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Dans les films XXX, les réunions de sex addict sont le théâtre de confessions salaces et se terminent toujours en orgie. Mais qu’en est-il dans la vraie vie? Pour le savoir, notre journaliste a infiltré des meetings de sous-sol d’église en entrant dans la peau d’une dépendante sexuelle.

Récit de son aventure luxurieuse.

***

– Tu penses que t’as un problème de dépendance au sexe?

– Oui… dis-je avec ma voix cochonne de Cœur de Pirate.

– Peux-tu me donner des exemples?

– Euh… bah… euh. J’ai loadé ma carte de crédit en consultant des sites pornos..? Je manque des journées de travail pour me masturber…?

– Ah oui… t’es vraiment malade.

– Croyez-vous que je pourrais venir à votre réunion?

– Oui, je pense que ça te ferait du bien. Y’a juste une chose par exemple…

– Quoi?

– Y’a pas vraiment de femmes. C’est pas mal juste des hommes. Ça te dérange pas?

– Non… J’en ai tellement besoin.

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Jean-Marc, le responsable des Sexoliques Anonymes, me donne rendez-vous le lendemain. Je note ses indications sur l’endos d’une boîte de condoms, puis je raccroche.

Debout, au beau milieu du bureau, je regarde mon cellulaire, stupéfaite. Je n’arrive pas à croire le mensonge que je viens d’inventer pour infiltrer leur réunion.

***

La rencontre a lieu dans un sous-sol d’église. La porte d’entrée est recouverte d’un grillage. Je prends une grande respiration, puis cogne. Mes mains sont moites. Mon ventre, noué. “Eh ben! T’as du courage d’être venue!”, me lance Jean-Marc en m’ouvrant, tout sourire.

À l’intérieur, la salle est peinte d’un vert malade et éclairée d’une série de néons. Dans un coin, un thermos de café brûlant et d’immenses colonnes de verres en styromousse. Au-dessus de la porte, un crucifix.

À mon arrivée, une vingtaine d’hommes sont déjà assis en cercle sur des chaises en bois. Comme dans Fight Club. La foule est aussi variée que dans un wagon de métro. Certains portent fièrement des complets-cravates de chez Moore’s. D’autres, de vieux t-shirts des Nordiques avec des jeans délavés. Certains ont le visage long et des cernes de junky. D’autres ont la joie de vivre étampée dans le front.

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Je suis la seule fille dans la pièce. Et probablement la seule personne de moins de 35 ans. «Remarquée» est un euphémisme pour qualifier mon entrée. Pourtant, j’ai autant de sex-appeal (ce soir) que Céline Dion dans Des fleurs sur la neige. Je porte un vieux jeans, un affreux polar gris, des souliers de course blancs et des lunettes noires avec des fleurs vert lime. Ma bouche est recouverte d’un triste rouge à lèvres beige. Ce que j’ai trouvé de mieux pour compléter mon déguisement de sexolique.

Je prends place sur la seule chaise vide dans la salle, à côté d’un monsieur qui ressemble étrangement à Claude Poirier. Appelons-le Claude. J’établis un premier contact avec lui, puis me plonge dans mon rôle de sexolique, humblement inspiré du personnage de Marie-Josée Croze dans Les Invasions barbares. Je croise les bras proches de mon corps, tapote du pied nerveusement et me ronge les doigts en fixant le vide. Gros rôle de composition.

***

Après une minute de silence, Jean-Marc ouvre solennellement la rencontre avec la définition du mot sexolique : «Le sexolique est une personne qui s’est retirée du contexte de ce qui est bien ou du mal, bon ou mauvais. Il a perdu le contrôle, n’a plus le pouvoir de choisir, n’est plus libre d’arrêter. La luxure est devenue une dépendance. Pour le sexolique, toute forme de sexe, avec soi ou avec les autres, sauf l’époux(se), devient progressivement une dépendance destructrice.»

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Comme un curé devant ses ouailles, il enchaîne avec la description des Sexoliques Anonymes : «S.A. est un mouvement d’entraide regroupant des hommes et des femmes qui partagent leur expérience, leur force, leur espoir, dans le but de résoudre leur problème commun et d’en aider d’autres à se rétablir. La seule condition pour devenir membre est un désir de vaincre la luxure et de devenir sobre sexuellement (…). La vraie sobriété comprend une victoire progressive sur la luxure. Ceci découragera plusieurs curieux qui admettent leur obsession ou leur compulsion sexuelle, mais qui veulent simplement la contrôler et en jouir, de la même façon que l’alcoolique aimerait contrôler l’alcool et en jouir.»

