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Je reviens de voyage. Ça n’a pas paru, mais j’étais loin. Dans des contrées certes touristiques et ensoleillées mais qui, quand on prend le temps de s’écarter des cartes postales et de sortir des itinéraires tout inclus, vous offrent un dépaysement total et un charme authentiquement enivrant.
L’expérience du voyage nous amène à côtoyer l’étranger dans son habitat naturel. Loin de Parc-Extension, nous pouvons découvrir sur place ses coutumes ancestrales parfois choquantes, étonnamment émouvantes et souvent difficiles à comprendre. Vous n’êtes pas obligé de les partager. Et comme elles s’expriment loin de votre salon et de votre bureau de vote, il n’y a pas de danger pour que vous vous sentiez menacé dans votre zone de confort.
Les traditions les plus colorées font partie du folklore que les autorités mettent en scène 365 jours par an pour les hordes de touristes en mal de dépaysements faciles.
Mais à côté de quelques pratiques disneylandisées, il y a les coutumes locales et les rituels vernaculaires ancrés dans la réalité de ces sociétés qui ne nous ressemblent peut-être pas mais qui vivent dans le même monde de fou que nous.
J’étais dans un pays islamiste en même temps que la fête d’Aïd el Kebir, une sorte de Thanskgiving moyen-âgeux où la dinde est remplacée par un mouton qui sera égorgé, vidé de son sang et débité dans tous les foyers. Comme nous qui confectionnons chaque année pour Noël des bûches aux marrons ou des tourtières maison, chaque famille musulmane doit, pour souligner le sacrifice du prophète, s’acheter une bête qu’elle va engraisser dans sa cour, dans son garage ou sur son balcon avant de l’égorger et de la dépecer sous les yeux ravis de toute la famille. Partout, des têtes de mouton brûlent ensuite sur des feux de fortune allumés dans les rues par des milliers d’ados ensanglantés et excités. Plus tard, les peaux et les tripes sèchent sur les cordes à linge entre les djellabas et les petites culottes. Pendant dix jours, tout le pays sent la barbaque. Et tout est fermé. Sauf, bien entendu, les activités touristiques.
Témoin privilégié de ce moment important pour tout musulman, je ne savais pas quoi penser de ce sacrifice sanglant si loin de nos valeurs aseptisées et du jambon à l’ananas. Maintenant que le sang a séché, que les restes de mouton encombrent les congélateurs et que les gens sont retournés bosser, je ne sais toujours pas quoi en penser.
J’ai surtout, depuis, envie de manger de la salade.
Et puis il y avait bien sûr partout ces femmes voilées, les faces effacées sous d’immenses draps, leur beauté escamotée, leurs sourires absents de la société, leur existence soustraite aux regards des autres.
Là encore, habité par mes questions et mes préjugés, je ne savais ni quoi croire ni quoi dire. J’ai laissé faire. Elles sont de millions à nous faire croire qu’elles aiment vivre isolées derrière un bout de tissu.
Et puis il y a eu ce chauffeur d’autobus.
Il s’est arrêté pour nous laisser vider nos vessies et nous dégourdir les jambes. Pendant ce temps, il est allé discrètement dans un coin faire ses ablutions, s’agenouiller sur un petit tapis et prier, seul, pour lui. J’avais envie de saluer sa foi, de souligner sa ferveur, d’admirer sa sérénité.
Ça fait longtemps que dans nos sociétés modernes et évoluées on ne s’arrête plus pour prier, on ne croit plus, on a perdu le sens des traditions et l’habitude des coutumes.
Est-ce que c’est mieux? Est-ce que c’est mal ? Et vous? Qu’est-ce que vous en pensez?
Rock the Casbah !