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Parce qu’au fond, c’est de ça qu’il s’agit. Les larmes coulent de plus belle, sur la démocratie canadienne.
Elle s’étiole, notre démocratie. Elle est malade, elle toussote et claudique drôlement. Son discours est trouble et sa structure valétudinaire se supporte à peine. Elle se replie sur elle-même panser ses plaies dans l’ombre; au diable les entorses, il faut continuer. Sur de drôles de béquilles. Elle dérive bien loin des idéaux qu’elle porte, alors que des têtes étranges la détournent pour assouvir des soifs indues.
***
Cette semaine, j’ai atteint mon seuil de saturation d’indignation. Je m’en suis rendu compte lorsque je me suis surprise – non pas sans effroi – à me réjouir de la radicalisation tumultueuse des dernières manifestations étudiantes. Je m’en suis rendue compte alors qu’à présent, j’affirme haut et fort que je préfère perdre ma session plutôt que ce qu’il me reste de dignité citoyenne. C’est là qu’on est rendus.
Et si encore il ne s’était agi que du conflit étudiant! Les dernières frasques du gouvernement Charest (Line, son copinage avec la mafia, tout ça…) ne m’ont pas révoltée; elles ont suscité chez moi un vague dégoût, doublé d’une profonde lassitude cynique.
Nous avons touché le fond du baril. Du moins, s’il n’y a pas un double fond caché – ce qui ne me surprendrait même plus. Même le troisième sous-sol de notre système parlementaire doit être pourri par la corruption. Au point où on en est.
Aussi, on célébrait mercredi le sombre premier anniversaire du Gouvernement Harper majoritaire. Après avoir passé rapidement en revue les coups de poing législatifs qu’on s’est pris en pleine gueule au cours de la dernière année, je me suis souvenue d’un texte que j’ai écrit l’année dernière, aux lendemains des élections. Je m’insurgeais alors contre le désintérêt pour le scrutin :
« Si les Canadiens ont pensé qu’en refusant de se rendre aux urnes, la majorité conservatrice serait rendue impossible, ils se sont mis le doigt dans l’oeil 167 fois plutôt qu’une, la preuve en a été douloureusement faite! L’apathie politique est le premier véhicule qui achemine vers l’effondrement de l’opposition et l’avènement du totalitarisme. Je dramatise, certes, mais qu’on se le tienne pour dit. »
C’est candide (je le suis toujours), mais le doigt est effectivement enfoncé dans l’œil collectif. On n’y voit plus très clair à l’horizon.
On se ronge-tu le frein, pas à peu près, de n’avoir été voter qu’à 60% ou à peine? On va s’en souvenir de cette apathie-là, ein? Parce qu’on la paye à grands coups de F-35, de loi Omnibus et de coupures dans la culture et l’information publique…
Et au Québec, le portrait n’est guère plus reluisant. Le débâcle s’étend au rythme de la respiration de Jean Charest.
Et on va faire quoi, dites?
Il y a une tâche colossale qui repose sur nos épaules : celle de se réapproprier notre démocratie.
Actuellement, nous la regardons se putréfier au profit de lobbys déguisés et d’enveloppes suspectes.
Le défi est double. D’abord, il y a, a priori, des inconciliables dans le discours populaire. Les Canadiens, d’Est en Ouest, sont d’allégeances politiques diamétralement opposées. Et les deux solitudes sont très peu enclines aux compromis. Soit.
Mais il va falloir trouver une solution, parce que tout ça ne fait aucun sens.
L’avenir se dessine en un gouffre inquiétant et nébuleux. La rectitude et le couperet conservateurs inquiètent, face à une opposition exsangue et égarée. La gangrène libérale, quant à elle, mine les partis et le respect que la population voue à la classe politique.
Mais comment engager un dialogue constructif et trouver des solutions alors que nous ne sommes même pas univoques quant à la définition de « démocratie bien ordonnée »?
Il y a tant de questions auxquelles il faudrait répondre.
La volonté populaire s’exprime-t-elle légitimement dans la rue, ou devrait-on régler nos comptes “le jour des élections”?
Mine-t-on la fonction des représentants élus en s’appropriant les enjeux publics par soulèvements? Ou au contraire, conférer un pouvoir exécutif aux élus aliène-t-il l’expression de la volonté populaire?
La démocratie, ça ne va pas de soi. Sa définition est large. Elle s’étend des prétentions omnipotentes de Stephen Harper, à la lourdeur décisionnelle mais fondamentalement égalitaire de la CLASSE, en passant par la gouvernance « marchandable » de Jean Charest…
À mon sens, il y a urgence de faire des choix, quitte à se casser la tête. Il ne faurait surtout pas laisser au sort la définition de notre démocratie.
Il est plus que jamais temps de réapprendre à être maîtres de chez nous.
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