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La bonne nouvelle avec le Maclean’s, c’est qu’un abonnement annuel coûte moins cher à terme qu’une année complète d’approvisionnement en papier hygiénique à 100% fait de fibres recyclées. Et en plus, ça évite les intermédiaires de transformation!Il n’y a pas à dire: j’ai vraiment une conscience écolo exemplaire!
Ah! Le magazine Maclean’s… Fleuron des ardents Quebec Bashers; organe médiatique par excellence pour illustrer le gouffre d’incompréhension qui sépare le Qu ébec du ROC. Incarnation papier de la mauvaise foi canadienne anglaise en regard du Québec (là où il y en a, certes). Rien de moins.
Hier, la nouvelle une de l’édition du 4 juin du magazine Maclean’s m’a fait faire un petit vomi. Vous l’avez sûrement vu passer :
Au début, j’ai cru à un canular. Comment peut-on en toute conscience présenter une page couverture aussi dégoulinante de démagogie méprisante que celle-ci? Je me le demande. Franchement.
Si on s’y fie, les étudiants québécois auraient, dans leur ire, retourné la province sans-dessus-dessous uniquement pour garder jalousement dans leurs poches les 325$ qu’on veut leur soutirer.
Bon, j’avoue que plusieurs personnes pensent précisément cela, même par chez nous. Mais avouons que cette représentation du conflit étudiant est radicalement tronquée.
Et la beauté du tintamarre de la loi 78? Et la crise sociale? Et la
solidarité? Et ces centaines de milliers de manifestants pacifiques? Et la créativité? Et l’élévation du débat? Il y en a TELLEMENT à dire! Le Monde, The Guardian, Libération, The New York Times, Al Jazeera et bien d’autres auront eu une couverture plus étoffée de la crise qui nous secoue.
Halte-là, la mauvaise foi! Pitié!
Hier, une amie me faisait remarquer, fort à-propos: «C’est le genre de titrage qui me fait honte de vouloir devenir journaliste». Je suis à peu près d’accord.
Pour Maclean’s, il semblerait qu’une couverture choc, trois feuillets de Martin Patriquin (correspondant du Maclean’s à Montréal) et un texte d’opinion de Paul Wells soient suffisants pour couvrir ce débat.
Les faits présentés sont relativement exacts, soit. Mais les connotations sont honteuses. À en croire le journaliste, les étudiants québécois défilent chaque soir dans les rues de Montréal comme une vague nazie et chaotique [« denunciations of Premier Jean Charest and cheeky Nazi salutes are de rigueur… »].
On y présente également les manifestants comme une masse systématiquement violente que la police peine à contrôler – malgré toute sa bonne foi bienveillante. [« When violence happens, and it often does, police often have little choice but to tolerate it… »] Et dans la foulée, les étudiants seraient en train de faire sombrer la glorieuse industrie touristique montréalaise…
À pleurer.
Aussi, il s’agit d’une couverture bien mince par rapport à ce que la une laissait présager. J’veux dire : si on décide d’aborder le conflit
étudiant, la crise a pris trop d’ampleur pour qu’on le fasse aussi
légèrement et selon un point de vue aussi univoque et méprisant.
Vouloir provoquer un débat, c’est une chose. Le faire selon des prémisses aussi faibles et réductrices? Please no!
Il s’agit de faire jaser pour écoeurer, réduire et mieux diviser. Rien de plus, au fond.
En 2010, on se souvient (on est bons là-dedans, au Québec, se souvenir. En tous cas on essaie très fort), déjà le Maclean’s nous présentait le Bonhomme carnaval se baladant l’air niais avec une valise plein de fric. On nous annonçait alors que le Québec était la province canadienne la plus corrompue; une honte pour la glorieuse confédération canadienne et ses valeurs de centre-de-table-fleuri, j’imagine.
Quoi qu’à bien y penser, ils n’avaient pas tout à fait tort sur celle-là, nos amis de chez Maclean’s. Si je pouvais apposer des effets sonores de fond à mes articles, j’insérerais ici un «Yoooooooooooooouhouuuuuuuuuuuuuuu…. Chaaaaaaaaaaaaaaarest…… » qui dit tout.
Ouais, c’est un slogan de ces sales manifestants qui ont pris la province en otage comme des petits cons ingrats perturbant l’ordre public à loisir pour une poignée de bruns. Ceux qu’on nous dépeint sur la une du prochain Maclean’s, finalement. Drette eux!
Bref, le message était clair il y a un an et demi: ces vilains moutons noirs québécois; s’il faut qu’ils soient corrompus en plus! La lie de l’humanité, ou pas loin! Vraiment. Jésus! Et maintenant, ils le prouvent à nouveau avec leurs étudiants échaudés.
«Crissez-nous donc de’wors, voér?» aurais-je envie de répliquer…
Quoiqu’il en soit, on jase là, mais je refuse de me braquer avec véhémence et hargne devant cette page frontispice arrogante et mensongère. C’eût été lui accorder trop d’importance. Je refuse la controverse en riant malicieusement. Même si j’ai, encore une fois, un couteau dans le coeur et les pieds dans la porte. You know what I mean…
Autrement dit, la une du Maclean’s, non seulement je m’en torche, mais je m’en torche froidement.
Oh désolée, ce n’est pas très lady. C’est parce que je suis une sale étudiante, sans doute.
Photo: Dragan Markovic