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Secondaire V : initiation comparative au fameux long-métrage

Par
André Péloquin
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Projet de la semaine : entrevue avec le réalisateur Guillaume Sylvestre et retour sur son film avec des adolescents, parents et enseignants. Pas le droit aux notes.

En cinquième secondaire, j’avais l’air de ça…

Comme ma gueule sur cette photo le laisse deviner, mes souvenirs de l’école secondaire sont plutôt flous. Notre Printemps érable aura été, genre, la mort de Marie-Soleil Tougas (souvent notre premier drame collectif). Bref, pas de quoi à en tirer un film, disons. C’est pourquoi j’ai été désarçonné par Secondaire V, le nouveau documentaire de Guillaume Sylvestre (à qui l’on doit également Sauvage et le fameux Durs à cuire).

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Et, visiblement, je n’ai pas été le seul à se faire aspirer par l’oeuvre. Au fil des derniers jours, la chroniqueuse Sophie Durocher y a vu, entre autres, un constat d’échec dans la mission des écoles publiques du Québec. Nathalie Petrowski, elle, a trouvé que le contenu du long métrage n’était pas toujours «agréable». Même que des anciens étudiants de Paul-Gérin-Lajoie d’Outremont (où le documentaire a été tourné) y sont allés d’une formule assez olé olé pour critiquer le film sur le Huffington Post Québec en lançant que «ce documentaire est un peu à l’école publique ce que le film porno est à la sexualité».

Hé bo-boy!

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Des jours plus tard, alors que la poussière commence à tomber, le réalisateur se dit surpris par la violence de certains propos entourant son oeuvre (pourtant en salle que depuis vendredi dernier). «Personne n’avait encore vu le film et on me traitait déjà de facho. C’était n’importe quoi! Le documentariste en moi est content que ça provoque des réactions – autant de la gauche que de la droite -, mais je ne m’attendais pas à ce qu’elles soient aussi violentes», lance-t-il en revenant notamment sur le billet de blogue publié sur le site du Journal de Montréal et qui aura nourri celui du Huff Post, malgré l’intention première de Sylvestre : tourner un documentaire neutre sur «l’adolescence, l’âge ingrat – 16-17 ans – où un paquet de choses se passent, l’enfant qui devient adulte, etc.»

Heureusement, les échos des cinéphiles qui ont finalement visionné le film sont plus cléments. «Vendredi, il y avait une projection où il y avait des parents de PGLO super inquiets et qui en sont sortis ravis finalement.» On serait presque tenté de noter que – par sa forme dénuée de trame narrative accompagnant le spectateur par la main – Secondaire V prend certaines personnes aux tripes, car il reflète leur propre méconnaissance. «Faut dire que les gens ne savent pas toujours ce qui se passe», ajoute le documentariste. «Ils déposent leurs enfants à l’école le matin et ils poursuivent leur chemin avec leurs idées préconçues. Ils pensent que leurs enfants vont à l’école et c’est tout. C’est totalement pas ça! Ils tombent face à face avec ça et ils doivent se dire “What the fuck!?”»

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Le «secondaire 1» de Secondaire V

Projet que Guillaume Sylvestre caresse depuis près d’une décennie, Secondaire V se veut, avant tout, une oeuvre objective. «Dès le début, je ne voulais pas de narration, ni d’entrevues. Je voulais faire un documentaire d’observation.» Ainsi, selon le principal intéressé, les intentions qu’on lui prête sont liées à son séjour dans la salle de montage. «C’est clair qu’il y a des choix qui se font au montage – j’avais quand même plus de 150 heures de tournage! – alors peut-être que la ligne éditoriale se trouve là.» Plus tard, il ajoutera qu’il «[voulait] surtout soulever des questions.»

Pour ce faire, Sylvestre cherchait un établissement normal-entre-guillemets, «avec un public représentatif», note-t-il. La directrice de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys lui a suggéré deux écoles : une première où «il n’y avait pas de Québécois dans la classe. Ça devenait donc un film sur l’immigration» ainsi que PGLO où on retrouvait «un bon mélange». Après avoir convaincu la direction, le réalisateur s’attelait à deux nouvelles tâches : tourner son documentaire et gagner la confiance du personnel.

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«Ensuite, il fallait convaincre les profs et les mettre en confiance pour rentrer et avoir accès à tout. Je ne voulais pas qu’on commence à me dire “Tu ne peux pas filmer ceci. Tu ne peux pas filmer cela”», se rappelle-t-il. «Après quelques jours, je faisais partie des meubles. J’ai établi une relation de confiance avec les profs qui a fait en sorte qu’ils en venaient à m’oublier.» Comme les élèves de l’école sont aussi des mineurs, Sylvestre a dû recueillir l’autorisation des parents afin qu’ils apparaissent dans le film. «Ça a été un méchant casse-tête!», soupire-t-il.

