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Sang, soleil et liberté : la nouvelle vie de Jade Masson-Wong
Vous en avez souvent rêvé. Tout sacrer là et partir vous refaire une vie moins compliquée. Le plus loin possible d’où vous vivez et préférablement là où il fait moins brutalement froid l’hiver. Moi-même, ça m’arrive. En période de grand stress, je dis souvent à ma blonde : « Si ça marche plus, on déménage en Thaïlande avec le chien et on ouvre une shop à sandwich au bord de la plage. »
Ce rêve d’une vie meilleure qui nous attend au tournant de notre prochaine décision, c’est un fantôme qui nous hante un peu tous et toutes.
Depuis quelques mois, ce fantôme ne hante plus Jade Masson-Wong. La combattante en arts martiaux mixtes a mis sa vie dans une roulotte en direction de la Floride en novembre dernier et vit sa meilleure vie sous le soleil depuis. À travers ses réseaux sociaux, elle documente sa nouvelle réalité où l’entraînement, les balades à moto et les séances photos de mode s’enchaînent.
«Il y a quelque chose de spécial dans ce sport. C’est tellement intense et tout va tellement vite.»
J’en suis à la fois jaloux et bizarrement fier. Quelqu’un qui vient d’un milieu que je connais bien a décidé de tourner le dos aux petits chèques de paye, aux soirées de combats annulées par la COVID et à l’austérité spartiate d’un mode de vie trop rarement gratifiant pour aller vivre comme un personnage de films. Y’a quelque chose d’inspirant là-dedans, non?
Ah oui! Détail important : Jade a quitté pour la Floride avec un objectif précis en tête, se dédier à sa nouvelle carrière de boxeuse à mains nues avec l’organisation Bare Knuckle Fighting Championship. Oui, oui! C’est un sport qui existe pour vrai.
« J’aime vraiment ça », me dit-elle via Zoom en direct de sa roulotte floridienne. Malgré sa défaite par arrêt de l’arbitre face à l’Américaine Christine Vicens le 19 février dernier, la jeune femme originaire de Québec garde la bonne humeur et surtout la flamme pour son sport. « Il y a quelque chose de spécial dans ce sport. C’est tellement intense et tout va tellement vite. D’habitude, après un combat en arts martiaux mixtes, on a mal au visage pendant deux semaines. Là, j’ai mal au visage ET aux mains. »
Le bonheur au gré du chemin
Le changement de vie de Jade Masson-Wong n’était pas exactement une décision pandémique. Elle y était prête depuis plusieurs mois déjà, voire plusieurs années. « Si je suis partie en novembre, c’est juste parce que j’attendais que les frontières rouvrent, explique-t-elle. Tout était prêt de mon côté. Je m’étais occupée de ma maison à Québec. J’ai réservé mon terrain de camping pour trois mois dès que j’ai su la date de réouverture. »
Bien sûr, les circonstances ont facilité sa décision. Auparavant en couple avec un autre combattant d’arts martiaux mixtes, Jade m’explique que ce changement de vie était déjà dans l’air, mais qu’il y avait toujours quelque chose à court terme pour empêcher la planification d’une telle aventure : un combat, un engagement professionnel quelconque ou un autre événement fortuit. Mais lorsque les opportunités en arts martiaux mixtes comme dans son milieu professionnel (elle est perceuse corporelle depuis plusieurs années) se sont envolées en fumée, elle s’est lancée dans ce projet au lieu de déprimer.
C’est d’ailleurs un aspect très important de son parcours personnel : sa capacité à contourner les obstacles et à trouver le bonheur en chemin.
Jade Masson-Wong est une jeune femme pour qui l’adversité ne représente qu’un détour vers de nouvelles opportunités.