Tour à tour, les participants poursuivent avec la lecture des 12 étapes des Alcooliques Anonymes version Sexoliques, dans lesquelles ils admettent qu’ils sont impuissants devant la luxure et que seule une puissance supérieure peut les aider à retrouver la raison. La séance dure près d’une demi-heure. Peu à peu, l’attention de l’auditoire se relâche. La mienne aussi. Jean-Marc me réveille en lançant, plein d’enthousiasme : «On va maintenant procéder à l’accueil du nouveau.»

Mon cœur arrête de battre.

Le nouveau, c’est moi ça.

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Sans attendre, il me présente à la foule en disant que «j’ai un problème de dépendance sexuelle et que je suis venue voir si le groupe me convenait».

Je me lève, légèrement traumatisée, et envoie la main à la foule.

Je me demande si un des gars est bandé de savoir que je suis une nympho. Sérieux.

Après coup, Jean-Marc répète le même rituel avec Francis (un jeune homme qui a le look du chanteur de Nickelback), puis nous invite à venir chercher des jetons de sobriété à l’avant. Car, comme dans les meetings des A.A., on remet chez les S.A. des jetons en plastique pour souligner la sobriété sexuelle d’un participant. Ceux qui n’ont pas eu de sexe pendant une journée reçoivent, par exemple, un jeton où il est inscrit «1 jour». Et ainsi de suite.

Sans attendre une seconde, Francis se lève et saisit le morceau de plastique. «Salut, je m’appelle Francis, je suis sexolique!» dit-il avec des points d’exclamation dans la voix, comme s’il était heureux de son diagnostic.

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– Et toi, Catherine, veux-tu venir chercher ton jeton? me demande Jean-Marc.

– (Malaise) Eufff… non, merci. Je ne suis pas encore prête à arrêter.

L’animateur annonce la pause. Pendant que les autres membres du groupe se ruent vers la machine à café et se servent une poche de thé Lipton, j’en profite pour piquer une jasette avec le sosie de Claude Poirier et lui soutirer des infos sur le concept de sobriété sexuelle :

– Moi, j’ai des obsessions sexuelles, lui dis-je.

– Ah oui?

– Oui, c’est là, tout le temps, dans ma tête. Tout le temps. Ça m’empêche de travailler, ça m’empêche de me concentrer…

– T’sais, tout le monde est comme toi ici. On vit tous ça.

– Ah ouin?

– Ouin.

Soudainement, je ne sais pas si c’est 1) parce que je suis en SPM 2) parce que l’endroit est aussi triste qu’un CHSLD ou 3) parce que je suis trop dans mon personnage, mais des larmes commencent à couler sur mes joues.

– Je l’sais que j’ai un problème, mais je suis pas certaine que la sobriété sexuelle soit la bonne solution pour moi, lui dis-je en pleurant.

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– Je sais, c’est pas facile d’être abstinent. Mais c’est la seule façon de t’en sortir. Il faut que tu passes par un genre de sevrage.

– Mais moi, le sexe, j’aime ça. Je suis sûre que je peux retrouver une sexualité normale… J’ai pas besoin de tout arrêter, non?

– Non. Là, t’as plus le contrôle sur ta vie, à cause de ton problème de luxure. Il faut que t’arrêtes. C’est la même chose que pour un alcoolique qui doit arrêter de boire.

– Ah ouin?

– Ouin. Tu vas voir, tu vas te sentir tellement mieux après. Moi, je me sens tellement mieux depuis que j’ai arrêté, il y a cinq ans.

Cinq ans sans sexe. J’ai une douleur dans le bas du ventre juste à y penser. Pourtant, Claude Poirier a l’air tellement épanoui, tellement serein. Ça donne presque le goût d’essayer.

***

Au retour de la pause, on enchaîne avec la période de partage. Jean-Marc éteint les lumières et dispose cinq chandelles sur les tables. Le set-up est idéal pour commencer une partie de Ouija. À tour de rôle, les participants prennent la parole pour parler de leur souffrance et de leur rétablissement.

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– Salut, je m’appelle Bertrand. Je suis sexolique, lance un homme d’une quarantaine d’années.

