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Six créateurs des Premières Nations à surveiller
Ou comment devenir « l’ami cool » qui connaît les artistes underground avant tout l’monde.

URBANIA et le Festival international Présence autochtone s’unissent pour vous faire découvrir la relève qui signera les œuvres de demain.
Chez les peuples autochtones, l’aîné occupe une place de choix au sein de la communauté. Il est le gardien du savoir ancestral, l’enseignant des traditions, le mentor. Mais alors que l’aîné permet à l’art autochtone de traverser les générations, c’est la relève qui lui donne un nouvel élan et qui le pousse dans de nouvelles directions.
On a donc décidé de partir à la rencontre de six jeunes qui se réapproprient leur culture, un projet créatif à la fois.
Soleil Launière
Utiliser le corps comme média, quand on est artiste, c’est toute une job. Une job que Soleil Launière fait avec brio, dans chacune de ses œuvres, toutes aussi saisissantes les unes que les autres.
Innue originaire de Mashteuiatsh, Soleil consacre son temps à l’art performance, au mouvement et au chant. Sa pratique, en plus d’être intimement liée à son identité, est ce qu’on pourrait qualifier de sensible, de sensorielle et de sick (j’avais le goût que ça soit trois « s », bon).
Depuis 2008, la jeune artiste pratique l’art performance dans le cadre d’événements artistiques autochtones, mais c’est une passion qui lui colle à la peau depuis toujours. Alliant théâtralité et mouvement, elle traite de thèmes propres à son bagage culturel – on pense entre autres à la féminité, au matriarcat, à la mémoire, à la nature, à la présence du corps bispirituel, à la cosmogonie et à tous les codes de l’imaginaire innu.
Ses performances sont très physiques, et son univers est très poétique et musical. On ne s’étonne donc pas qu’en 2020, après avoir accumulé les projets de théâtre, elle décide de lancer un projet musical, au grand bonheur des mélomanes assoiffés de sons doux et immersifs.
On garde les yeux (mais surtout les oreilles) ouverts pour son premier album, qui s’en vient très bientôt. Un projet folk hyper personnel et identitaire. Elle présente d’ailleurs actuellement un spectacle laboratoire dans lequel on peut entendre quelques-unes de ses chansons, pis j’sais pas vous, mais moi, ça me tente pas mal.
Kanen
Vous êtes dans le mood pour vous faire bercer par des musiques douces, sensibles, intimes et qui donnent envie de s’arracher le cœur tellement elles sont bonnes? Allez écouter Mitshuap, le dernier album de Kanen, et souvenez-vous de son nom, car il risque d’être sur toutes les lèvres dans un futur très proche.
Originaire de la communauté innue d’Uashat mak Mani-Utenam et âgée d’à peine 24 ans, la jeune auteure-compositrice-interprète commence déjà à se tailler une place de choix dans l’univers de la pop folk au Québec, alors qu’elle remporte prix par-dessus prix et accumule les nominations comme si c’était du p’tit change.
Sa musique est porteuse, engagée et bilingue. Alors que l’artiste s’est donné comme mission de réapprivoiser l’innu-aimun, la langue de ses ancêtres et de ses parents, un dialecte qui lui a légèrement glissé entre les doigts avec le temps, l’utilisation et la préservation de la langue est super importante dans son projet musical.
Son univers est tellement enivrant et apaisant qu’il est difficile de ne pas vouloir graviter autour d’elle, et Kanen collabore déjà avec d’autres artistes folk de haut calibre. On pense entre autres à Safia Nolin, qu’on peut entendre sur son dernier album, et à Louis-Jean Cormier, qu’elle qualifie de mentor. (Je ne sais pas vous, mais, moi, si Louis-Jean était mon mentor, je pourrais mourir en paix à l’instant.)
Allez voir les dates de sa tournée de l’été, c’est le meilleur moment pour la voir interpréter sur scène les pièces de son nouvel album. Pis allez donc l’écouter drette-là, l’album, ça va mettre un peu de délicatesse-un-peu-punk dans votre journée.
Kiana Cross, alias DJ Pøptrt
Vous êtes plus du genre à passer des heures sur le dancefloor à vous déhancher sur des sons house hypnotisants à la lueur des stroboscopes? Parfait : vous devriez avoir de quoi danser jusqu’à ce que vos jambes pognent en feu au prochain set de DJ Pøptrt.
Pionnière de la scène house underground montréalaise, Kiana Cross, connue sous le (très cute) nom de DJ Pøptrt, commence assurément à faire ses preuves dans le reste du Canada ainsi qu’à l’étranger, grâce à son extravagance et à sa musique légère et dreamy.
Originaire de Kahnawake, la jeune artiste multidisciplinaire fait ses débuts en 2015 alors qu’elle s’immisce dans le monde des arts visuels et du design montréalais. Elle tombe immédiatement amoureuse de la scène électronique de la ville et lance son propre projet musical, qui allie organiquement ses passions pour la scène et les arts visuels.
Ses sets, toujours immersifs, combinent des sons tech house et disco house qui sont toujours aussi bien curated que ses looks. Les influences de son héritage kanien’kehá:ka, combinées à un univers électronique contemporain et à une esthétique bonbon hyper-féminine, ont donné naissance à un projet intime et avant-gardiste qui ne passe pas inaperçu.
La jeune artiste quitte rarement ses platines. Présentement DJ résidente du Club Unity, elle enchaîne les performances, et sa présence dans les festivals est notoire. On a pu la voir mixer aux côtés d’artistes de haut calibre sur les scènes d’Osheaga, de Santa Teresa, du Piknic Électronik et d’Igloofest, où elle livre chaque fois une performance hypnotisante. D’ailleurs, allez faire un petit tour sur son site pour voir ses prochaines dates : promis, vous serez captivé par son aura et ses bonnes vibes.
