D’emblée, c’est clair : Montréal est un calisse de cauchemar à traverser. En char, en bus, à vélo… Peu importe le moyen de transport, vous allez sacrer. Mais cette chronique ne rejouera pas l’éternel disque des cônes orange et des cratères lunaires. C’est notre fatalité : autant l’embrasser avec sérénité.
Si le Far West des chantiers reste un drame sisyphéen, cette ville brouillonne est pourtant devenue, au fil des années, la plus cyclable d’Amérique du Nord. Chaque été, la culture du vélo s’y enracine un peu plus, et contrairement à l’état des rues, on ne s’en plaindra pas.
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L’administration Plante est allée au batte, élargissant, sécurisant et, surtout, légitimant nos trajets. Pour ça, on lui lève notre casque. Avec son départ prévu cet automne, les prochaines élections municipales pourraient bien tourner en référendum anti-pistes cyclables. Une idée qui me dépasse, surtout face à des enjeux comme la crise du logement.
Sauf que plus la bécane gagne en popularité, plus la cohabitation est tendue. Aux heures de pointe, certaines pistes se transforment en champs de bataille, voire en petits laboratoires de darwinisme sur deux roues.
Alors, pourquoi ne pas faire un smash ou pass du savoir-vivre? Voici mon tour d’horizon cycliste de l’été 2025.
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Les écouteurs
De grâce, laissez ça dans votre sac.
Je veux pas jouer à la police de la piste, mais sérieusement : votre podcast vaut-il vraiment plus que la sécurité de tous? Les AirPods, écouteurs à réduction de bruit et casques gros comme des centrales nucléaires se sont répandus comme une épidémie. Résultat : vous vous amputez d’un sens vital pour rester confiné dans votre bulle sonore, et tant pis pour les autres. On voit bien que vous pédalez un peu sur la lune.
Oui, c’est interdit, mais tellement banalisé qu’on dirait presque encouragé. Rien que d’y penser, ça donne envie de jeter les gants. ❌
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Solidarité entre cousins
Hot take : je n’ai rien contre les joggeurs égarés sur les pistes cyclables. Tant qu’ils respectent le sens et tiennent un rythme décent, je les salue.
Courir sur un trottoir, c’est une punition en soi. Ils halètent déjà comme des chiens, inutile de les arroser d’injures par-dessus. Vous restez des alliés de la tribu. De lointains cousins de la même espèce. ✅
On oublie vite le bon vieux temps
Même indulgence pour les cyclistes à contresens.
Les Montréalais ont la mèche courte et s’emportent vite dès qu’on trouble la paix du peloton. On se juge, on s’engueule. Pourtant, hier encore, avant le REV Saint-Denis et ses 10 000 passages quotidiens, nous étions des marginaux livrés à l’hostilité des rues.
Accordons-nous un peu de clémence mutuelle. ✅
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Les tickets
Oui, les cyclistes peuvent parfois ressembler à des maringouins. Oui, on se permet des libertés avec le code. Et oui, ça nous vaut pas mal de haine.
Mais de là à coller une amende pour un arrêt mal fait ou un petit bisou sur le trottoir, alors que le danger est sans commune mesure avec celui des automobiles? Come on, boss! Cette ville, son urbanisme et ses artères ont été conçus pour le char. Pas étonnant que les cyclistes grillent quelques feux.
Je ne parle pas de gunner les yeux fermés sur René-Lévesque, mais de négocier une rue à sens unique du Plateau parfaitement déserte.
Gardez vos trappes à tickets pour les chauffards ou, à la limite, les monocycles. Fuck off le cadet. ❌
Beatbox ambulant
Sujet polarisant pour rien.
Libérons tous ces DJ improvisés qui tentent d’insuffler un peu de magie à cette ville grise. Personne ne me fera changer d’avis, même si, je l’admets, leurs playlists ne suivent pas toujours une logique implacable. Mais comment ne pas sourire en croisant ce barbu qui blast du reggaeton sur son vélo Harley-Davidson fait maison? ✅
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Texter aux feux rouges
Cette charte très subjective tolère un petit coup d’œil au téléphone… à l’arrêt. Vite fait, d’accord. Mais quand ça passe au vert, l’écran devrait déjà être rangé. On ne devrait pas avoir à slalomer autour de vous pendant que vous terminez de regarder vos stories.
Invisible encore hier, ce phénomène est devenu une vraie plaie d’Égypte. Même sanction pour ceux qui papotent au téléphone à 8 km/h, plantés à gauche sur la piste cyclable : pognez tous un flat. ❌
Les Bixis
De nos jours, une métropole sans vélos publics, c’est une ville condamnée à prendre la poussière. Partout sur la planète, ces tanks difformes démocratisent le transport actif, offrent aux touristes l’illusion de savoir rouler et, surtout, une formidable façon de découvrir l’inconnu. Autrefois honnis par les puristes, les bixistes font désormais partie du décor et comptent parmi les piliers de cette communauté qui roule.
Mention spéciale au trip estival ultime : trois consommations, un Bixi bleu, pas de casque, pleine vitesse sur l’asphalte encore chaude.
