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Si Racine vivait à Montréal, à notre époque, ça donnerait quoi?

Génération Instagram, mais pas trop.

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* URBANIA et le Théâtre du Nouveau Monde s’unissent pour vous faire découvrir (ou redécouvrir) Racine autrement que par les cours de français au Cégep *

Ah Racine!

On a tous été forcés de lire Andromaque ou Phèdre dans un cours de français à un moment donné et on a tous été agréablement surpris par la beauté et la ferveur de son écriture. L’alexandrin n’aura jamais été aussi cool que dans ses pièces. Si seul son nom vous rappelle l’époque bénie où tout ce que vous avez à faire, c’est découvrir les classiques de la littérature et cruiser tout ce qui bouge au Cégep, réjouissez-vous : sa pièce Britannicus sera présentée au Théâtre du Nouveau Monde à partir du 26 mars prochain.

Pour mieux contextualiser l’oeuvre et le créateur en arrière, on s’est entretenus avec le metteur en scène Florent Siaud, question de vous donner un portrait de Jean Racine, s’il vivait à notre époque.

S’il vivait en 2019, Racine serait-il de gauche ou de droite?

Je crois qu’il serait au centre. Racine a une personnalité qui comporte plusieurs aspects contradictoires. Il a eu une éducation assez conservatrice, assez dure. Mais on sent aussi qu’il souhaite changer de condition. On sent une volonté d’émancipation sociale de son milieu bourgeois modeste à travers son théâtre. Un désir de permettre à tout le monde de toucher à la poésie, à l’alexandrin, etc.

Racine est donc un mélange des deux pôles.

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OK… mais disons qu’il doive voter aux élections canadiennes. Quel serait son choix?

C’est compliqué à dire! Disons NPD? Il n’est pas si à droite que cela. Il avait quand même un souci de redonner un environnement plus équitable aux autres que celui dans lequel il a grandi.

Que penserait-il des millénariaux? S’identifierait-il à leurs valeurs?

Racine a écrit Britannicus au début de la vingtaine. C’était, à l’époque, un jeune artiste avec beaucoup d’appétit, d’ambitions, de désirs, qui disait aux gens: soyez vous-mêmes, mais allez plus loin lorsque vient le moment de conquérir le coeur des autres avec de belles phrases, de belles paroles. Dans la France de Louis XIV, il fallait toujours bien se placer. Toujours donner une belle image de soi si on voulait être estimé. Il était cependant aussi très pudique. Il aimait se retirer pour écrire ses pièces, donc c’est un savant mélange d’apparat et de grande pudeur. C’est un portrait très adolescent, finalement!

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Donc avec ce désir de bien paraître, Instagram aurait-elle été sa plateforme de prédilection?

Oui, il ferait des photos très picturales. Il appliquerait plusieurs filtres pour tomber soit dans le clair-obscur baroque, soit dans un travail de l’image très soigné. Comme pour son écriture: elle rendait les images du réel très poétiques.

Qui serait son écrivain préféré? Dans la période contemporaine, disons?

Phillip Roth, peut-être? Pour sa maîtrise totale de la forme, da capacité à nous surprendre, sa grande sensualité… et son pessimisme aussi!

Quel style de musique écouterait-il?

Il écouterait Nirvana depuis un p’tit bout de temps déjà. Son théâtre est peuplé de jeunes personnages ambitieux qui sont à la fois mélancoliques et destructeurs. Je rajouterais aussi une petite touche de Chopin, qui parlerait à son côté romantique et à son amour du passé.

Quels artistes québécois lui parleraient le plus?

En littérature, je pense à Réjean Ducharme et Gaston Miron. Pour la poésie, la langue, l’inventivité langagière.

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En musique…. pourquoi pas Loco Locass? Il y existe une sorte de tension dans l’alexandrin, un appétit, un désir de manger les mots, de communiquer à l’autre avec chair et incarnation qui me semble très proche du hip-hop.

S’il vivait à Montréal, dans quel quartier habiterait-il?

Il serait né dans Hochelaga et, par la suite, aurait déménagé dans le Mile-End ou dans le village. À quelque part où il y existe une atmosphère de fête. Une vie nocturne.

S’il était un artiste à notre époque, quelles seraient ses revendications?

Tout simplement, de sanctuariser la place de la parole et des actes de la scène dans la vie de tout les jours. Que ce soit au travers de figures politiques ou autres. Il revendiquerait aussi la nécessité d’être plus attentif aux mots et à la langue au quotidien. De redonner une ferveur théâtrale à la vie.

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S’il avait un parallèle contemporain, quelqu’un qui existe vraiment en 2019, ce serait qui?

… Je dirais Dany Laferrière? Il a une immense érudition, un amour de la littérature. C’est un ardent défenseur de mots, de la nécessité de la poésie au quotidien.

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On ne pourra malheureusement jamais voir le compte Instagram de Racine. Par contre, sa pièce Britannicus, mise en scène par Florent Siaud, sera présentée au TNM du 26 mars au 20 avril. Manquez pas ça!