.jpg)
La matchmaker professionnelle Natacha Noël tenait aujourd’hui un casting ouvert au public dans l’espoir de trouver des femmes susceptibles de plaire à trois de ses clients millionnaires. Chez URBANIA, quand on a appris ça, on s’est tout de suite dit : « Quoi? Il y a du monde qui paie pour qu’une tierce personne fasse un tri physico-sexu-relationnel en leur nom? »
La deuxième question qu’on s’est posée a été : « est-ce qu’on serait choisi? »
On est allé tester la chose avec Fanny, coordo de rêve célibataire et Rose-Aimée Automne, rédactrice en chef par intérim mariée.
L’arrivée
Loin d’être convaincues par l’entreprise, on se rend en taxi vers le bureau de la célèbre matchmaker. On n’est qu’appréhension.
Rose : “Je ne me maquille jamais, j’ai les cheveux sales, puis j’ai un mari. Ça ne marchera pas.”
– Fanny : Pourquoi je suis ici? J’étais supposée être en train de ramasser du matériel pour le lancement du magazine.
– Rose : Parce que j’ai ben trop peur d’y aller toute seule. Des plans pour que je me retrouve entre les mains d’horny millionnaires…
Faut se le dire, c’est tentant de juger des hommes riches qui engagent des gens pour en rencontrer d’autres en leur nom. C’est aussi tentant de juger des femmes qui se présentent à une inconnue en espérant scorer avec un homme riche. Mais bon, il y a sûrement des raisons à ça. On mène tous une vie occupée, on aime probablement se faire prendre en charge, on s’ennuie peut-être de l’époque des mariages arrangés.
On espère que notre excursion sur le terrain nous en dira plus.
Arrivées face au building de la rue Notre-Dame Ouest, on est accueillies par un gardien de sécurité qui prend son walkie-talkie et déclare : “y’a deux filles qui montent.” Une fois dans la bâtisse, un autre gardien nous attend. On ne comprend pas trop à quoi ils servent. On suit ensuite une dame à l’impressionnant décolleté dans une petite pièce. Elle nous pointe un bol de chocolats Lindt en nous tendant un formulaire qu’on doit rapidement remplir dans une salle attenante. Et quelle salle!
La préparation
Le salon qui nous attend relève soit du rêve d’une préadolescente de région, soit du wetdream d’une designer d’intérieur de retour d’un bref séjour à Versailles. Il y a du verre, des lustres, de grands miroirs, des fleurs, des moulures dorées et des cupcakes (qu’on mange en se faisant encourager par le staff : “c’est beau les filles, faut se gâter, personne vous prend en photo!”). Lana Del Rey chante qu’elle veut être high sur une beach. On est quand même bien.
Le formulaire à remplir est intéressant et pousse à l’autoréflexion.
– Rose : T’as écrit quoi pour tes trois plus grandes qualités?
– Fanny : Pacifique, humble et honnête.
– Rose : Pacifique?
– Fanny : Oui, la paix dans le monde, pis tout.
– Rose : Cool. À la question “êtes-vous traditionnelle ou moderne en couple?”, j’ai répondu “je suis féministe.”
– Fanny : Moi: “traditionnelle avec des tendances modernes le samedi”.
– Rose : C’est bon. Ça dit ce qu’on a à dire.
Un constat s’impose : dans la dizaine de femmes qui nous entourent, toutes portent des escarpins vertigineux et une robe. Ça contraste un peu avec nos Birkenstock. Notons que Fanny porte des jeans et un col roulé à manches longues, malgré les 30 degrés Celsius.
Pas grave, l’équipe de matchmakers a tout prévu : on va se faire pimper. Oui, mesdames! On passe au maquillage et à la coiffure avant de se faire prendre en photo par un professionnel. Fanny est la première à poser ses fesses sur la chaise de la maquilleuse. Elle en ressort avec un “look naturel”, soit ça.