« J’ai fait quelques écoles quand j’étais jeune. J’avais des petits problèmes avec l’autorité », raconte Jade en riant. Malgré un présent semé d’embûches, elle a toujours regardé vers l’avant. « Au départ, mon plan était d’être technicienne médicale dans l’armée, mentionne-t-elle. J’ai toujours aimé ça, le sang et les affaires dégueulasses. J’ai fait une session en soins infirmiers avant de commencer une technique ambulancière, mais l’armée m’a refusée parce que j’avais un tatouage dans le cou. Fait que ça a pas marché. »
Devant cet obstacle, Jade est retournée à l’école pour devenir peintre en bâtiment. C’est aussi à cette époque qu’elle a complété sa formation de perceuse corporelle et que le kickboxing et les arts martiaux mixtes sont apparus dans sa vie. « J’ai toujours été sportive, depuis que je suis petite, dit-elle. Soccer, plongeon, etc., j’ai tout fait. Au début, le kickboxing, c’était pour garder la forme. Après mon premier combat, je savais que je voulais devenir professionnelle et que j’avais les outils pour le faire. »
Au fil de notre conversation, un portrait commence à se dessiner. Jade Masson-Wong est une jeune femme pour qui l’adversité ne représente qu’un détour vers de nouvelles opportunités.
Là où l’herbe est plus verte
« L’an passé, je suis partie au Mexique avec mon amie Leïla Beaudoin et son entraîneur Carl Poirier pour nous entraîner en boxe. Carl est un grand voyageur et c’est vraiment en parler avec lui qui m’a donné l’élan dont j’avais besoin pour me lancer », raconte Jade.
«Il n’y a rien qui va se passer tant que vous attendez, et lorsque vous vous mettrez à travailler sur vos rêves, il n’y a rien qui va se passer comme vous l’imaginiez. Arrêtez d’attendre. Commencez à vivre maintenant.»
La vie en Floride remplit ses promesses jusqu’à maintenant pour Jade, qui laisse libre cours à ses passions pour l’entraînement et la moto, mais aussi aux opportunités que la vie sème sur son chemin. « Quand je suis arrivée, je n’avais pas vraiment de connaissances dans le milieu, dit-elle. Pas de gym où m’entraîner non plus, mais c’est tellement plus facile ici. Il y a tellement de monde d’horizons différents. Ça ne m’a pas pris de temps avant de m’y sentir chez moi. »Bien que Jade ne puisse pas encore travailler comme perceuse corporelle pour des raisons de visa, elle s’est assurée d’avoir un revenu et de ne pas dépendre de ses bourses de combattante. Bare Knuckle Fighting Championship l’a également mise en contact avec une avocate pour l’obtention d’un permis de travail. Elle devra être de retour au Québec d’ici mai afin de ne pas perdre son droit à l’assurance-maladie, mais elle ne sait pas encore si elle reviendra s’y poser pour de bon.
« J’aime vraiment pas les hivers », me confie Jade avant d’éclater de rire à nouveau.
Avant de clore notre conversation, je lui demande si elle a quelque chose à dire aux jeunes femmes qui rêvent d’une nouvelle vie. « Attendez pas, lance-t-elle. Il n’y a rien qui va se passer tant que vous attendez, et lorsque vous vous mettrez à travailler sur vos rêves, il n’y a rien qui va se passer comme vous l’imaginiez. Arrêtez d’attendre. Commencez à vivre maintenant. »
Peu de gens auront le courage de faire ce que Jade a fait. Arrêter de vivre sa vie en fonction de ce qui pourrait aller mal pour commencer à la vivre en fonction de ce qui pourrait aller mieux. Surtout, en fonction de ce qu’on veut vraiment. La vie que Jade vit présentement n’est qu’un rêve pour le commun des mortels, mais elle est la preuve vivante que c’est possible de vivre ce rêve de manière responsable et organisée si on est prêt.e à sacrifier un peu notre confort.
C’est pour ça que je suis un peu envieux, mais pas exactement jaloux. Ce que Jade vit, c’est important pour elle, mais c’est aussi important pour les autres. Elle est la preuve que c’est possible de vivre votre vie. La vie à laquelle vous rêvez chaque soir.