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Ces jours-ci, je feuillette Poulet Grain-Grain, la nouvelle BD du duo formé par François Samson-Dunlop et Alexandre Fontaine Rousseau. En plus d’être une oeuvre très amusante, celle-ci s’avère – peut-être bien malgré elle – une critique intéressante de différentes formes d’activisme du terroir.
Dans cet épisode, un des membres du tandem verbeux imaginé par les artistes veut se lancer dans l’« action directe » en se procurant une ferme pour élever des poules à la campagne après avoir visionné un documentaire manipulateur qui lui a fait le même effet que « ze » scène de Bambi…
Au fil de l’ouvrage, on a droit à tous les clichés de l’argumentation telle qu’expérimentée sur les réseaux sociaux en temps de grands débats de société : l’information uniquement glanée sur Wikipédia ainsi que l’appel aux bons sentiments (dans Poulet Grain-Grain, cette botte secrète se traduit en deux mots : Bruce Springsteen… et c’est délicieux).
Le « marketing » derrière l’engagement est aussi abordé alors que les compères tentent de trouver un nom « punché » pour la ferme sans être trop hippie ou encore trop militant, par exemple. Un gag ASSÉ clair…
Juste pour être sûr, on poussera le bouchon jusqu’à une séquence où un des éleveurs rêvera à une manifestation de poules adaptant des cris de ralliements entendus pendant le Printemps Érable à la situation (comme « Fermier? Wooouuuhooouuu! » parmi tant d’autres).
Malgré ces références – et l’engagement assez couillu des bédéistes qui refusaient poliment l’année passée une entrevue au Journal de Montréal, jugeant que Québécor livre une guerre ouverte à la culture – Poulet Grain-Grain demeure une lecture plus amusante que moralisatrice et, surtout, qui sert de point de départ tentant à un billet de blogue abordant l’engagement en revenant sur deux tendances observées au cours des derniers jours.
Les purs et durs
Le lien s’est échangé sur Facebook en plus d’être mentionné sur La Clique du Plateau : samedi, une poignée de manifestants participant à une marche dénonçant, notamment, la hausse des frais d’électricité à venir l’année prochaine, s’en sont pris à Pierre-Karl Péladeau et ses filles qui quittaient les bureaux de Québécor, là ou la marche s’arrêtait. The Love Police, un média alternatif, a capté la scène…
Des doigts d’honneur dirigés à l’homme, mais aussi à ses enfants en plus de projectiles et de coups de pieds sur son véhicule… la grosse classe, quoi!
Ainsi, malgré l’action du FRAPRU, tout ce que le grand public retiendra de cette manif’, c’est une bande de champions scandant des clichés, faisant des « fuck you » à une gamine et son père et faire de la savate sur une voiture.
La quête initiale est noble (l’inquiétude du FRAPRU est justifiée et le collectif a même des pistes à proposer au gouvernement pour renflouer ses coffres sans appauvrir les plus démunis), mais est-ce que la démarche est toujours d’actualité? Avez-vous envie de vous joindre à cette cause après… ça!? J’en doute…
Et si… le « slacktivism » était désormais une meilleure option?
La plume, l’épée, les mini-miss…
Après le succès boeuf du Manifeste pour un Québec inclusif, c’est une pétition contre la tenue d’un concours de Mini-Miss qui a rassemblé le peuple. Au moment d’écrire ces lignes, plus de 46 000 personnes ont signé le document et MusiMax a retiré deux émissions de sa programmation qui abordent le phénomène.
Bref, ça « marche », mais à très, très, très petite échelle…
Bien que MusiMax a retiré deux émissions – plutôt mauvaises – de sa programmation, l’organisation désirant tenir la fameuse compétition de Mini-Miss à Laval affiche toujours l’événement sur son site. Annulera? N’annulera pas? À suivre, mais le constat demeure le même : c’est incroyablement triste qu’on doive en venir à de telles interventions pour nuire à des foires honteuses du genre.
OK, les pétitions en ligne permettent de s’engager – avec conviction, mais sans grand effort -, mais la multiplication de celles-ci – et certains sujets de prédilection – rend la démarche souvent risible… parlez-en à cette personne se disant « contre la violances enferre les enfants les animaux car pour moi sa devrait pas exictait » et exigeant des lois plus strictes à cet effet en France ou encore à la CAQ, qui voulait forcer le gouvernement du Québec à poursuivre au civil les fraudeurs liés à la collusion et à la corruption; surtout pas pour attirer l’attention, oh non, quand est-ce que François Legault et ses sbires se livrent à de tels exercices, après tout!?
Le retour à l’avant-plan de la pétition au Québec est tel, qu’on s’en contrebalance à nouveau à une vitesse fulgurante. Ainsi, toujours la semaine dernière, on avait droit à cette pétition réclamant… davantage de pétitions.
Alors, où on en est là? On fait quoi si les manifestations sont moins séduisantes et si le renouveau des pétitions est déjà ridiculisé? On s’endort? On va élever des poules à la ferme?
En attendant…
Illustration : la pochette de Poulet Grain-Grain