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Sites satiriques cherchent québécois crédules et/ou analphabètes

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Si je vous annonce, même avec le plus grand sérieux du monde, que savoir esquiver les nids de poule fera désormais partie des prérequis pour passer son examen de conduite à Montréal, évidemment, vous saurez que j’ironise, que c’est une blague, une mauvaise image pour dire que les rues de Montréal n’ont pas de bon sens. Vous n’allez pas gober ça, hein, lecteurs d’Urbania? Au pire, vous allez valider auprès d’une source fiable, telle que Radio-Canada ou Pat Dion, n’est-ce pas?

Je vous le demande comme on demande à un enfant de ne pas monter dans la voiture d’un étranger qui lui propose des bonbons : parce que je ne suis pas sûre que vous n’allez pas le faire. Depuis quelques temps, des sites satiriques dans la veine de The Onion ont fait leur apparition sur la toile. Et à la lecture de certains commentaires sur les réseaux sociaux en fin de semaine, malheureusement, je ne suis juste pas certaine que mes concitoyens soient prêts à ça. Les Américains sont habitués à ces nouvelles insolites publiées dans les pages du journal parodique depuis 1988. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, écrire de fausses nouvelles est une entreprise très sérieuse, comme le révèle ce fascinant épisode de This American Life.

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Au Québec, Le Navet tâte ce terrain de la satire depuis quelque temps. Il nous est arrivé récemment avec des nouvelles rafraîchissantes, telles que «Scandale à CHOI Radio X – “L’existentialisme de Sartre est-il soluble dans la postmodernité?”», ou encore « Unité 9: Toute la première saison n’était qu’un rêve de Marie Lamontagne, révèle l’auteure». Ce weekend, L’axe du mad a conquis un tout nouveau public avec sa nouvelle concernant la décision du gouvernement d’interdire les quizz télévisés abrutissants.

Certains en ont profité pour crier à la dictature du PQ. D’autres étaient prêts à déchirer leur chemise pour ne pas perdre Le Banquier. D’autres encore se sont contentés de partager la «nouvelle» en l’accompagnant d’un WTF bien senti. Or, si vous n’étiez pas au courant que le gouvernement du Québec n’avait aucune autorité sur la diffusion des jeux télévisés, des citations de Pauline Marois telles que «si vous voulez gagner des sommes faramineuses en faisant rien, achetez-vous un gratteux. Il n’est plus question de donner des sommes aussi élevées à des gens qui ne font que choisir des numéros de valise selon la grosseur des boules de celle qui la tient», auraient dû vous confirmer qu’il s’agissait bel et bien d’un canular : on ne publie jamais des citations longues de même, voyons donc! D’autres informations, comme le titre du site hébergeant la nouvelle, son slogan («site de dérision massive»), ou le nom du journaliste («Jackie San»), étaient autant d’indices mis à la disposition des plus naïfs.

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L’auteur de la parodie s’est lui-même désolé du succès de son texte. «[Plein de monde] a juste cru à mon affaire. La première ministre du Québec ne dira jamais les mots “boules” ou “ride” dans une citation journalistique. Même Régis Labeaume ne dirait jamais ça. Des gens ont même tweeté Julie Snyder en personne pour être certains certains que “leu’ programme” était pas en danger de mort. Calice.»

Et comme tout arrive toujours en même temps, ce weekend, des milliers d’internautes ont aussi partagé cette nouvelle jetant un «éclairage» sur la possible consommation de crack du maire de Toronto. Jeudi dernier, un pupitreur de TVA Nouvelles nous faisait encore passer pour des tatas devant les Français.

Comme le disait Foglia la semaine dernière, c’est pas parce que le français se porte mieux qu’on sait mieux lire. Et pour quelqu’un qui gagne sa vie à écrire et qui tire une certaine satisfaction à voir ses articles être partagés pour les bonnes raisons, c’est triste en titi.

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