– Salut Bertrand, répondent en chœur les autres membres du groupe.

– Ma dernière semaine s’est bien passée, poursuit le roux à lunettes en mangeant ses mots. Je n’ai pas eu de rechute, mais j’ai encore des fantasmes quand je pense à mon ex. La semaine prochaine, elle est censée venir chez moi pour faire son rapport d’impôts. J’ai peur de ne pas être capable de me retenir. Je lui ai déjà fait tellement de peine. J’ai vraiment peur. J’arrive pas à m’enlever ça de la tête.

Dans la pénombre, les yeux de Bertrand fixent la chandelle, hypnotisés. Ses doigts tapotent nerveusement le bord de la table. «Veux-tu un câlin?» lui demande son voisin de droite, avant de le serrer dans ses bras. La scène est si touchante, si sincère. Je recommence à pleurer. Marie-Josée Croze sort de ce corps!

Un autre type prend la parole. D’un ton complètement détaché, le blond aux cheveux cassés — qui fréquente le groupe depuis plus de cinq ans — parle des problèmes qu’il rencontre lorsqu’il veut dater de nouvelles filles : lorsqu’il leur annonce qu’il ne veut pas avoir de relations sexuelles avec elles, elles le repoussent. Ses propos sont décousus, mais personne n’intervient pour le ramener à l’ordre. Son voisin, plein de compassion, lui donne une tape sur l’épaule. La belle fraternité.

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Aussitôt qu’il a terminé, Marc, un vieux hippie, raconte qu’il s’est lancé dans la rénovation pour oublier ses «obsessions», sans préciser leur nature. Depuis, il passe ses journées au Rona et au Réno-Dépôt pour magasiner des planches de 2X4. Il dit que ça lui change les idées, que ça lui fait du bien.

Sylvain, un beau garçon dans la trentaine, se mouille à son tour. «Mettons qu’y’a des jours vraiment rough. Cette semaine, j’ai failli avoir une rechute, lance-t-il, la voix pleine de remords. Je me suis presque masturbé. Je voulais, je voulais… mais je me suis retenu. Une chance que Dieu était là pour m’aider. Aujourd’hui, je suis vraiment fier d’être avec vous autres et de pas être tombé dans la luxure.» Il sourit, profondément satisfait de ne pas avoir commis l’irréparable.

Son intervention est terminée et la salle reste silencieuse. Les participants se recueillent. L’atmosphère est lourde. Très lourde.

Pendant près d’une heure, les témoignages, semblables les uns aux autres, s’enchaînent. On est loin des histoires XXX de films XXX : quand ils ouvrent la bouche, les participants remplacent systématiquement le mot «sexe» par «luxure» et ne donnent jamais de détails sur leurs fantasmes. Dépendance aux Playboys? Aux danseuses? Aux salons de masseuses? Aux prostituées? No sé.

Une chose est sûre, par contre, c’est qu’ils souffrent.

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Jean-Marc allume les néons. Les membres du groupe sortent instantanément de leur transe, comme des clients dans un club à trois heures du matin, puis se lèvent pour réciter la prière de la sérénité. Moi, y compris. Une fois debout, j’agrippe la main de Claude Poirier fort, pour lui signifier, à ma façon, que je comprends un peu mieux ce qu’il vit.

Mon Dieu,

?Donnez-moi la sérénité

?D’accepter

Les choses que je ne puis changer,

Le courage?

De changer les choses que je peux,?

Et la sagesse?

D’en connaître la différence.?

Amen

La réunion est terminée. Quelques hommes accourent vers moi pour me féliciter de ma démarche. L’un d’entre eux me refile même son numéro de téléphone, juste au cas où j’aurais besoin de parler. Un autre me remet une belle carte plastifiée avec des fleurs, où est écrite la prière de la sérénité.

Je me sens crissement hypocrite.

***

Ce soir-là, sur le chemin du retour, dans ma petite Civic, j’étais profondément bouleversée. D’une part, parce que j’avais menti à des gens de bonne volonté. Et d’autres, parce que je n’arrivais pas à comprendre la nature de leur malaise. J’avais beau être sensible à leur souffrance, je ne parvenais pas à saisir comment le sexe, quelque chose de si beau, puisse devenir une maladie et détruire des vies.

