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Se lancer en affaires, malgré la peur
Nicolas Duvernois lavait des planchers quand il a décidé de créer la meilleure vodka du monde. Guillaume Leblanc et Jean-Daniel Petit, eux, se sont lancés dans la fabrication de kayaks en fondant Abitibi & Co. Pourtant, ils ne faisaient pas de fixation particulière sur les pagaies. Rencontre entre trois entrepreneurs qui ont osé conjuguer “instinct” et “pas pire opportunité”.
TEXTE Rose-Aimée T. Morin PHOTO LM Chabot @ l’éloi
Quand on regarde votre parcours, on a l’impression que l’inconnu ne vous fait pas peur pantoute. Est-ce que ce courage est indispensable pour être entrepreneur?
Nicolas : Ce qui est le fun avec l’entrepreneuriat, c’est qu’il y a plusieurs chemins qui mènent au succès. Évidemment, c’est bien de se lancer dans une industrie qui nous est familière parce qu’on a alors une base. En même temps, on risque de copier ce qu’on connaît. Tandis qu’en se lançant dans une industrie dont on ne sait pas grand-chose, on a tout à inventer!
Jean-Daniel : Et c’est faux de penser qu’il n’y a pas de peur! Au contraire, lancer une entreprise, c’est terrifiant. Sauf que pour moi, c’est plus angoissant de rester dans le statu quo d’une job qui n’est pas à la hauteur de ma vision.
N. : Un entrepreneur qui réussit est un entrepreneur qui a eu peur, mais qui a osé. Comme je le dis souvent : si tu n’as pas de courage pour le faire, fais-le sans courage!
Guillaume : Quand on a décidé de faire le grand saut, j’ai envoyé une image à Jean-Daniel. C’était un gars sur le haut d’une montagne et ça disait : “If your dreams don’t scare you, they’re not big enough.” C’est normal d’avoir peur. Et tu as beau planifier tout ce que tu veux, ça n’ira jamais comme tu le penses! Si tu n’aimes pas l’inconnu, ne va juste pas en affaires.
J.-D. : Pour chaque bonne nouvelle, tu en as deux mauvaises! Tu lèves les bras pour célébrer et pendant ce temps-là, il y a deux briques qui te foncent dans le ventre…
N. : Heureusement, un point de bascule arrive éventuellement. Tu atteins une deuxième étape, “l’adolescence de l’entreprise”, et tu recommences à être plus à l’aise dans ton quotidien. Tu sais que demain pourra amener un mauvais coup, mais que ce ne sera pas la fin du monde. Tu ne peux plus tout perdre du jour au lendemain.
Quel genre de déclic fait naître des compagnies comme Pur Vodka et Abitibi & Co?
N. : L’idée, c’est un peu comme l’âme sœur. Quand tu es célibataire, tu as beau chercher, tu ne trouves jamais rien. Puis tout d’un coup, tu te rends à l’épicerie en pyjama, un peu lendemain de veille, et boum! La femme de ta vie est en train d’acheter des bananes devant toi. En entrepreneuriat, certains cherchent toute leur vie sans trouver l’idée qui leur permettra de réussir.
J.-D. : Pour poursuivre l’analogie, quand tu es célibataire, il n’y a personne qui s’intéresse à toi. Par contre, dès que tu commences à dater, tout le monde te veut! C’est la même chose en entrepreneuriat : quand tu as une idée qui ne lève pas, tu as beau travailler fort, tu es seul. Mais quand ça fonctionne, les gens se rapprochent et les opportunités se pointent.
G. : Ça fait en sorte que tu avances parfois quasiment par orgueil. Tu as envie de prouver que les gens qui te ferment des portes ont tort. Jusqu’à un certain point, cet orgueil est nécessaire parce que, sans lui, ce serait facile de se décourager.
Les gars, pour chaque canot vendu, vous retirez des déchets – l’équivalent d’un sac à ordures plein – de nos cours d’eau. Nicolas, avec Romeo’s Gin, tu agis à titre de mécène dans le milieu de l’art urbain. Vous redonnez en fonction de vos valeurs ou par souci marketing?
N. : À mes débuts, je lavais les planchers de l’hôpital Sainte-Justine pour financer mon entreprise. Dès que mes affaires ont commencé à bien aller, j’ai fait des dons à la fondation de l’institution. Depuis, j’ai décidé que chaque projet que je lancerais serait associé à une cause. Ma grand-mère disait toujours : “Nicolas, sais-tu comment ça s’appelait une carotte biologique, dans mon temps? Une carotte.” Moi je me dis que dans dix ans, il faudra que l’entrepreneuriat social s’appelle “l’entrepreneuriat”. Il ne s’agit pas nécessairement de redonner, mais simplement de participer à la collectivité.
J.-D. : Sans être défaitiste, d’un point de vue écologique, on sait qu’on va frapper un mur. Si on attend que les gouvernements réagissent, il sera trop tard. Les marques doivent s’impliquer; si tu veux faire de l’entrepreneuriat, assure-toi que ton entreprise soit durable. La nôtre est à vocation
lucrative, mais ça ne nous empêche pas de prendre position. On s’est inscrit à la certification B Corp [NDLR : qui exige un modèle d’affaires engagé et responsable] pour s’assurer que plus tard, on ne pourra pas générer de profits si on endommage l’environnement. Comme ça, la journée où on fera plein d’argent, nos valeurs ne pourront pas changer.
G. : La protection de l’environnement et l’implication sociale ne sont pas des valeurs qu’on peut feindre dans une entreprise : ce serait bien trop facile de faire des choix qui s’y opposent…
Je vous lève mon verre à shooter, messieurs!
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