.jpg)
Pendant ce temps, Rose se fait coiffer. Quand l’homme derrière la chaise lui déclare qu’il va lisser ses cheveux habituellement ondulés, elle s’offusque en lâchant un “Non! Je tiens à mon look post-orgasmique.” Il lui rétorque qu’elle devra avoir les cheveux plats si elle veut pogner un millionnaire. On prend des notes.
Quelques minutes plus tard, il frisera les cheveux de Fanny, compromettant du fait même son avenir amoureux.
Révélation des membres de l’équipe : 90 minutes après l’ouverture de l’évènement, 20 femmes étaient déjà passées dans le bureau. La majorité aurait déclaré avec conviction “chercher l’amour, le vrai”.
Une fois enfin “belles”, on défile devant un photographe. On tient une feuille 8 ½ X 11 entre nos mains. Elle affiche un numéro qui nous permettra d’être identifiées, telles deux prisonnières de la pauvreté.
.jpg)
L’entrevue
La rencontre d’une quinzaine de minutes avec Natacha étant individuelle, nous séparons ici nos voix pour tout vous révéler des dessous du processus.
Rose
C’est avec l’impression d’avoir perdu ma personnalité (lire : avec huit pouces de make-up et des cheveux plats) que j’entre dans le bureau de Natacha. J’avoue que je ne crois absolument pas à l’exercice. Je veux en connaître les dessous, mais je me doute bien que je ne sortirai pas de là avec un second mari.
L’affaire surprenante, c’est que j’ai vraiment beaucoup de plaisir. La professionnelle de l’amour que j’ai sous les yeux est rayonnante, spontanée, charmante. Pleine d’autodérision. Pendant un instant, je remets brièvement mon orientation sexuelle en doute.
Si j’arrivais à mettre de côté le très réducteur aspect “homme riche cherche femme coquette” de la démarche, je pourrais probablement même en devenir fan. C’est honnêtement agréable de réfléchir à des questions d’ordre relationnel, de tenter de décrire qui je suis, ce que je cherche.
J’avoue à la matchmaker que je déteste le camping, que je n’ai aucun sens de l’orientation, que mes tatouages sont les marques de mes ruptures, que je suis baveuse et que j’adore le Mile-End.
Apparemment, ça ne correspond pas au profil des clients actuels de Natacha.
Oh well.
On m’a quand même dit : “Les belles grandes rousses, c’est toujours le fun à voir!”
Je retiens l’info.
*****
Fanny
En me rendant à l’entrevue, je croise un bonhomme d’environ 300 livres, qui est assis en face de la porte du bureau de Natacha. Je m’assois en face de lui. Il me demande quelle est ma question. Je ne comprends pas. “Je suis un coach de vie, quel est ton enjeu relationnel?”
Bon. J’improvise. Je lui demande comment faire pour ne pas m’attacher aux hommes. Il me fait répéter la question à deux reprises, la rendant de plus en plus absurde dans le contexte où je me trouve. Il finit par me dire d’imaginer tout de suite où je veux être dans 40 ans. Si les hommes que je croise ne correspondent pas à cette image, je dois les flusher.
Ok, c’est simple. Je dois juste prévoir ce dont aura l’air ma vie à soixante ans. Carpe diem.
La véritable entrevue est plus lourde. Alors que Rose en sort toute souriante, j’entre avec un air d’enterrement. Natacha prend de longues poses entre ses questions: Jusqu’à quel âge es-tu prête à aller? Veux-tu te marier bientôt?
Finalement, elle me dit de revenir dans un an. Elle ne me trouve pas assez intéressée, pas assez investie. Moi je trouve que je suis pas mal investie en ce moment, je viens de me faire crêper le chignon et peinturer la face. Elle me dit quand même que j’ai un profil intéressant, et que je pourrais me trouver n’importe quel millionnaire si je le voulais un peu plus. C’est noté.
Le départ
De retour dans un taxi, Fanny a le regard un peu vide.
– On s’ra jamais riches.
– Mais les cupcakes étaient bons!
Ce soir, si vous croisez deux filles grimées et mal dans leur peau, merci de nous dire salut.
Identifiez-vous! (c’est gratuit)
Soyez le premier à commenter!