas pensĂ© qui pourraient me dĂ©ranger, et que je n’aurais peut-ĂȘtre pas osĂ© mentionner si Roxane n’avait pas Ă©tĂ© lĂ , poursuit-elle. Par exemple, pendant la premiĂšre scĂšne, quand Roxane a dit Ă  tout le monde de se retourner [pour ne pas la voir alors qu’elle Ă©tait en petite tenue], j’ai fait : “C’est ben trop vrai!” Je n’aurais pas pensĂ© Ă  ça sans elle, mais ça aurait pu teinter l’expĂ©rience nĂ©gativement pour moi. »

Érika compare la coordonnatrice d’intimitĂ© Ă  un filet de sĂ©curitĂ©. « Parce que t’sais, Pascal [le comĂ©dien avec qui elle partage des scĂšnes d’intimitĂ©], il est super cool, mais tu peux tomber sur un dude weird aussi, dit-elle. Comment tu gĂšres ça? À qui tu parles? Quand Roxane est lĂ , je sais que personne ne va donner un bec de plus ou faire un move de trop, tu comprends? »

«Quand Roxane est là, je sais que personne ne va donner un bec de plus ou faire un move de trop.»

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Roxane et Érika se mettent Ă  discuter de la scĂšne de ce soir. La coordonnatrice d’intimitĂ© rappelle le contexte Ă  l’actrice et lui lit l’annexe de nuditĂ© dĂ©crivant la scĂšne : « Joker [jouĂ© par Pascal Tshilambo] fait l’amour passionnĂ©ment avec Eva sur le sofa. Il reçoit un appel. Joker enlĂšve le condom. La scĂšne commence et on les voit dĂ©jĂ  dans l’action. On ne voit pas les prĂ©liminaires, c’est une relation plus passionnĂ©e que la 338. Missionnaire sur le sofa. Ils vont s’embrasser. »

Érika s’inquiĂšte du baiser, mais Roxane la rassure et lui promet de s’informer Ă  ce sujet auprĂšs de la rĂ©alisatrice Ă  notre arrivĂ©e sur le plateau.

Silence, on tourne

18 h 20. Nous quittons Érika et retournons Ă  l’extĂ©rieur de l’appartement de la rue Bourget pour
 attendre.

GrĂące Ă  des walkies-talkies, les technicien.ne.s Ă  l’intĂ©rieur du logement, qui sont loin de chĂŽmer, tiennent ceux Ă  l’extĂ©rieur au courant de l’avancĂ©e du tournage.

20 h. Je connais Ă  prĂ©sent le nom de tous les membres de la famille de Roxane, la destination de ses prochaines vacances et ce qui l’empĂȘche de dormir la nuit. J’exagĂšre, mais nous commençons Ă  avoir Ă©pluchĂ© les sujets de conversation. La nuit est tombĂ©e et il fait de plus en plus froid.

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20 h 30. Lueur d’espoir : des applaudissements retentissent Ă  l’intĂ©rieur. « La scĂšne est complĂ©tĂ©e? », demande Roxane Ă  une technicienne. « Non, il reste deux plans et trois inserts. »

CongelĂ©es, nous nous immisçons dans l’immeuble par la porte qui mĂšne au sous-sol. Nous nous rĂ©chauffons entre des Ă©tagĂšres dĂ©bordantes de livres et des piles de vinyles.

20 h 50. « Coupez! » Enfin, la scĂšne qui prĂ©cĂšde la nĂŽtre est bouclĂ©e. Pascal Tshilambo, l’interprĂšte du personnage de Joker, descend au sous-sol afin que Roxane lui montre comment enfiler la « poche de thé ».

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Pendant qu’il se change, la coordonnatrice d’intimitĂ© m’avertit : « Tu vas voir, en haut, ça va aller trĂšs vite. Le stress va ĂȘtre palpable. »

« Ok, tu me diras oĂč me placer, gĂȘne-toi pas pour me donner des ordres! », que je lui rĂ©ponds.

21 h. C’est notre tour! Roxane avait raison : aprĂšs quatre heures d’attente, tout s’enchaĂźne maintenant Ă  une vitesse folle. Dans le petit quatre et demie Ă  l’étage, une fourmiliĂšre d’une vingtaine de personnes s’active pour la mise en place de la prochaine scĂšne. Entre un technicien qui dĂ©place des meubles et un autre qui ajuste l’éclairage, je tente de me faire la plus discrĂšte possible, mais je semble ĂȘtre constamment dans les jambes de quelqu’un.

21 h 20. Roxane demande Ă  tous les membres de l’équipe dont la prĂ©sence n’est pas absolument nĂ©cessaire de sortir pour une courte rĂ©pĂ©tition Ă  plateau fermĂ© (close set). Il ne reste que les deux acteur.trice.s – Érika et Pascal –, la rĂ©alisatrice Mara Joly, le directeur photo, la script-Ă©ditrice, Roxane et moi.