Malgré la variété des sujets abordés lorsque Sylvestre verse dans le documentaire, une certaine ligne directrice demeure. «J’aime bien montrer l’envers du décor. Entrer quelque part sans a priori et en y passant beaucoup de temps. Suivre de près sans forcer la chose, ni la chroniquer ou faire dans le documentaire engagé», fait-il valoir avant de glisser qu’«en prenant le temps et en grattant, on se rend compte qu’il y a pas mal d’idées préconçues.»

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À titre d’exemple, il ajoutera, qu’encore aujourd’hui, on donne rarement la parole aux Amérindiens – comme il l’a fait avec Sauvage – et que les émissions de cuisines gentillettes qu’on nous impose sont souvent très, très, très loin du quotidien des chefs de son Durs à cuire.

Sylvestre revient à la charge : «Secondaire V, c’est la même chose. Je crois qu’on y brise pas mal de préjugés sur l’adolescence.»

Connaître la suite

En plus de promouvoir – voire défendre son film -, Syvestre planche présentement sur un retour à la fiction. Il déposera son scénario en mars.

Travail supplémentaire : critiques en équipe

Pour revenir à l’accueil de Secondaire V, bien que les écrits de mesdames Durocher et Petrowski ont retenu l’attention du grand public, il faut également indiquer que le film a recueilli son lot de critiques favorables (notamment de la part de Tcha Dunlevy et du voisin de bureau Philippe Couture). Sans vouloir dénigrer le travail de tout ce beau monde, je dois avouer que je tenais davantage à avoir l’opinion de parents, de professeurs et d’adolescents à propos de ce film… et c’est ce que j’ai été cherché, justement. Voici donc…

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Alexandra et François-Olivier, des enseignants : Bien que le couple aurait aimé qu’on cerne le projet en fournissant davantage de détails sur l’école, sa clientèle, etc., ceux-ci ce sont aussi dits interpellés par le personnel participant à l’oeuvre. «Notre première réaction face aux images des élèves en classe avec leurs enseignants a été de se sentir soulagés. On se sentait moins seuls! Ça ressemblait vraiment à ce que l’on vit quotidiennement.»

Un passage qui les aura particulièrement marqués est cette scène où «le pauvre suppléant débutant sa carrière – et qui veut être crédible et autoritaire en classe -, mais qui perd finalement la face devant les élèves», notent-ils tout en saluant la prestance «des enseignants qui font leur possible et qui prennent le temps de parler des vraies choses de la vie.» On fait référence ici, bien sûr, à l’extrait dans la classe de sexologie – où on aborde des pratiques allant jusqu’à l’anulingus – qui a fait frissonner Mme Durocher. «Ça ne nous a pas choqués», poursuivent-ils. «Bien que les jeunes aient accès à beaucoup d’infos de nos jours, ils n’ont pas réponse à toutes leurs questions et le fait qu’un adulte significatif parle avec eux peut faire toute la différence.»

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En direct d’Halifax, Sara et son fils en 5e secondaire : Halifax n’étant pas aussi multiculturelle que Montréal, l’ado confie que la tension de certaines situations – lorsqu’on aborde le conflit israélo-palestien en classe, par exemple – avait l’air «exagérée».

Sara, de son côté, excuse l’attitude dissipée de certains élèves par «le peu d’originalité dans l’enseignement des cours», notant qu’on semblait se limiter aux lectures magistrales sans trop favoriser la participation. Eux aussi ont trouvé que le documentaire aurait bénéficié d’une meilleure direction dans son propos.

De retour à Montréal, Joëlle et son fils Élie : L’ado aurait apprécié un exercice plus comparatif – histoire de constater les différences entre des étudiants provenant de différents milieux -, mais a tout de même adoré son visionnement. «J’ai beaucoup aimé la partie avec le Printemps érable. La révolte m’a parlé», mentionne-t-il. Plus tard, il ajoutera que l’électricité palpée dans certains cours était particulièrement séduisante. «Nice! J’aimerais ça que ce soit comme ça à mon école! Nous autres, on est vedge et sans opinion. C’est cool, les débats!» Sa mère, elle, glissera que ça l’a «un peu rassurée de savoir que le désordre montré à l’écran n’était pas le quotidien de mon fils.»

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En plus d’avoir beaucoup d’empathie pour le personnel de l’école, Joëlle a eu le béguin pour bon nombre d’étudiants se retrouvant dans le documentaire. «Certains jeunes étaient terriblement attachants, ils m’ont fait rire autant qu’ils m’ont exaspéré avec leur attitude typique de “J’ai 16 ans et je connais tout”.» Elle aurait toutefois apprécié qu’on s’attarde encore plus à ceux-ci. «Les jeunes qui y sont présentés me semblent trop beaux, trop allumés pour que leur quotidien ne se limite qu’à une présence obligatoire à l’école. J’aurais aussi aimé qu’on aborde leurs rêves et leurs projets.»

Et vous? L’avez-vous vu? Avez-vous aimé? Et, surtout, aviez-vous l’air aussi pété raide que moi sur votre photo de finissant?