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Au hasard quasiment, je choisis une polyvalente dans la métropole. Vais aller me pointer à la sortie des cours. Ouaip, les syllables PRÉ-DA-TEUR-SEX-XUEL tatouées dans l’front pis sur les avant-bras. J’assume.
Ça me rappellera Véronique, seize ans, nice en sale pour son âge. Elle et moi, on s’est tripotés tout le printemps passé, avant que je lui brise le cœur. T’inquiètes, ma belle, je repars pas en chasse sordide, j’ai mis les breaks sur ce genre de cochonneries-là. Et puis, l’éducation des fillettes, c’est p’us pantoute mon obsession ces jours-ci, tu t’en doutes. Nah, je vais aller fréquenter la cour de récré pour jaser open house avec les kids.
D’un coup t’as la section mémoire qui défaillit, ou bien, comme moi – vieux con de soixante balais et des poussières -, t’as aucune idée de la signification d’open house, je vais t’éclairer un brin sur le phénomène (les initiés, vous sautez le prochain paragraphe, je vais me débrouiller comme un chef avec la dame ignare).
L’open house est, tout d’abord, un party-événement pour les douze à dix-huit ans ; on y retrouve aussi la rapace attardée début vingtaine pour assurer un approvisionnement en bières sans se soucier de se faire carter. C’est la maison des vieux qui est ouverte à tous ; pas besoin d’invitation pour franchir la porte, il faut simplement connaître l’adresse et la date. C’est la boum hyper-branchée qu’organise, bien malgré lui, le malheureux qui a lancé à la blague « ça sera un genre d’open house » dans la cafétéria. Les anciens racontent qu’ils ont vécu des soirées, durant les 80 et les 90, avec plus de deux cents marmots, entassés dans tous les coins de la baraque. Imagine, ma belle, que tu feel groovy à soir, que tu sors aux Foufs et qu’il n’y a aucun doorman ni aucune autre forme de sécurité dans place.
Parké devant Louis-Joseph-Papineau, je laisse le moteur de mon bazou ronronner. Y fait frette que l’criss, la fan fournit pas. J’ai le dictaphone chargé à bloc, chuis ready pour devenir LE journaliste de pacotille que tu désires tant.
La main dans le jeans, chuis surpris par la cloche. Quatre heures, les élèves ont fini leur shift. J’attrape l’enregistreuse et me précipite hors de la bagnole, la paluche encore chaude et la machine à moitié bandée.
Onze cents kids qui se ruent à l’extérieur des murs. La plupart va direct à l’autobus, quelques-uns flânent un moment pour fumer deux Du Maurier à cinq.
Le cachet Pink Flamingo que je me suis droppé tantôt opère impec. Je me lance dans la mêlée, moelleux comme nous deux quand on se fait des saloperies.
« Hey kids, chuis journaliste. J’ai besoin d’une coup’de volontaires pour un article. » Simple et efficace, je me surprends à pas avoir mis quelques coquetteries dans la formule. J’ai le magnétisme ultra-tight, un groupe se garroche sur moi.
« Tu veux savoir quoi, l’bonhomme ? » Record sur le dictatruc.
« D’abord, t’évites le bonhomme avec moi, et tu m’appelles monsieur. J’ai aucun problème d’éthique à corriger un môme.
– Et tu veux qu’on te raconte quoi, monsieur?
– J’aimerais bien entendre des histoires délicieuses à propos des open house. »
Holy fuck! Ça se bouscule à l’entrée. Une chance que j’ai mon gadget Sony, chuis buzzé un quart de trop pour suivre le fil.
Voici donc la retranscription fidèle de quelques morceaux choisis parmi les nombreuses confidences :
« On a fait cuire les poissons rouge, pis on a bourré le toaster de Crisco chez Giguère, l’an passé. »
Les filles expriment leur dégoût et leur pitié avec des beuak! retentissants. Puis ça commence à se couper la parole.
Bruno qui remplit la baignoire de tags pendant que deux schoolgirls mélange les pilules dans la pharmacie. Pitchage de n’importe quoi par n’importe quelle fenêtre. Un vrai band de garage qui mène du train pas possib’ dans le garage. Un ti-cul me raconte avec passion comment il s’y est pris pour partir avec les ronds du poêle (what the fuck ?). La mère mono de Jade qui fait des mushs avec les chums de sa fille. Y a même des garçons qui se trimballent avec un sleeping bag sur leur banquette arrière pour les one night stand.
On me raconte tout croche l’histoire d’une demoiselle de P.G.L. qui a sauté les plombs quand elle a surpris son mec au milieu d’une expérience gay. Elle a massacré la carosserie de la Mazda du papa de l’ambigü avec un couteau à steak ! D’un autre côté, on sème la confusion en affirmant que la gosse venait plutôt d’Émile-Legault.
Puis on s’excite avec les histoires de piscine : set de patio, balayeuse, quatre-roues et corde de bois sont quelques-uns des objets qu’on a pu y balancer ; mais l’exploit, c’est à Verdun que ça s’est passé, il y a deux ans à ce que je comprends dans le brouhaha, quand la piscine hors-terre s’est faite charcuter pour aller inonder le sous-sol. Il doit encore y avoir des dommages collatéraux au moment où on se parle.
La voix d’une fillette se fait une place sur mon tape, elle harponne mon attention en me parlant d’histoire de chambre à coucher. On a le rock’n’roll à tue-tête, le brisage de bébelles, on a une idée de la beuverie qui s’opère au rez-de-chaussée, reste à voir comment on s’y prend pour défaire un lit.
« Moi pis ma chum, on s’est fait payer ben des drinks à vodka. Les deux gars nous ont traînées dans une chambre. Oui, ça me tentait de baiser à quatre. Mais dans la chambre, y en avait deux autres. Plus vieux. Y avait de la poudre partout, on pouvait se servir qu’ils nous ont dit. J’ai appris ben vite que ma chum était au courant de l’affaire. Que l’affaire, c’était d’la prostitution. J’suis allée m’engourdir avec la coke. J’ai p’us la même définition de party que vous autres, non. »
La fillette trouble les réjouissances un moment. On se questionne, on essaie de penser à rien, mais on a chacun not’ jpg en tête, puis…
« La semaine passé, chez Granger, y a un quatre-cinq-zéro qui a amené un bidon d’essence au lieu d’un six pack. »
La cassette stoppe pas longtemps après ça.
Encore ben buzzé, je vérifie la quantité de crystal qui me reste, puis je consulte un journal hype pour me caller un party avec une ou deux escortes.