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Se fondre en l’autre

Par
Julie Lemay
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Tu es tout pour moi.
Je ne vis que pour toi.
You’re my everything.

Je l’admets : ces expressions conjugales romantico-mieilleuses-collantes se voulant pourtant attendrissantes m’irritent un peu beaucoup le cœur de femme. Comme dirait l’autre, I couldn’t help but wonder : Pourquoi, mais pouuurquoi glorifier la fusion amoureuse au nom du romantisme?

Plusieurs expressions en témoignent. Plusieurs chansons en font l’apologie.

Mais c’est plus fort que moi : si j’entends des choses telles que “tu es celle qui fait battre mon cœur”, je n’ai pas envie de couiner de tendresse. J’ai plutôt envie de rectifier le fait que je suis une femme et non un pacemaker.

Il semble y avoir plusieurs méprises dans le domaine de l’amour, notamment en ce qui concerne les mathématiques relationnelles.

Non, 1 + 1 n’égale pas 1.
Toi + Moi n’égale pas Nous.

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Démonstration de circonstance?
Le film culte des jumelles Olsen s’appelle Les deux font la paire et non Les deux forment un tout.

Une paire est, par définition, formée de deux éléments qui demeurent distincts, malgré leurs similitudes.
Mary Kate reste ainsi Mary Kate. Ashley demeure Ashley.

La logique Olsen est donc indéniable et transposable dans le domaine de l’amour :

Toi + Moi = Toi + Moi + Nous
1 + 1 = 3

Et je le confirme, c’est une SACRÉE BONNE NOUVELLE!

Il est possible et oh combien souhaitable de s’enrichir mutuellement au niveau conjugal sans s’intergober l’individualité!

C’est que quand on fait de notre “nous” un “tout”, le syndrome de la douce moitié surgit. Et là, ça devient problématique parce que pour former un tout avec l’autre, il faut forcément devenir une demie et donc s’amputer quelque chose, quelque part.

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Personnellement, j’en connais des individus qui se sont graduellement dilué la personnalité au nom du couple. Qui se sont étouffé quelques traits de caractère, quelques centres d’intérêt pour mieux s’imbriquer dans l’unité conjugale.

Le problème, c’est que moi, mon ami, quand je l’ai choisi, je l’ai aimé dans son intégralité.
Là, je le retrouve, mais en version édulcorée, décolorée.
Je dois tout de même lui accorder un point : c’est pratique du beige, ça s’agence avec plein de couleurs.

J’entends ici quelques âmes se questionner sur l’aspect rationnel de cette analyse d’un sentiment amoureux qui peut être tout sauf cérébral. Elle est où, la variable passionnelle, dans tout ça?!

La passion…

C’est qu’il y a la passion qui inspire et qui revigore.
Et la passion qui aspire et qui dévore.

La passion inspirante se trouve dans la considération et l’amour qu’on peut porter à l’autre, quand on s’intéresse à lui/elle dans son intégralité.
Quand on ne perçoit pas les différences comme des menaces à exterminer, mais bien comme des réalités à concilier.
Quand on évite de projeter nos attentes sur l’autre dans l’espoir qu’il/elle y réponde.
Toi + Moi = une équipe qui se respecte dans leur individualité et donc, qui s’aime de façon authentique.

Ça stimule, ça revigore.

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La passion qui aspire se trouve dans l’interdépendance qu’on peut créer avec l’autre, quand il/elle doit pallier à nos vulnérabilités, réparer nos blessures.
Quand on vit dans le déni de nos différences ou qu’on souhaite les enrayer.
Constant work in progress. Constantes frustrations.
Union en probation.
Partenaire en éternel stage de perfectionnement conjugal, évalué selon les critères de l’autre.
Ça gruge, ça dévore.

Il n’y a pas à dire, le “nous” est capable du meilleur comme du pire.

Il peut être beau, fort, motivant, valorisant, euphorisant!
Mais il peut être drainant, vampirisant, culpabilisant, contrôlant, étouffant.
Dans un cas comme dans l’autre, il n’est pas tout.
Elle est là, la nuance.

Miser sur le couple pour satisfaire l’ensemble de ses besoins affectifs est dangereux. Se construire à travers l’autre est précaire.

Morale de l’histoire?

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Il ne faut pas mettre tous ses kiwis dans le même homme.
Parce que si l’homme s’enfuit, il ne restera plus de kiwis.
Ni d’homme.

Il faut alors penser à répandre ses kiwis dans sa sphère amicale, dans ses intérêts personnels, dans son accomplissement professionnel, dans son p’tit “moi” nombriliste qu’il faut aussi alimenter amoureusement, avec tendresse!

Et ce n’est pas de l’égoïsme!
C’est une question d’amour-propre, d’estime de soi.
C’est de s’enrichir personnellement pour pouvoir partager et aimer sainement!

C’est de finalement appliquer les conseils de ces langoureuses chansons d’amour et d’aimer inconditionnellement cette personne qui est indispensable à notre existence, celle pour qui notre sang coule dans nos veines et pour qui oui, notre cœur bat véritablement!

***

Pour lire un autre texte de Julie Lemay: Touche-moi.

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