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Seule au monde

Cast away pour souper

Par
Marie Darsigny
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Je ne suis pas certaine de comment on en est arrivé à ce sujet dans mon cours de fiction moderne. Oui, modern fiction : comme dans l’essai de Virginia Woolf, mais version cours obligatoire au bac en littérature à Concordia. Bref.

Le sujet en tant que tel était les femmes faisant des activités seules. La prof a fait un petit sondage maison : qui était déjà allé au cinéma toute seule? Des couinements d’horreur se sont fait entendre, alors que 4 ou 5 mains se levaient timidement. J’étais bien évidement parmi ces courageuses… Car c’est ce que j’ai retiré de l’expérience: il n’est pas courant pour les jeunes filles dans la vingtaine (et qui sait, peut-être pour les femmes tout court) de faire des sorties non-accompagnées.

Non-accompagnées, comme dans attention-femme-en-furie-échappée-de-l’hôpital-psychiatrique. Pourtant, je jure que j’agis très bien lorsque je suis seule en public. Je ne me transforme pas en Shandy qui essaye de scorer de la coke au parc Émilie-Gamelin. Mais je m’égare: la raison de l’hésitation se situe ailleurs. C’est comme une gêne qui part de l’intérieur, une impression de mais-que-penseront-les-voisins-s’ils-me-voient-prendre-une-table-pour-une-seulement.

Or, ce qu’il faut réaliser, c’est que les voisins s’en calissent bien, que tu sois seule ou accompagnée.

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Il y a ce meme qui circule, inspiré d’une crainte vieille comme le temps. Ça dit quelque chose du genre “Ne vous souciez pas de ce que les autres pensent de vous, car eux-mêmes sont déjà trop occupés à se demander ce que vous pensez d’eux”.

Je serais prête à parier que personne n’a jamais regardé une femme seule au cinéma en pensant “Beurk, c’est quoi son problème, loser, qu’à s’étouffe dans son bucket de Pepsi”. Bien que la vie, c’est souvent comme une grande cours de polyvalente, il y a des limites à garder une mentalité de secondaire deux.

Au pire, femme esseulées, inventez-vous 2 ou 3 raisons imaginaires pour justifier votre présence en solitaire: diner éclair entre deux rendez-vous d’affaires, touriste en visite dans votre propre ville, veuve esseulée désirant un peu de divertissement… Toutes les raisons sont bonnes, si ça peut vous aider à vous sentir mieux.

J’avouerai que sortir toute seule, ça prend de l’entrainement.

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Au début, on se sent nerveuse comme lors d’une présentation orale en espagnol où les seuls mots qu’on connait sont les paroles de La Cucaracha. Notre cellulaire devient notre béquille, ou encore on fixe le vide nerveusement en engloutissant tout le popcorn avant même que les bandes-annonces commencent. Il faut persévérer.

Personnellement, je me donne maintenant l’objectif de ne pas toucher à mon cellulaire lorsque je fais une activité toute seule, par exemple au restaurant. Il serait trop facile de prétendre que je texte des missives langoureuses à mes prétendants imaginaires.

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Prochaine étape: sortir seule dans un bar. À essayer, dis-je avec ma voix de matante Châtelaine, et pas seulement en vacances. Il y a quelque chose de libérateur à se commander un drink, s’accoter au bar et observer les gens.

Pro-tip: c’est habituellement là que Luck Mervil surgit en chantant Solituuuude dans la foule.

À moins que ce soit plutôt l’effet secondaire de toute l’absinthe engloutie par ennui et/ou nervosité. Persistez, ça passera avec le temps… Si it doesn’t get better, il sera peut-être temps de vous gosser un ami inanimé à même un ballon de volleyball, cependant Tom Hanks serait mieux placé que moi pour vous conseiller là-dessus.

En résumé: être seule, c’est correct.

C’est normal, et ça ne devrait pas nous empêcher de faire des activités. Ça peut même être le fun: j’ai entendu dire que le bol dragon goûte meilleur et que Mad Max a plus de punch. De toute façon, si quelqu’un m’aborde en me faisant le reproche d’être toute seule, je suis prête, j’ai ma réplique:

On meurt tous tout seul anyway.

Dark, mais vrai.

***

Pour lire un autre texte de Marie Darsigny : “Cruiser sur MIRC”

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