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Sexe, drogue et coups de pouces

Par
André Péloquin
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Je ne vous parlerai pas de Jack pour des raisons personnelles. Je ne vous parlerai pas du jeu de «chicken» qui se trame aux États-Unis pour des raisons académiques (en optant pour «Arts et lettres» au cégep, je me suis juré que je ne toucherais plus jamais à une calculatrice la madame de Revenu Québec rie toujours de moi depuis). Aujourd’hui, je vous sers du réchauffé, car la discussion à laquelle je ferai référence s’est tenue plus tôt cette semaine. Pire encore, cette discussion aussi a été passée au four micro-ondes.

Lundi matin, Franco Nuovo recevait le professeur de philosophie Jean Laberge à son émission de radio. Le 18 juillet dernier, Le Devoir dévoilait une lettre de Laberge «dénonçant» le culte de Metallica, U2 et autres produits des “envahisseurs”. Il déplorait aussi le fait que les récentes festivités de la Fête nationale auraient été boudées.

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À l’aide de beaux gros raccourcis et d’une recherche terminée sur un coin de table (il prend la peine de préciser que Metallica est un groupe de San Francisco alors que le projet a été fondé à Los Angeles… c’est un détail, bien sûr… mais c’est quand même un truc vérifiable en cinq secondes sur Wikipedia), Laberge lie le fan typique de Metallica à une émule d’Elvis Gratton, figure emblématique du «gros crisse de cave» colonisé à souhait. En entrevue, il indique que des billets publiés par la suite sur son blogue nuancent sa lettre. En fait, il voulait surtout livrer un coup de gueule, patati, patata. Mais bon, pour demeurer dans l’esprit «à la botche» de sa première intervention, on va en rester là.

Le 21 juillet, le journaliste – et «classic rock lover» – Philippe Lague répliquait dans les pages du Devoir en affirmant que ses gouts musicaux prononcés pour la musique anglophone ne nuisent en rien à ses convictions politiques. Tel que souligné par Lague lors de l’entrevue radio quelques jours plus tard, la salve à saveur «indépendantriste extra pure laine» du philosophe n’aide en rien le mouvement. Il martèlera aussi que ses gouts musicaux peuvent bel et bien être dissociés de la sphère politique.

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En fait, l’offre rock francophone ne ferait tout simplement pas le poids, selon Lague. Après tout, Charlebois ne rock plus et Pag n’enregistre plus de disques. Le plus aberrant, outre le fait qu’il a pris le temps de répondre à Laberge, demeure le fait qu’il en profite pour révéler qu’il a aussi vu Céline Dion… trois fois… coulé dans l’rock!

Blague à part, comme le solo de Slash dans le clip de «November Rain», le «débat» grandiloquent s’est étiré et s’est finalement retrouvé sur les ondes de la Première Chaîne. Passé au micro-ondes à pleine puissance, même!

Lorsque Nuovo lui demande s’il croit que voir des spectacles «d’ailleurs» est un geste de colonisé, Laberge répond «Je le crois» sans sourciller. Pire encore, il ajoutera ensuite «Je sais que ces mots-là font mal», comme s’il venait de mettre le doigt sur un bobo jusqu’alors jamais effleuré, tel un Christophe Colomb de la psyché du terroir. Hé misère!

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Puis, comme le fameux accident pyrotechnique de Metallica au Stade olympique, une lueur d’espoir jaillit: Anne Lagacé-Dawson, qui collabore aussi à l’émission de Nuovo, glisse entre deux répliques du débat qu’elle constate une montée de la chanson québécoise chantée en québécois et abordant des réalités québécoises (pis ça, c’est la «bloke» du lot qui le précise… «bloke» en référence au titre de sa chronique dans le Hour, dois-je ajouter). Et Laberge de l’interrompre pour reprendre son babillage voulant que U2 et Metallica sont particulièrement populaires au Québec et que la bande de Bono aime particulièrement jouer à Montréal… (en quoi les goûts du groupe viennent jouer là-dedans, fouillez-moi…).

Plus tard, Lague – qui se qualifie lui-même de “dinosaure du rock” – ajoutera que la scène rock francophone se porte plutôt mal depuis la fin de l’époque de la Sainte Trinité (Offenbach, Charlebois et Pag). Dans sa lettre, il notait aussi qu’il ne s’était pas pointé aux festivités de la Fête nationale, car la programmation n’enflammait pas son “coeur de rocker”. En ondes, il lance aussi qu’il irait voir volontiers le «show» d’un groupe québécois francophone heavy metal qui attirerait autant de fans que Metallica.

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Pourtant, sans attirer des centaines de milliers de fanatiques, ces groupes heavy metal francophones existent et vont même jusqu’à se faire voir à l’étranger (c’est le cas, du moins, pour Anonymus). Pire encore, la relève «rock» presque autant que Gerry et ses potes. As-tu déjà écouté du Galaxie, Philippe? Ça va te donner le gout de rosser Beethoven à coups de «chaine de becyk», mon chum!

Il est là le problème! Malgré toute l’effervescence qui entoure l’art “alternatif”, les grosses huiles du pays l’étouffent. Ce matin, Charles Côté de La Presse dévoilait que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international aurait saboté la participation d’une artiste canadienne à une tournée d’expositions européennes. La bande derrière L’Autre Saint-Jean peine à se financer alors qu’à quelques kilomètres de là, on nous présente une Fête nationale sur le pilote automatique (les Porn Flakes ET Hugo Lapointe sur la même scène? Pincez-moi quelqu’un!). Claude Rajotte, notre John Peel à nous, est en ondes les fuckin’ samedis et dimanches de 22h à 1h du mat’!

Bien sûr, certains médias «alternatifs» comme CISM, Bande à Part, FrancoPhil et BangBang (‘scusez-la!) se consacrent déjà à ces arts. Mais pour que Jean Laberge constate que les mélomanes québécois peuvent autant apprécier Pépé que Bono ou pour que Philippe Lague prenne conscience de l’existence de projets rock comme les Dales Hawerchuk, ça prendrait un petit coup de pouce supplémentaire des gros joueurs. Une chanson ou deux aux heures de grande écoute, genre…

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Bien sûr, ce sera plus “dérangeant” que payant lors de la première tentative (voire même lors de la deuxième), mais j’aime croire que le jeu en vaut la chandelle. Le public est là et, comme le succès entourant des événements comme Pop Montréal, Osheaga et le Festival de Musique émergente en Abitibi-Temiscamingue peut en témoigner, il est prêt à dépenser pour de la culture… qu’elle soit de gauche ou drette dans sa face.

Pis, de toute façon, tant qu’à organiser des débats douteux sur le rock et les ceintures fléchées, on peut ben “boucher un trou” avec du contenu un peu plus frais, un peu moins réchauffé, justement…

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