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Combien ça gagne une costumière?
Lorsqu’on pense aux films mémorables de 2019, selon moi, un point commun ressort du lot : les costumes.
Que ce soit la chemise hawaïenne jaune de Brad Pitt dans Once Upon a Time… in Hollywood ou encore le costard marron du Joker, les costumes font partie intégrante du 7e art. Bien qu’ils soient souvent réduits à de simples « accessoires », les costumes contribuent à définir et renforcer l’identité de nos personnages préférés.
Étant moi-même fanatique de culture pop (et de ses collectables!), j’ai toujours été fasciné par les habits de mes héros du grand et du petit écran. À un tel point que j’ai même songé à me lancer dans la profession! À défaut de travailler dans le domaine aujourd’hui, j’ai rencontré une amie qui en fait maintenant son gagne-pain.
Rencontre avec Iris, costumière de métier.
« Tu devrais devenir costumière, tu ferais plein de cash! »
« En étudiant le cinéma au cégep, je m’enlignais vers la réalisation, mais j’ai plutôt choisi d’aller en stratégies de production à l’université. Le milieu du cinéma m’attirait, mais ça me paraissait très hermétique et je ne savais pas trop comment j’allais faire ma place. »
Plus jeune, sa mère avait une boutique de vêtements. Cette introduction précoce au monde des vêtements et de ses matériaux n’aura pas été anodine. Vous l’aurez deviné.
« Je n’ai jamais eu l’intention de faire des costumes avant de commencer à en faire. »
Après l’université Iris est partie habiter un an à Paris pour faire plusieurs jobs « médiocres » en commerce de détail plus ou moins haut de gamme. Malgré le caractère plutôt décevant de ces expériences, elles auront malgré tout eu un impact positif dans la carrière de la costumière. Iris aura appris à coudre et à tricoter lors de cette excursion parisienne. Des skills essentiels pour pratiquer son métier!
Son retour à Montréal lui a permis de tisser des liens (no pun intended) et trouver sa voie professionnelle.
« À mon retour, alors que je travaillais en agence, j’ai rencontré une créatrice de costumes et en discutant de vêtements elle m’a dit : “Tu devrais devenir costumière, tu ferais plein de cash.” Je sais pas pourquoi elle a dit ça parce que c’est pas tellement vrai! Le lendemain, elle m’a emmenée sur un plateau de tournage d’une pub de char, tout ce qu’il y a de moins excitant, mais j’ai aimé l’aider et à partir de ce moment-là j’avais un nouveau but. »
Pendant presque deux ans, elle a graduellement migré vers l’assistanat de costumiers et de costumières pour finalement devenir habilleuse à temps plein. Elle a même eu la chance d’habiller les BB!
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Soldate, mais sans l’uniforme
La costumière est la personne qui est engagée par la production (théâtre, film, TV, cirque, danse, publicité, etc.) pour exécuter la vision artistique du réalisateur, du metteur en scène ou du chorégraphe. Elle forme une équipe dont la taille varie selon le projet.
À titre d’exemple, pour une production comprenant un tournage, l’équipe costume n’a que quelques semaines pour lire le scénario, déterminer l’esthétique, acheter, louer ou dessiner puis faire fabriquer les costumes. L’équipe doit ensuite faire les essayages et les altérations, trouver les costumes pour les figurants et travailler avec les habilleurs pour la continuité et les détails techniques de chaque costume.
« Ça demande énormément d’heures de travail, d’organisation et de rigueur. Les gens qui ne connaissent pas bien notre département sont souvent étonnés de la quantité de travail que ça représente. On compare souvent le cinéma à l’armée. Chacun doit connaître sa place et exécuter ses tâches de façon diligente. On a droit à l’erreur, mais jusqu’à un certain point », dit-elle.
« On travaille avec des comédiens et des gens créatifs, certains adorables et d’autres qui ont un ego surdimensionné ou des insécurités qu’ils essaient de projeter sur nous, c’est donc important de savoir prendre une saine distance par rapport à un environnement de travail parfois toxique. »
Des semaines de 90 heures
En plus de l’insécurité financière, la personne qui voudra se lancer dans le milieu doit s’attendre à faire de longues heures.
« Ça varie énormément selon le poste et le projet, mais je dirais entre 50 et 90 heures par semaine pour un projet à temps plein. Et on tombe en overtime après huit heures. Quand on est payés à l’heure, sur le plateau, on peut se retrouver à temps double ou à temps triple, si on fait des journées de plus de 16 heures. On a aussi droit à toutes sortes d’indemnités si on n’a pas assez d’heures de repos entre notre heure de fin et notre heure de début le lendemain, par exemple. Quand on travaille en atelier, on est payés à forfait quotidien et c’est donc plus compliqué de faire payer notre temps supplémentaire. »
Malheureusement, le côté cheap peut finir par ressortir chez certains producteurs, qui peuvent ainsi tourner les coins ronds en ce qui a trait aux conditions de travail pour sauver de l’argent.
« Certaines personnes finissent par travailler gratuitement pendant plusieurs heures afin de pouvoir fournir les costumes à temps. »
« Certains savent qu’on n’a pas assez de temps pour effectuer toutes nos tâches, mais ils refusent de payer des heures supplémentaires. Ce qui fait que certaines personnes finissent par travailler gratuitement pendant plusieurs heures afin de pouvoir fournir les costumes à temps », explique Iris.
« C’est un problème dans notre département, mais aussi dans celui des décors et pour les directeurs de lieux de tournage, qui travaillent en dehors du plateau et donc à l’abri des regards. C’est une habitude qu’on essaie d’éradiquer parce que c’est tout à fait illégal et que ça mine la qualité de vie des travailleurs. »
Un salaire bipolaire
« Le salaire varie énormément, comme il dépend du nombre de contrats qu’une personne peut avoir dans une année et surtout de la taille de ces contrats. Certains contrats sont payés à la pièce, d’autres à la journée et d’autres à l’heure. On peut dire que le salaire horaire tous postes confondus varie de 20$ de l’heure pour des postes non syndiqués sur des productions petit budget, à 40$ de l’heure pour des productions à plus gros budget », affirme-t-elle.
« Montréal est loin derrière d’autres villes canadiennes et encore plus loin de villes comme New York ou Los Angeles, vis-à-vis des salaires des techniciens de cinéma. C’est en partie pour ça que les Américains viennent tourner ici. On est du “cheap labor”. »
Le silver lining du métier
Outre les conditions qui frisent parfois le ridicule, ce domaine créatif peut mener à de belles rencontres.
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« Le dernier film sur lequel j’ai travaillé, j’étais habilleuse personnelle de Sigourney Weaver. On tournait en Nouvelle-Écosse et j’avais décidé de prendre un cours de tissage pendant un jour de congé. Après des semaines à travailler ensemble on avait développé une relation, comme Sigourney est absolument adorable. Elle et son mari ont décidé de venir me visiter pendant mon cours et elle m’a demandé de lui montrer à tisser alors je lui ai montré. Quand je vis ce genre de moment, que je crée des liens avec des gens dont j’admire le travail, que ce soit des comédiens ou d’autres techniciens, je me trouve chanceuse de faire ce métier. »
En 15 ans d’amitié, Iris m’a appris qu’il est important de prendre des chances et de faire confiance à la vie. Je ne l’ai pas toujours écoutée, mais disons que je pense toujours à elle lorsque vient le temps de faire un choix professionnel. Grâce à elle, j’ai eu des contrats d’illustrations incroyables comme l’affiche du film Les scènes fortuites. Merci Iris!
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