Logo

Soigner son animal en lui donnant du Tylenol, une fausse bonne idée

Mêmes ingrédients, différents effets.

Par
Marie-Ève Martel
Publicité

Quand son chat Monsieur, alors âgé de quatre ans, a reçu un diagnostic d’insuffisance rénale chronique, Julien Gélinas a dû trancher : ou bien il payait plus de 100$ par mois pour soigner son animal, ou bien il le faisait euthanasier.

Si pour certains, ce dilemme les a menés à une fin tragique, faute de moyens financiers, dans le cas qui nous intéresse, l’amour du maître pour son animal a plutôt triomphé. On pourrait penser que 1200$ par an pour garder son compagnon en vie n’est pas un gros sacrifice, mais grâce à ses recherches, Julien a réussi à économiser.

« Quand on a commencé à le soigner, la vétérinaire lui a prescrit un vasodilatateur destiné aux animaux et qui me coûtait environ 80$ par mois, relate le Trifluvien. J’ai fait des recherches sur le médicament et j’ai découvert que sa molécule active est aussi utilisée chez les humains. »

Julien Gélinas et son chat, Monsieur. (Crédit : Geneviève Thomas)
Julien Gélinas et son chat, Monsieur. (Crédit : Geneviève Thomas)
Publicité

Avec l’assentiment de son médecin vétérinaire, Monsieur a donc commencé à prendre l’équivalent humain de son médicament, avec un dosage approprié. Le tout a permis des économies mensuelles de 53$ par mois à son propriétaire, qui a aussi épargné en se procurant le soluté de Monsieur sur des sites de matériel médical. S’iI lui en coûtait 10$ le litre à sa clinique vétérinaire alors qu’en ligne, il a trouvé le même produit en ligne, de la même marque, à 4$ le litre.

Julien Gélinas n’est certainement pas le seul qui souhaite réduire ses dépenses mensuelles, sans toutefois sacrifier la santé de son compagnon à quatre pattes.

On le sait, tout coûte plus cher : l’épicerie, le loyer, le resto, mais aussi les frais vétérinaires. Et que ce soit pour sauver quelques piastres ou parce qu’on croit que ça guérira Minou ou Pitou, il peut être tentant de les soigner avec ce qu’on trouve dans notre pharmacie.

Après tout, si c’est bon pour l’humain, ça doit l’être pour un animal de compagnie? « Pas si vite! », préviennent des spécialistes.

Une erreur qui peut coûter cher

Donner des médicaments sans ordonnance à son animal en croyant qu’ils leur seront aussi bénéfiques qu’ils le sont pour nous « est une erreur qu’on voit souvent » chez les propriétaires d’animaux de compagnie, note le Dr Gaston Rioux, président de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec (OMVQ).

Dr Gaston Rioux (Crédit :Ordre des médecins vétérinaires du Québec)
Dr Gaston Rioux (Crédit :Ordre des médecins vétérinaires du Québec)
Publicité

« C’est fréquent que les médecins vétérinaires se fassent poser des questions sur l’aspirine et le Benadryl et il arrive assez souvent que les gens confondent aspirine et Tylenol », explique-t-il.

Il n’est pas rare que des médecins vétérinaires accueillent des chiens à qui leur maître a donné du Tylenol. Pour les chats, ce médicament est mortel.

Quant à l’aspirine, il est possible d’en donner à un chien ou à un chat, mais en très petites doses et sous surveillance, ce médicament étant métabolisé moins rapidement par les animaux. Or, devant cette réaction plus lente, les propriétaires peuvent avoir le réflexe de leur administrer une seconde dose, qui pourrait être fatale.

Idem pour le Benadryl. « Le Benadryl, c’est un des produits qui est probablement le plus utilisé pour traiter des allergies par des propriétaires d’animaux, reconnaît le Dr Rioux. Le problème, c’est qu’il contient de la pseudoéphédrine, un décongestionnant potentiellement toxique pour eux. »

Publicité

« C’est sûr qu’une petite dose ou deux, à la rigueur, peut soulager leurs symptômes, mais il est préférable de consulter un vétérinaire pour se faire prescrire un médicament approprié », ajoute le vétérinaire.