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Le lendemain matin, je suis allée faire un tour chez le Doc Mailloux à Trois-Rivières pour avoir des éclaircissements sur le phénomène de sex addict.

***

«Bonjour mademoiselle Lessard.» En m’ouvrant la porte, le Doc Mailloux refuse de m’appeler par mes deux noms de famille («Perreault» et «Lessard») et reconnaît uniquement celui de mon père. Même si je sais très bien qu’il essaie de me provoquer, je me retiens de répliquer. Ça lui ferait trop plaisir.

Contrairement à ce que j’avais imaginé, le «psychiatre» (qui ne paye pas d’impôts et qui a la réputation d’être très «à l’argent») ne vit pas dans une demeure cossue style joueur de hockey. Dans sa maison, la décoration est figée dans les années ’80.

On passe au salon. C’est laid.

Avant de commencer l’entrevue, le psychiatre s’étend de tout son long sur son vieux sofa beige. Il plie le coude et place sa main derrière sa tête, comme un philosophe grec. Je m’assois à côté de lui sur le pouf. J’ai l’impression d’être le psychanalyste et, lui, le psychanalysé.

– Doc, c’est quoi un sex-addict?

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– Dans ma carrière, j’ai vu beaucoup de choses, mais j’ai jamais vu de ça.

– Ah non?!

– J’ai vu énormément de gens qui étaient carencés et qui utilisaient la sexualité pour compenser, par exemple. Particulièrement des jeunes filles.

Les yeux au plafond, en évitant mon regard, le psychiatre m’explique que plusieurs adolescentes carencées affectivement, par exemple, ont une sexualité précoce et cumulent les partenaires sexuels plus âgés. «Lorsqu’elles couchent avec des gars plus vieux, de 17 ou 25 ans, c’est très rare qu’elles ont des orgasmes. Elles se font fourrer à sec. Pis habituellement, elles ne sont même pas mouillées, explique-t-il. Ça fait qu’elles ne sont jamais pleinement satisfaites sexuellement. C’est pour ça qu’elles passent d’un partenaire à un autre toute leur vie… ou jusqu’à ce qu’une de leurs amies les traite de “dépendante sexuelle”. Pourtant, elles auraient juste à trouver un homme qui a de l’allure et qui leur péterait douze orgasmes en trois jours pour être satisfaite.»

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Selon lui, les femmes qui ont une libido très élevée s’exposent au jugement des autres. Surtout à celui des autres femmes, qui ne se gênent pas pour leur balancer leurs quatre vérités. «Par contre, dans l’intimité, une femme qui a une grosse libido va se faire traiter de “cochonne” par son partenaire sexuel.» C’est turn on, donc? «Du tout. Y’a très peu d’hommes qui veulent coucher avec une femme ardente sexuellement. Ils se sentent menacés. Surtout ceux qui font partie du club des bittes moles du Québec.»

C’est drôle, parce que Samantha dans Sex in the City n’a jamais eu de difficulté à trouver un partenaire pour la satisfaire, elle.

Et chez les hommes Doc Mailloux? C’est quoi le problème avec les gars qui se masturbent 15 fois par jour? Ils sont carencés affectivement? Du côté d’Adam, le psychiatre affirme que les hommes qui se masturbent cinq fois par jour n’ont pas nécessairement un problème. «Ils sont seulement hommes très virils, explique-t-il en jouant après sa boucle de ceinture. Ils ont une puissance sexuelle incroyable. C’est dans leur nature, mais on essaie de les convaincre qu’ils sont anormaux. C’est une conséquence négative de notre société matriarcale qui aime bien châtrer la plupart des mâles.»

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À ce moment-ci de l’entrevue, j’ai la drôle d’impression que mon interviewé parle de lui. Qu’il se considère comme un mâle viril. Je jette un coup d’œil à sa femme qui est en train de préparer du spaghetti dans la cuisine et je ressens un petit malaise.

Je poursuis.

Et qu’en est-il des fameuses obsessions sexuelles? Ça n’existe pas pour vrai? «Si le gars aime les pipes et que sa conjointe ne le suce pas, il peut devenir très préoccupé mentalement par ce fantasme, dit-il. S’il n’est pas satisfait sexuellement ou s’il n’est pas compatible avec sa conjointe, ça peut le pousser à aller se faire sucer par une prostituée. Souvent, le gars va préférer aller en thérapie, plutôt que de dire à sa femme “suce-moi”.»

