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Santa Frank : le véritable père Noël depuis près de 40 ans

Il ramasse depuis 37 ans des cadeaux pour les enfants de la DPJ.

Par
Hugo Meunier
Hugo Meunier
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« Bienvenue dans mon atelier! », lance Frank Camponile alias Santa Frank, en me conduisant dans une salle remplie de milliers de cadeaux emballés. Les paquets multicolores sont classés dans des rangées et s’élèvent jusqu’au plafond à certains endroits.

Nous sommes à Westmount, au quartier général des Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw, un gros centre jeunesse hébergeant des enfants anglophones de Montréal et d’ailleurs au Québec.

Relevant du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, l’organisme gère des milieux de vie pour jeunes en difficulté, notamment des familles d’accueil, des foyers de groupe et des unités de vie en ressources résidentielles de réadaptation.

Des jeunes qui n’auraient pas de cadeaux à Noël si ce n’était de Frank Camponile, qui travaille depuis 37 ans comme commis aux archives des centres Batshaw.

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Mais deux mois par année, l’homme troque son chapeau d’archiviste pour la tuque du père Noël. Oh, il n’a physiquement aucune ressemblance avec notre barbu en costume rouge international, mais il a le coeur sur la main comme mille et ça suffit. « Quand j’ai commencé, on avait des cadeaux pour 14 enfants, alors que j’en ai aujourd’hui pour 1400 jeunes! », s’exclame-t-il fièrement, accoté contre un lit-voiture de Cars destiné à l’un des enfants. « Il dort sur un matelas par terre, il va être content. Sa sœur aura la maison de poupées ici », ajoute-t-il en pointant le paquet sur le lit emballé.

Comment ça fonctionne? En gros, les enfants de 0 à 19 ans éparpillé.e.s dans le réseau doivent écrire une lettre au père Noël, que leurs intervenant.e.s remettent par la suite à M. Camponile.

Pendant ce temps, Santa Frank cogne à des centaines de portes pour trouver des donateurs et donatrices pour les cadeaux. Il y a de généreux samaritains mais aussi des compagnies et magasins réputés, dont certains appuient fidèlement l’initiative depuis les débuts. « Tout le monde a mon cell, j’ai le même depuis toujours », souligne le sympathique gaillard, qui accueille ensuite les donateurs avec les cadeaux à offrir. Frank assure ne pas avoir à leur tordre un bras. « Quand ils viennent ici, sur place, ils comprennent. Mais je dois quand même trouver de nouveaux donateurs chaque année », assure-t-il, ajoutant profiter aussi de l’aide de l’organisme Opération Noël pour la distribution de cartes personnalisées aux enfants (700 cette année).

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Santa Frank coordonne l’ensemble des opérations avec l’aide de ses lutins de longue date Sam Barile (spécialiste en activités cliniques) et Mélanie Fournier (intervenante). Ce sont justement les intervenant.e.s qui s’occupent ensuite de distribuer les cadeaux aux bons endroits et aux bons enfants. « On n’est pas supposé donner plus que 50 $ par enfant, mais bon, ça me tient tellement à coeur », admet Frank, incapable d’accepter que des enfants n’aient rien sous le sapin. « Ce n’est pas leur faute s’ils proviennent de milieux pauvres et difficiles. »

Pour les retardataires (la date limite pour soumettre des prénoms d’enfants était le 12 novembre), Santa Frank a même prévu une autre salle remplie de cadeaux en surplus. On y retrouve déjà des vêtements pour tous les âges, des ballons de basketball, des jeux de société, des poupées Barbie et même quelques ordinateurs.

En 37 ans, Santa Frank dit avoir vécu mille anecdotes, moments d’émotions et grands bonheurs. Il se souvient de la fois, il y a quelques années, où quatre joueurs des Canadiens – Jonathan Drouin en tête – s’étaient présentés à lui. « Ils m’ont demandé de choisir cinq jeunes et ils les ont amenés dans un magasin de jouets réservé expressément pour eux. Ils leur ont dit : “Prenez ce que vous voulez!” », se remémore Frank, encore ému.

La salle des surplus est bien remplie au cas où…
La salle des surplus est bien remplie au cas où…
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Il cite aussi cette maman tuée par son conjoint, qui rêvait d’emmener ses enfants à Walt Disney. « La famille a pris les enfants en charge et j’ai réussi à trouver un donateur pour offrir un séjour à Disney aux deux jeunes. La mère aurait été contente… »

Lui-même père de deux enfants, Frank admet qu’il faut avoir les nerfs solides pour encaisser toutes les histoires crève-cœur qui se rendent à ses oreilles depuis près de 40 ans. « Même quand la situation est terrible à la maison avec des abus de toutes sortes, les enfants m’écrivent quand même qu’ils veulent retourner passer Noël chez eux », raconte Santa Frank, qui, comme le vrai père Noël, ne voit jamais les jeunes qu’il gâte tant. « Je reçois des courriels des intervenantes qui décrivent la réaction des enfants, de la petite fille qui pleure en recevant sa poupée. Ça me fait alors pleurer aussi devant mon ordinateur. »

Il raconte ensuite la fois où il a loué un petit avion pour transporter des enfants « au Pôle Nord » rencontrer le père Noël.

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Au-dessus de Mont-Tremblant, le pilote a annoncé être à destination, ajoutant que le père Noël viendrait les rencontrer directement dans l’avion grâce à son traineau. C’est là que le père Noël est sorti de la cabine de pilotage, où il se cachait depuis le début. « J’en ai plein d’autres des histoires comme ça, mais ça ne me vient pas en tête vite de même », laisse tomber Santa Frank.

Pour l’heure, il aimerait avoir encore plus de cadeaux l’an prochain. Son seul et unique objectif demeure qu’aucun enfant des centres Batshaw ne soit oublié à Noël. Ce n’est pas encore le cas, mais on n’accusera pas Santa Frank de se tourner les pouces. « Je travaille sept jours sur sept pendant deux mois et mes seules pauses sont pour aller voir mon père au CHSLD », résume-t-il.

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La lutine/intervenante Mélanie, qui l’aide depuis 16 ans, salue le travail abattu par Santa Frank. « J’ai la chance de donner moi-même les cadeaux à mes groupes et je vois la joie dans les visages. Ils disent : “OMG, quelqu’un a pensé à moi!” Ça fait vraiment chaud au cœur de voir ça », souligne l’intervenante, qui gère des jeunes de 16 à 19 ans.

Elle raconte qu’une de ses adolescentes a écrit une lettre au père Noël pour demander d’abord un hoodie ou une carte-cadeau chez McDo. Quand l’intervenante lui a donné la permission d’espérer mieux, la jeune fille a dit qu’elle aimerait de nouvelles dents, à la blague surtout. « Elle a été négligée dans son enfance et sa dentition était épouvantable, elle en avait honte et était gênée de sourire », explique Mélanie, qui est finalement parvenue à trouver un donateur pour payer sa facture complète chez le dentiste. « Elle a pleuré, sa sœur aussi et elles dansaient dans la cuisine! », rapporte Mélanie, les yeux pétillants.

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En quittant l’atelier de Santa Frank, j’ai recommencé à croire au père Noël.

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