Se foot-ils de nous?

Ce jeudi 14 janvier en matinée, l’annonce de la mort de l’Impact de Montréal a créé une véritable commotion dans un monde sportif local déjà passablement irrité par le confinement. Pour ajouter l’insulte au deuil, le nouveau club a un nom poche et un logo moche. SCANDALE!

Je commence par un aveu : je connais les logos, mais les logos de sport constituent une sorte de mystère pour moi. Ils ont leurs propres codes et défient souvent l’analyse rationnelle, surtout pour le non-fan que je suis. C’est donc sous l’angle graphique que je vais tenter de décoder cette… chose.

En 1992 naît l’Impact de Montréal, une équipe qui connaîtra un certain succès et s’attirera une enviable sympathie… pour un club de soccer nord-américain. En 2018, Kevin Gilmore est nommé président et annonce un «changement de vision», comme dirait mon ophtalmo.

Jeudi, après deux ans de réflexion, le chat sort du sac : alors que l’Impact de Montréal devient le Club de Foot Montréal, le fier écusson bleu se change en gros flocon gris. Et les fans de fulminer comme hydres cornues aux portes du Capitole.

L’idée n’est pourtant pas si folle : opérer la transition entre un club et le club de Montréal.

On ne peut pas parler du logo sans mentionner le premier sujet de controverse : le nom du club.

«Impact», ça fessait. D’aucuns diront même que ça kickait des culs. Ce n’est évidemment pas le cas de Club de Foot Montréal, qui a le double inconvénient d’être platement descriptif et de mettre les pieds (lol) dans le vieux débat culturel foot contre football contre soccer.

De l’avis de Kevin Gilmore, l’utilisation du terme foot «positionne le CF Montréal à la place qui lui revient dans l’univers footballistique». Une place controversée, donc?

Tant qu’à être ambitieux, pourquoi ne pas contester à la NFL le droit de parler de football?

En passant, on cherche toujours le de qui devrait être entre foot et Montréal. Si vous le voyez, appelez-nous, on est inquiets.

Passons aux choses sérieuses : le nouveau logo fait pleurer les partisans.

Les couleurs ressemblent à une évolution de l’ancienne palette vers l’âge adulte. Plus sombres et moins vitaminées, elles ont le dynamisme du commandant Chiasson avant son deuxième café. Le noir – qui paraît plutôt anthracite à l’écran – devient la couleur principale, ce qui ravira sans doute les footballeurs gothiques. Un «gris glacé» et un «sacré bleu» (sacrebleu!) complètent la proposition.

Visuellement, le logo évoque un flocon de neige, dans un style géométrique hérité des années soixante et soixante-dix. De ce côté, la référence est solide. Quatre M sont poussés au centre par huit flèches censées évoquer le métro de Montréal, ce qui est bien vu, puisqu’on y est généralement tassés, avec un truc pointu qui nous rentre dans les côtes. Sérieusement, c’est très audacieux de parler du métro dans un logo de sport!

L’ensemble forme un flocon, une étoile ou un plan d’attaque, selon le point de vue, entouré par les mots CLUB DE FOOT MONTRÉAL CLUB DE FOOT MONTRÉAL. Oui, deux fois : une fois pour les francophones, et une autre fois pour ceux qui devraient apprendre le français, ha ha ha!

Au moins, cette fonte a été dessinée à Montréal, nous apprend le communiqué.

Deux timides fleurs de lys ponctuent la composition déjà assez chargée, et l’ensemble est cerné d’un large cercle bleu qui ne se réfère ni au drapeau québécois ni à nos cieux azurés, mais bien aux «rivières qui entourent notre île». La dernière fois que j’ai vu le Saint-Laurent, il était gris foncé.

Qui dit inspiration dit aussi risque de ressemblances inopportunes, c’est la dure loi du sport.

Noirceur et neige : on dira ce qu’on voudra, mais la nordicité de l’équipe est bien rendue!

Comme toujours, les ardeurs vont se tempérer, les esprits vont se relâcher, et le logo fera bientôt partie du patrimoine montréalais. Nous verrons si le nouveau slogan, « Droit devant », permet de regarder sereinement vers un avenir qu’on souhaite moins gris que le logo.

Le nouveau chandail du CFM, quant à lui, sera dévoilé au début février. Attendez-vous à ce que les gérants d’estrade déchirent leur chemise.