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Six pieds de distance pour ma mère, six pieds sous terre pour mon père
Je débarque au métro Langelier à 9h24. Je marche sur la rue Sherbrooke jusqu’à l’enceinte du cimetière. Il fait frette, c’est lugubre et je feel pas super bien.
Je le connais un peu trop bien le Repos Saint-François d’Assise. J’y ai été une première fois y’a une vingtaine d’années pour la mort de mon grand-père, pour ensuite y retourner à l’enterrement de son fils, mon père.
Seul à marcher au travers des allées, le silence est le seul élément qui m’accompagne.
Ce cimetière de l’Est montréalais n’a pas l’allure grandiose de ceux bordant le mont Royal, il n’en reste pas moins que la sérénité est la même.
Depuis maintenant 10 ans, j’y retourne annuellement le 26 mars pour souligner le décès de mon père. Parfois seul, parfois avec ma copine du moment, mais souvent avec celle qui a partagé 30 ans de sa vie, ma mère.
Disons qu’après une décennie, j’ai le goût de brailler un peu plus. Dans les bras de ma mère…
Cette année n’y fait pas exception, malgré la crise du COVID-19. Et souligner les 10 ans d’un décès, ce n’est pas un comme un 4e, 7e ou 9e anniversaire. Disons qu’après une décennie, j’ai le goût de brailler un peu plus. Dans les bras de ma mère…
Je me retrouve devant la pierre tombale. Mon nom de famille gravé en gros sur la partie supérieure de la pierre. Chaque fois, ça me déstabilise de voir mon nom inscrit ici. Les deux corbillards grisâtres qui passent derrière moi me ramènent à la réalité. Ce n’est pas un parc ici, c’est un endroit où on enterre les morts.
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Mon père Raymond et moi-même
J’ai une quinzaine de minutes d’avance à mon « rendez-vous annuel » avec ma mère. Un quart d’heure qui m’a semblé une éternité.
Au téléphone la veille, la mère m’avertit qu’elle va apporter des chaises pliantes. Pour s’asseoir devant la tombe, à deux mètres de distance…
Habituellement lorsque je me recueille devant la pierre tombale d’un être cher, la première chose que je fais pour me remonter le moral, c’est prendre ceux que j’aime dans tes bras. C’est pas m’asseoir et pleurer à deux mètres de distance.
En ouvrant le coffre de sa voiture, elle sort plutôt un petit banc de jardin et un tabouret. « Les chaises étaient dans le fond du cabanon, je n’étais pas capable de les prendre, il y a tout le stock d’été qui est devant. Je t’ai apporté le petit banc de jardin, lui qui est sur le patio depuis toujours », annonce-t-elle avant que l’on parte à rire tous les deux.
Rire dans un cimetière c’est inhabituel, mais tellement réconfortant.
Je reste debout, ma mère à deux mètres de moi. C’est surréel comme situation.
Habituellement lorsque je me recueille devant la pierre tombale d’un être cher, la première chose que je fais pour me remonter le moral, c’est prendre ceux que j’aime dans tes bras. C’est pas m’asseoir et pleurer à deux mètres de distance.
10 ans après le mort de mon père, je ne peux pas prendre ma mère dans mes bras. On a beau être devant la tombe de l’homme qui a partagé 30 ans de sa vie, il faut vivre notre peine chacun sur notre petit banc de jardin.
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Mon père, ma mère et moi-même.
Ça fait 9 ans que j’ai déménagé à Montréal. Je la rejoins de temps à autre à Boucherville pour marcher sur le bord de l’eau et partager un bon souper dans la maison familiale. Mais ces temps-ci, puisqu’on ne réside pas à la même adresse, c’est comme si on était des inconnus aux yeux des nouvelles recommandations.
On est les deux devant la tombe. Assis un en face de l’autre. Assis pendant presque une heure à jaser, à pleurer, à rire comme sur un balcon.
On est les deux devant la tombe. Assis un en face de l’autre. Assis pendant presque une heure à jaser, à pleurer, à rire comme sur un balcon.
Les gens qui passent nous lâchent un sourire un peu incrédule. J’avoue que l’image est forte. Au loin, on voit deux pelles mécaniques qui s’affairent à creuser dans le sol dégelé. On peut pas vraiment les manquer leur couleur jaune pissenlit au travers du gris et brun caractéristique de l’arrivée du printemps. Comme quoi la vie (et la mort) continue.
Avant que l’on retourne vaquer à nos «occupations» quotidiennes qui sont maintenant moindres, ma mère ne peut faire d’autre choix qu’être ma mère et me donner deux clémentines et une bouteille d’eau pour la route.
J’ai le sentiment à ce moment précis qu’il faut continuer à vivre, même si notre réalité du moment est irréelle. Ma mère sera toujours ma mère, avec ses habitudes. Malgré ces temps incertains. On s’adapte comme un peu. Et, j’ai eu deux clémentines de plus à manger durant mon confinement.
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