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L’équipe revoit le dĂ©roulement de la scĂšne. Toujours en peignoir, Érika s’allonge sur le sofa du salon pendant que Pascal, habillĂ©, se tient au-dessus d’elle. La rĂ©alisatrice leur rappelle la chorĂ©graphie : quelques secondes de faux va-et-vient passionnĂ©s, le cellulaire de Pascal sonne, il rĂ©pond en se retirant et les deux se rhabillent.

Roxane demande Ă  Mara Joly si le duo devra s’embrasser. La rĂ©alisatrice hĂ©site, puis dĂ©clare que ce ne sera pas nĂ©cessaire. Je devine le soulagement d’Érika.

Roxane demande Ă  Mara Joly si le duo devra s’embrasser. La rĂ©alisatrice hĂ©site, puis dĂ©clare que ce ne sera pas nĂ©cessaire.

Au terme de la rĂ©pĂ©tition, pendant que l’équipe technique fait les derniers ajustements, Roxane consulte tour Ă  tour Mara, Érika et Pascal pour vĂ©rifier que tout le monde est sur la mĂȘme longueur d’onde et Ă  l’aise avec ce qui s’en vient. Érika demande si on peut lui trouver des caleçons plus longs pour la couvrir davantage, comme seul le haut de son corps et ses jambes apparaĂźtront Ă  la camĂ©ra. Le costumier lui en apporte.

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21 h 30. Tout est prĂȘt. L’assistant-rĂ©alisateur Ă©met le mĂȘme avertissement qu’a donnĂ© Roxane avant la rĂ©pĂ©tition : seules les personnes essentielles peuvent rester (elles sont plus nombreuses que lors de la rĂ©pĂ©tition), et celles qui le peuvent doivent adopter la position de courtoisie, soit se tourner dos Ă  la scĂšne.

La coordonnatrice d’intimitĂ© tient le peignoir d’Érika ouvert devant elle pendant que la comĂ©dienne remonte sa jupe et s’installe Ă  nouveau sur le divan, un soutien-gorge rose recouvrant sa poitrine. MĂȘme chose pour Pascal, qui retire son chandail et baisse ses pantalons.

Lors de la premiĂšre prise, Roxane filme le moniteur dans la cuisine avec son cellulaire, pour pouvoir ensuite montrer le rĂ©sultat Ă  Érika. « C’est quelque chose dont j’avais discutĂ© avec elle avant, me prĂ©cise la coordonnatrice d’intimitĂ©. Pouvoir voir la scĂšne avant que ça sorte Ă  la tĂ©lĂ©, ça la rassurait beaucoup. Il y a plein d’actrices pour qui c’est le contraire, qui me disent : “Je ne veux absolument pas me voir!” »

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Une technicienne doit s’ajouter au plateau pour ajuster le cadrage. Roxane demande le consentement des acteur.trice.s, qui acquiescent.

22 h 15. Quatre prises plus tard, l’assistant-rĂ©alisateur crie « reverse! », ce qui signifie que le premier plan est terminĂ© et qu’on doit maintenant refaire la scĂšne d’un autre angle. Encore une fois, Roxane va voir Érika et Pascal pour leur expliquer la nature du cadrage et quelles parties de leurs corps seront visibles.

22 h 40. It’s a wrap! (Oui, je maĂźtrise dĂ©sormais le vocabulaire de tournage.) L’équipe remballe ses affaires, soulagĂ©e.

Mara Joly semble satisfaite. Je n’ose pas la dĂ©ranger (et j’ai hĂąte d’aller me coucher), mais au tĂ©lĂ©phone quelques jours plus tard, la rĂ©alisatrice me confie que la prĂ©sence de la coordonnatrice d’intimitĂ© Ă©tait tout aussi sĂ©curisante pour elle que pour les acteur.trice.s.

«Comme actrice, j’ai dĂ©jĂ  eu de mauvaises expĂ©riences, et j’aurais adorĂ© que ce ne soit pas la costumiĂšre qui me protĂšge.»

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« Je trouvais ça rassurant de savoir que si les acteurs ressentaient un malaise quelconque, ils pouvaient l’expliciter sans que ce soit Ă  moi directement, et que ça allait ĂȘtre pris en considĂ©ration et gĂ©rĂ©, mentionne-t-elle. Que Roxane soit lĂ  pour transmettre le mĂȘme message Ă  tout le monde qui est impliquĂ© dans les scĂšnes d’intimitĂ©, ça m’enlĂšve un gros fardeau. »

« Comme actrice, j’ai dĂ©jĂ  eu de mauvaises expĂ©riences, et j’aurais adorĂ© que ce ne soit pas la costumiĂšre qui me protĂšge, alors que ce n’est pas son dĂ©partement. Alors je trouve que ce mĂ©tier-lĂ  est extraordinaire et nĂ©cessaire. »

Avant que je quitte le plateau en remerciant Roxane, Érika passe prĂšs de moi et me glisse au sujet de la coordonnatrice : « Tu comprends maintenant pourquoi elle est indispensable? »

Je ne peux qu’ĂȘtre d’accord avec elle.