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Se frapper sur la gueule

Par
Pascal Henrard
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Cette semaine, je vais vous parler de gueules qui saignent, de rêves, de types qui se démolissent, d’espoirs, de gamins qui jouent à se donner des coups, de combats extrêmes et d’histoires vraies.
Précisons, pour être honnête, que François Méthé, le réalisateur de «Hors Combat», est un ami. Ses producteurs aussi. Mais ça ne change rien à ce que je pense de ce film.
Je déteste les sports de combat. La boxe n’est pas, à mes yeux, un art, encore moins noble, la vénération de Georges St-Pierre n’a pas fini de me stupéfier et je m’étonne qu’une société civilisée ait un championnat professionnel de combats ultimes.
Pour tout dire, je ne comprends pas qu’on puisse applaudir quelqu’un qui frappe quelqu’un.
Mais François Méthé a réussi à me faire aimer ces jeunes déterminés qui rêvent de devenir des professionnels du démolissage d’autrui.
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Alors qu’on s’attendrait à avoir du bon gros rock, comme celui qu’on entend dans les haut-parleurs des arènes modernes, les images de «Hors combat» sont accompagnées d’une musique originale composée par Mathieu Lafontaine sous la supervision musicale de Jason Brando. Ça donne d’emblée au documentaire une autre dimension. Plus intérieure. Plus douce. Plus posée.
Dès le départ, «Hors combat» nous plonge dans un monde de regards sombres et de lumière, d’ambitions et de déceptions, de défis et de défaites. On est happé.
Les quatre personnages que suit le documentaire ont des histoires atypiques. Trois de ces aspirants professionnels n’ont plus de père. Leur club d’arts martiaux mixtes c’est un peu leur famille. Leur coach, c’est leur papa. Le combat, c’est leur vie.
La force de «Hors combat» est dans son regard. Curieux, empathique, jamais voyeur, il montre des histoires sans artifices et sans pathos. Le montage est subtil et élégant. Il nous apprend que la vie de combattant ressemble finalement à celle de n’importe qui: travail, amis, travail, maison, travail, sorties, travail, travail, travail, mais au bout, l’espoir de briller dans l’octogone. S’ils veulent vaincre, les combattants de l’extrême n’ont pas fini de travailler. Ça devient une obsession. Ils s’entraînent sans relâche, ils frappent dans les airs à longueur de journée, ils font le vide dans leur tête, ils visualisent le portrait de l’adversaire qu’ils vont démolir,…
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Les arts martiaux mixtes sont de plus en plus populaires au Québec. 74 galas ont été organisés en 2013 dans 27 villes différentes. Il y a eu 84 combats à Drummondvile, 78 à Montréal et 73 à Trois-Rivières. Au total, plus de 770 combats en un an à travers la province. Dans le documentaire, on voit des petits de 8-10 ans qui s’affrontent lors d’un gala bénéfice. C’est une réalité dont parlent peu les médias. Les arts martiaux mixtes et le combat extrême ne sont pas reconnus officiellement au Québec. Ni interdits, ni permis. Il n’y a pas encore de ligue officielle. Les règles varient d’un tournoi à un autre. Les clubs ne sont pas encadrés par des conventions officielles. Tout ça a l’air un peu broche à foin mais rempli de bonnes intentions et d’espoir comme dans tout sport naissant.
Cet engouement n’est pas anecdotique. Cet univers de salles d’entraînement, de muscles, de coups, de soirée de gala, de pin-up en maillot reléguées au rang de présentoirs de pancartes publicitaires, de gros rock lourd et de types qui se battent jusqu’à ce que le sang gicle existe.
Ce n’est pas un monde parallèle, c’est un pan de notre société.
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Les jeunes suivis par «Hors combat» ont trouvé dans les arts martiaux mixtes plus qu’un exutoire, une raison d’être. Pour certains, ce ne sera qu’un passage vers la vie d’adulte, pour d’autres, le tremplin vers une carrière professionnelle. Il y a de la détermination dans leur parcours. Et de la lumière au bout de leur combat.
Auraient-ils pu trouver cet espoir en choisissant une autre voie ?
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