Des propriétaires choisissent parfois de traiter leur animal avec ce qu’ils ont sous la main par manque de temps ou d’argent pour aller consulter en clinique, ce qui a pour effet d’empirer l’état de santé de l’animal… et de gonfler la facture en fin de compte. « Quand ça se transforme en urgence, c’est plus cher », reconnaît le Dr Rioux.

L’OMVQ ne saurait dire si davantage de propriétaires soignent leurs animaux avec ce qu’ils ont sous la main, mais note une augmentation d’abandons d’animaux blessés ou malades dans les refuges lorsque leur propriétaire n’a pas les moyens de les faire soigner.

Pas dupes derrière le comptoir

Les pharmaciens en voient aussi de toutes les couleurs, eux qui peuvent servir des médicaments vétérinaires d’ordonnance.

« Il y a des gens qui vont donner du Gravol à leur chat avant de prendre la route. Personnellement, je ne le ferais pas », raconte Jean-François Desgagné, président de l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ).

Publicité

Il ajoute que certains clients tentent parfois de passer des petites vites aux pharmaciens, qui ne sont pas dupes.

« Une autre situation qu’on voit beaucoup, ce sont des gens qui cherchent des gouttes antibiotiques pour les yeux. C’est disponible en vente libre pour les humains qui souffrent d’une conjonctivite, mais pour les animaux, il faut une ordonnance. Donc, on a des gens qui essaient de nous faire croire que c’est pour eux. Mais je ne peux pas leur donner ces gouttes si je sais que c’est pour leur chat : ce serait un acte dérogatoire à l’art de la pharmacie », poursuit Jean-François Desgagné.

Jean-François Desgagné. (Crédit : Ordre des pharmaciens)
Jean-François Desgagné. (Crédit : Ordre des pharmaciens)
Publicité

Celui-ci explique par ailleurs que la différence de prix entre les médicaments pour humains et ceux pour animaux est attribuable à l’existence de produits génériques et de dérivés qui n’ont pas été approuvés pour les animaux.

Néanmoins, les pharmaciens sont des alliés pour traiter les animaux de compagnie. Par exemple, iI existe des groupes d’entraide privés, notamment sur Facebook, où les professionnels intéressés par la pratique vétérinaire peuvent se conseiller et partager leur expertise, relate Jean-François Desgagné.

Celui-ci compte parmi ses patients un chien souffrant d’épilepsie qu’il traite avec un médicament humain, le lévétiracétam. « Ce médicament est d’usage très fréquent et les dosages ont été adaptés pour la race canine », explique le pharmacien.

Un autre chien, victime d’un stress post-traumatique survenu après un accident de la circulation, est traité avec un antidépresseur pour humains, le trazodone, qui l’aide à mieux dormir et à gérer son anxiété.

Publicité

Engager sa responsabilité

Le Dr Rioux rappelle que même si des médicaments pour humains et animaux partagent une molécule commune, cela ne signifie pas que ce qui est bon pour nous est bon pour Pitou ou Minou. « On ne peut pas conclure que c’est un bioéquivalent parce qu’ils ont la même molécule de base. Ce qui est homologué pour un humain n’a pas été nécessairement testé pour les animaux », mentionne le président de l’OMVQ.

Certains produits destinés à l’usage vétérinaire seulement, mais d’autres médicaments sont les mêmes que ceux qu’on donne aux humains, à la différence qu’on en ajuste le dosage.

Le cas échéant, le vétérinaire engage sa responsabilité professionnelle. « Le chemin le plus facile et le plus sécuritaire, c’est toujours de prescrire le médicament homologué pour l’espèce, dit le Dr Rioux. Il peut parfois arriver que pour différentes raisons, le médecin vétérinaire prescrive un médicament hors étiquette, mais il doit justifier son choix et en assumer la responsabilité. »

Publicité