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Satinder Kaur Bar: Celle qui chasse les antibiotiques de nos verres d’eau et notre manger
Satinder Kaur Bar travaillait au ministère de la Défense indien quand elle a décidé de poursuivre un doctorat dans son champ d’expertise : l’eau. L’Institut national de la recherche scientifique (INRS) a été le premier à répondre à sa demande d’admission. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle déménage au Québec! Une décennie plus tard, elle mène avec brio des recherches de dépollution des eaux (l’an dernier, elle gagnait le Grand Prix de recherche universitaire de l’American Academy of Environmental Engineers and Scientists).
Professeure titulaire de biotechnologies environnementales à l’INRS / 41 ans / Cancer
Ma mission, c’est… créer une planète plus propre et verte. C’est un objectif que je maintiens dans mon travail, comme dans mon quotidien. Je suis fière de dire que ma famille et moi ne remplissons qu’un sac de poubelle par mois!
Au laboratoire… on travaille sur deux grandes thématiques. D’abord : revaloriser les rejets agroalimentaires. On les utilise surtout pour faire croître des microorganismes. Par exemple, les résidus des grains utilisés par les producteurs de bière sont normalement envoyés dans des sites de compostage ou donnés à des fermiers pour nourrir leurs animaux. Dans nos recherches, on utilise plutôt ces grains comme source de nutriments pour un champignon. On fait croître ledit champignon sur les déchets et, pendant ce temps, il sécrète des enzymes qui dégradent la matière. Ce qui est génial, c’est que ces enzymes peuvent ensuite être recyclés en brasserie, car ils arrivent à clarifier la bière! Notre deuxième champ de travail, c’est l’étude des effets qu’ont les produits pharmaceutiques qui se trouvent dans les eaux usées municipales.
Dans les eaux usées, on retrouve… tout ce qu’on rejette dans notre toilette, dont des médicaments. Ceux-ci ont des effets réels sur l’environnement, comme la féminisation des poissons. Et je ne parle pas que des résidus de pilule contraceptive, mais également des hormones synthétiques et des produits chimiques dont la structure moléculaire ressemble à celle des hormones, comme le nonylphénol (très utilisé comme désinfectant dans l’industrie des produits ménagers). Bref, comme on mange les poissons affectés, les contaminants émergents [NDLR : substances dont la présence dans l’environnement n’avait pas été décelée auparavant] ont aussi une influence sur notre santé. Par contre, ils n’ont pas un effet aigu, mais plutôt chronique. Il est fort possible que ces contaminants n’aient pas d’impacts sur notre génération, mais qu’on les transmette à la prochaine. De nombreuses générations de chercheurs étudieront leurs effets.
Cette année, je veux… développer des méthodes de traitement plus efficaces et moins coûteuses qui pourraient s’implanter facilement dans les systèmes municipaux de traitements d’eaux usées. Pour y arriver, on fait présentement des tests qui allient le système biologique (nos enzymes) à des systèmes chimiques modérés. Je souhaite également créer une solution de rechange aux antibiotiques donnés aux poulets. Il faut savoir que les poulets de chair reçoivent des antibiotiques pendant les 35 à 37 premiers jours de leur vie, et ce, de manière préventive, seulement pour éviter les problèmes de santé. Une partie de ceux-ci sont rejetés dans l’environnement par l’urine des animaux, mais une grande portion reste dans leur sang et leur gras. En mangeant ces poulets, on est donc possiblement en train de développer une résistance à certains antibiotiques. Au laboratoire, on travaille sur une concoction faite de produits naturels qui permettra de renforcer le système immunitaire des animaux. En attendant, j’aime dire aux étudiants qui assistent à mon cours sur les contaminants émergents que lorsqu’ils dégustent une soupe au poulet pour chasser leur rhume, ils sont en fait en train de consommer une soupe aux antibiotiques…