Après une demi-heure passée à jaser avec Monsieur Mailloux, j’ai les oreilles qui chauffent et la forte impression qu’il me dit n’importe quoi : les filles sont obsédées sexuellement parce qu’elles sont carencées affectivement et les gars qui se masturbent 15 fois par jour sont seulement très virils. Bullshit. Je reprends ma petite enregistreuse et me lève du pouf.

***

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Le lendemain, j’ai passé un coup de fil à Louise-Andrée Saulnier, mon idole dans Sexe et Confidences, pour voir si elle avait le même son de cloche que le «psychiatre».

À ma grande surprise, le verdict de la sexologue aux blondes mèches est le même que celui du Doc Mailloux. «Je ne crois pas aux sex addict, dit-elle, catégorique. Le problème de ces gens est beaucoup plus profond. Ils souffrent, par exemple, de troubles obsessifs compulsifs ou de troubles de comportement. Plusieurs d’entre eux ont aussi été abusés quand ils étaient jeunes.» En l’écoutant parler, je me souviens que plusieurs membres des S.A. que j’ai rencontrés faisaient aussi partie des Alcooliques Anonymes ou des Narcotiques Anonymes.

Si elle ne croit pas au phénomène des sex addict, Louise-Andrée est également contre les thérapies de groupes sur chaise en bois et remet fortement en question la méthode de guérison basée sur celle des Alcooliques Anonymes. Selon elle, on ne peut combattre ses pulsions sexuelles de la même façon qu’on lutte contre la bouteille. Primo, parce qu’il ne s’agit pas d’une substance. Deuzio, parce qu’on ne peut pas se passer de sexe du jour au lendemain. «C’est un besoin. Il faut vivre avec lui, dit-elle avec son impeccable diction. Dans ces groupes-là, on déresponsabilise l’individu en lui demandant de remettre son problème entre les mains de Dieu. Pourtant, l’humain a les outils intérieurs pour s’en sortir. Il doit seulement savoir comment se comporter.»

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En plus de dénoncer le concept de sobriété sexuelle, la sexologue souligne que les groupes de sexoliques sont une création de la droite religieuse, directement importés des États-Unis. «La religion dit que la sexualité est quelque chose de mal et de dangereux, alors que c’est quelque chose de beau. En aucun cas des problèmes d’ordre psychologique ne devraient être traités avec la religiosité.»

Les propos de Louise-Andrée Saulnier sont une véritable révélation. Je repasse dans ma tête chacun des éléments de la réunion des sexoliques et, soudainement, plus rien n’a la même signification.

Le sous-sol d’église, le crucifix au-dessus de la porte, l’animateur qui prêche la bonne nouvelle devant ses ouailles, les jetons de sobriété en forme d’ostis, les références à Dieu, la période de partage où les pécheurs confessent leur péché de luxure, le concept d’abstinence et finalement, la prière de la sérénité.

Les groupes de sexoliques seraient-ils en réalité un outil moderne d’évangélisation? L’Église profiterait-elle de la souffrance de ces hommes qui se masturbent à outrance et qui ont une libido démesurée pour les ramener vers elle?

Je raccroche, troublée.

***

Quelques jours après ma discussion avec la sexologue, j’ai reçu un appel de Jean-Marc, le responsable des Sexoliques Anonymes, sur mon cellulaire.

– Y’a une autre fille qui est venue à la réunion hier, m’a-t-il dit avec sa bonté habituelle.

– Ah ouin?

– Je me suis dit que vous pourriez prendre rendez-vous pour vous rencontrer. Y me semble que ça te ferait du bien.

– Ouin…

J’ai fait semblant de noter son numéro sur un bout de papier, puis j’ai rapidement mis fin à la conversation.

Après avoir douté du phénomène des sex addict à la suite de ma rencontre avec le Doc Mailloux et de la pertinence des thérapies sur chaise en bois avec Louise-Andrée Saulnier, je me sentais incroyablement cheap.

Le gars avait réellement mon bien-être à cœur.

J’étais qui pour le juger? Pour juger?

Au-delà de la religion, au-delà des jetons d’abstinence et des verres en styromousse, les réunions des sex addicts sont malgré out l’occasion pour des centaines de Claude Poirier de partager leurs problèmes et d’être écoutés. Dans une société en ml de solitude, elles demeurent un bel exemple de fraternité et de solidarité.