Et clin d’œil aux ados qui s’y entassent à trois ou quatre, perchés comme sur les BMX de mon enfance : quand je vois ça, je retrouve foi en vous. ✅
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Clignotement à bras
Plaidoyer pour la sonnette, le klaxon des cyclistes. Deux petits ding-ding et soudain, tout le monde se redresse, Le Caire style, en plus d’être mille fois plus sympathique que ces maudits signaux à la main débile.
Parce que, pour les derniers flashers humains qui s’accrochent à ce code de conduite venu de nulle part, sachez-le : à chaque bras levé pour annoncer votre virage, vous ralentissez, brisez le rythme et semez l’extrême confusion, juste pour afficher votre supériorité morale.
Tout le monde vous déteste. ❌
Avoir peur
Se faire emportiérer, ça laisse un trauma qui met parfois des mois à se dissiper, autant dans le corps que dans la tête. Après ça, chaque portière devient la cachette potentielle d’un livreur pressé qui ouvre sans regarder. Malgré tout, j’ose croire que les automobilistes sont aujourd’hui plus conscients que jamais de notre présence.
Même si ça demeure risqué, le vélo, c’est vivre à hauteur d’humain, loin de l’étouffante morosité du métro. C’est respirer la boulangerie ou le compost, croiser des regards, attraper au vol des bribes de conversations, éviter les craques. C’est saluer les brigadières bienveillantes, croiser les marginaux hauts en couleur, rencontrer des amis au hasard, bref, habiter la ville.
Chaque rue a son rythme, et on le sent dans chaque coup de pédale. La frousse est normale. Elle finit toujours par passer. ❌
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Et on roule sur Bellechasse
Santé aux parents imprudents qui clenchent comme Schumacher en 2004, bébé à l’avant, fillette à l’arrière, ti-gars strappé sur les épaules. Respect aux bambins déjà en formation pour devenir la prochaine génération dépendante à la vitesse pure.
Shout-out aussi aux bonhommes avec un petit miroir qui descend de leur casque : vous êtes les vrais gardiens du royaume. ✅
Le virus
Verte recrue ou vieux routier, on s’est tous déjà fait voler un vélo. Ou deux. Ou quatorze. Des pièces, des roues, des lumières… et je t’ai pas oublié, ostie d’marde qui m’a piqué mon siège juste avant une date, en 2014.
Airtag caché, cadre buriné, cadenas militaire : il y aura toujours un gobelin tapi dans l’ombre pour nous faire lever les yeux au ciel. Une épidémie dont on ne guérira sans doute jamais. ❌
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La Main indétrônable
Encore aujourd’hui, le boulevard Saint-Laurent reste la meilleure rue pour rouler à vélo, même sans piste cyclable.
Se mêler au trafic, zigzaguer entre les autobus et les camions doubles-parkés : c’est sportif, c’est vivant, c’est parfait pour une course improvisée entre étrangers. ✅
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Les shérifs de la conformité
Pour en croiser chaque année un peu plus, je suis fermement contre les justiciers de la route. Deux roues, quatre roues ou deux pieds : peu importe, ils gonflent les stats d’incivilités.
Ces juges ou bourreaux autoproclamés doublés de grandes victimes pleurnicheuses, toujours prêts à te balancer un char de marde pour une manœuvre anodine qui égratigne leur ego…
Petit message amical : allez chier. ❌
L’étiquette non écrite
Règle tacite mais essentielle : toujours laisser la personne devant esquiver la bouche d’égout, même si vous vous apprêtez à la dépasser. Un minimum de savoir-vivre.
Hiérarchie officieuse à instaurer : peu importe votre vitesse, si vous avancez juste à la force des jambes, vous dominez spirituellement toutes trottinettes électriques et autres bébelles à batterie. Point final.
Et tant qu’on y est : le cycliste qui remonte la file jusqu’au feu rouge n’a pas à subir vos foudres. « Tu ferais pas ça en voiture, pourquoi ça serait correct à vélo? » Parce qu’on n’est pas en char, justement. Si vous prétendez rouler plus vite que tout le monde, prouvez-le : devenez Tadej dès que le feu passe au vert. J’accueille. Ce n’est pas Amsterdam ni Copenhague : c’est l’Amérique, icitte. ✅
Pinarello en or
Rien contre les meutes en lycra MAAP, cassette hurlante comme un essaim de criquets. Un peu douche, oui, mais why not, pinotte : l’été est court, laissez-les rouler comme s’ils disputaient le Tour de Villeray. On adore les dépasser… juste pour se faire griller dans la seconde qui suit. Au fond, on est tous un peu jaloux, coincés sur nos vieux carrosses pendant que filent leurs roues full carbone. ✅
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En conclusion, à mesure que le vélo se démocratise, il ne s’agit pas seulement de préserver cette grande danse circassienne composée de cyclistes en fatbike avec un chat sur la tête en plein wheelie, d’itinérants sur des vélos d’enfant qui s’agrippent aux cubes pour gravir une côte et d’adeptes du grand-bi vêtus pour une compétition de motocross.
Il faut savoir reconnaître nos avancées et les célébrer. Saluer cette ville qui a osé aller de l’avant, et les citoyens qui ont suivi. Être cycliste, ce n’est pas toujours glamour — loin de là — mais c’est, chaque jour, une dose de plaisir, un brin de fierté, et la volonté, à notre échelle, de participer au changement… Quitte, parfois, à endosser le rôle du méchant.
À qui la rue?
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