Joseph Sarenhes
Mais mon Dieu, quel bel humain talentueux au cœur pur, me dis-je alors que je découvrais Joseph Sarenhes et son œuvre. Parce que, croyez-le ou non, y’a rien qui m’émeut plus qu’un talent raw et bourgeonnant.
Sa carrière débute, certes, mais elle ne passe déjà plus inaperçue. Nommé révélation musicale Radio-Canada de l’année, Joseph est un jeune auteur-compositeur-interprète d’origine guinéenne et wendat dont le son hip-hop & R&B est impeccablement combiné à des codes traditionnels afro-autochtones.
Sarenhes, ça signifie « l’arbre dont la cime est la plus haute » en wendat. Alors que ce nom de famille a été arraché à ses ancêtres durant l’évangélisation, Joseph a décidé de se le réapproprier dans un objectif de reconquête identitaire. Tout cet héritage-là, on le sent indéniablement dans son art. Son but, c’est de transmettre quelque chose par sa musique et d’avoir une influence sur les générations à venir.
Multi-instrumentiste et grand ambianceur depuis l’enfance, le jeune chanteur ne cesse d’impressionner ses pairs et son public par sa douance musicale, son authenticité et sa présence scénique. Ses chansons sont complexes, porteuses, et, pour vrai, à la première écoute, j’avais l’impression d’être tombée sur un gros projet américain ou torontois tellement sa voix et sa production sont élaborées.
D’ailleurs c’est comme impossible de ne pas écouter son dernier titre, Bruises, en boucle. Je vous mets au défi.
Caroline Monnet
Des fois, on rencontre des gens qui font tellement de choses, qui ont tellement de projets et qui portent tellement de chapeaux différents qu’on se demande comment ils font pour squeezer autant de génie dans une seule vie. C’est mon feeling quand je pense à Caroline Monnet, une artiste multidisciplinaire originaire de l’Outaouais, dont la pratique commence à faire le tour du monde.
Reconnue pour ses sculptures, ses collages, ses toiles, son travail du textile et ses installations complexes, la jeune artiste d’origine anishinaabe ne cesse de mettre au monde des œuvres esthétiquement saisissantes et chargées en histoire. Son héritage réside évidemment au cœur de sa pratique, et on parle ici d’un gros cœur.
Ses œuvres sont à la fois riches et minimalistes, modernes et traditionnelles. Comme si elle réussissait à communiquer les messages les plus émotionnellement intenses de la façon la plus douce possible. Alors qu’elle traite de biculturalisme, de langue, de colonialisme et d’identité, sa signature visuelle est unique. On peut d’ailleurs trouver certaines de ses pièces dans les collections permanentes du Musée national des beaux-arts du Québec, du Musée des beaux-arts du Canada et du Musée d’art contemporain de Montréal. Pas pire, hein?
Sa vision, elle réussit aussi à la transmettre par l’entremise du centre d’art daphne, un projet à but non lucratif qu’elle a lancé avec trois autres femmes et qui a pour but d’accompagner les artistes autochtones émergents dans la création et la diffusion de leur art.
Ah pis saviez-vous qu’elle était aussi réalisatrice et scénariste? Ben oui. Après avoir fait le tour de ses expositions actuelles, vous irez voir sa filmographie, ça en vaut la peine.
Devery Jacobs
Je suis toujours un peu fière quand un.e comédien.ne qui vient de la région a du succès sur la scène internationale. Comme si la proximité en kilomètres que j’ai eue avec cette personne me rapprochait soudainement de la possibilité de souper avec Meryl Streep.
Ma fierté du moment, c’est assurément Kawennáhere Devery Jacobs, une jeune actrice et auteure mohawk originaire de Kahnawake, dont la carrière hollywoodienne est en train de prendre son envol à toute vitesse.
C’est en 2007, alors qu’elle est âgée de seulement 14 ans, que la comédienne fait son entrée dans l’industrie et obtient son premier rôle dans la série télévisée américaine The Dead Zone. C’est le début de son histoire d’amour avec le cinéma. Pendant des années, Devery accordera sa carrière à ses études avec finesse avant de décider de se consacrer à 100 % à son métier d’actrice et d’auteure.
À ce jour, la jeune comédienne a plus d’une quinzaine de productions à succès derrière la cravate et son travail est constamment acclamé par ses pairs. Son trademark? Sa sensibilité et son petit côté engagé. Son héritage mohawk lui est cher et prend beaucoup de place dans sa pratique. Alors qu’elle est encore au tout début de sa carrière, son désir de s’associer à des projets qui la touchent et qui ont le potentiel de véhiculer un message important est frappant. C’est cette passion-là qu’on ressent dans tous ses rôles.
On peut présentement la voir dans Reservation Dogs, une (excellente) série qui suit la vie de cinq adolescents autochtones dans l’Oklahoma rural. C’est bon, c’est beau, pis si j’étais vous, j’irais la regarder à l’instant, c’est sur Disney+ pis ça vaut vraiment la peine. De rien.
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Envie de découvrir une panoplie d’autres artistes inspirants? Tant mieux, car la prochaine édition du Festival international Présence autochtone a lieu du 8 au 17 août. Et, fun fact, vous risquez de voir quelques-uns des talents dont on vient de jaser dans la programmation. Pour en savoir plus, c’est par ici!