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Sale printemps pour Corona

Laver son nom sans trop faire mousser le produit : un drôle d’exemple de gestion de crise.

Par
Olivier Bruel
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En ces temps pandémiques, il ne fait pas bon s’appeler Corona. Les gens font des liens tellement vite, et tellement mal.

La bière Corona célèbrera cette année ses 95 ans. Pour des raisons évidentes, la fiesta risque d’être un peu amère. Si la tendance se maintient, on se reprendra pour le centenaire.

Première bière en volume au Mexique et quatrième dans le monde (bravo!), cette lager exotique se taille rarement une place dans les palmarès biérologiques. Les mauvaises langues – et les bonnes papilles – ne se gêneront pas pour dire que «si t’as besoin d’une tranche de lime pour y trouver du goût, t’es mieux de boire autre chose». Ce qui fait le succès de ce produit sous nos cieux nordiques, c’est plutôt l’effet «madeleine de Proust» : il nous rappelle les vacances, le Mexique, la Bamba, le soleil, la siesta, l’éloignement de notre patron.

CORONA signifie «couronne» en espagnol, ainsi qu’en latin et en italien. […] Côté étymologie, on ne peut pas faire plus simple.

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CORONA signifie «couronne» en espagnol, ainsi qu’en latin et en italien. En russe, en polonais, en finnois, en hongrois et en allemand, c’est «korona», et en portugais «coroa». Côté étymologie, on ne peut pas faire plus simple.

Et c’est aussi du latin que le maudit coronavirus tient son nom : virus en forme de couronne. Voilà pour la coïncidence.

En passant, Corona n’est pas la première marque à souffrir d’une homonymie douteuse. Parlez-en aux bonbons coupe-faim AYDS, qui avaient un bel avenir… jusqu’à l’irruption du SIDA (AIDS, en anglais), au début des années 1980.

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En février, la firme de relations publiques 5WPR a sondé 737 buveurs de bière américains. Pas moins de 38% d’entre eux déclaraient refuser d’acheter de la Corona pour des raisons de sécurité, et 16% ne savaient pas trop s’il existait un lien entre Corona et coronavirus. Détail croustillant : 14% d’entre eux renonceraient à commander une Corona en public! Quand on parle de réputation…

Dans son émission The Tonight Show, le fantaisiste Jimmy Fallon a conclu dans un monologue que «les 62% [qui ne lient pas la bière mexicaine au virus] se disent qu’il faut prendre ça relax et que c’est à ça que sert la lime : ça stérilise la bière».

Selon Google Trends, les recherches «beer virus» et «corona beer virus» connaissent un pic vertigineux entre le 26 janvier et le 1er février. «Il va de soi que la bière Corona a souffert du coronavirus», concède le PDG de 5WPR.

«La recherche de termes comme “corona virus beer” est composée de gens qui ne comprennent vraiment pas ce qui se passe et d’une bonne proportion d’internautes qui veulent trouver ou créer des mèmes».

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Le 28 février, le magazine AdWeek pointe l’ironie du système : juste après que les médias généralistes ont mentionné cet afflux de recherches, un nouveau sommet est atteint! C’est donc de l’ordre de la prophétie autoréalisatrice. Kellan Terry, de Brandwatch, explique que «la recherche de termes comme “corona virus beer” est faite par des gens qui ne comprennent vraiment pas ce qui se passe, mais aussi par une bonne proportion d’internautes qui veulent trouver ou créer des mèmes».

Et des mèmes, il y en a.

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Dans le même élan, le hashtag #CoronaBeerVirus devient viral (lol) et atteint un million et demi d’occurrences, souvent accompagné d’un émoji hilare qui semble indiquer que le public comprend le second degré de la situation.

Il faut dire que nos voisins du Sud ont rapidement adopté le mot «corona» pour parler du virus, ce qui alimente la confusion.

Les ventes de Corona ont-elles baissé? La logique voudrait que oui, mais la réponse varie selon les sources.

Mais assez rigolé. Les ventes de Corona ont-elles baissé? La logique voudrait que oui, mais la réponse varie selon les sources.

Et quelle stratégie le service de marketing de la marque a-t-il adoptée?

Le silence.

Selon l’analyse de FastCompany, cette attitude qui pourrait ressembler à de l’inaptitude serait en fait la meilleure stratégie. Étant donné que Corona n’a jamais eu une voix distincte sur les médias sociaux, cette non-réponse est «naturelle» et évite d’avoir à inventer une identité virtuelle au beau milieu de la crise.

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Le PDG de Constellation Brands – qui détient Corona – s’est finalement fendu de ce communiqué laconique : «Ces données ne reflètent simplement pas les performances de notre marque ni les sentiments des consommateurs, y compris ceux de nos distributeurs et détaillants de partout au pays». En langage familier : calmez-vous la piñata.

Les chiffres de ventes produits par Constellation montrent même une augmentation de 5% dans la période de quatre semaines se terminant le 16 février. On semble loin de la catastrophe annoncée.

Le seul faux pas dans cette gestion de la crise, selon PR Week, c’est le lancement en début d’année d’un nouveau produit : la Corona Hard Seltzer. Le visuel de la campagne présente quatre canettes sur une plage, avec comme slogan : «Coming ashore soon». On débarque bientôt chez vous.

En début de quarantaine.

Mauvais timing, Gringo.

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