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Dernièrement, j’ai vu passer, sur Facebook, une citation qui disait “Be happy and smile. It’s a choice!”/”Sois heureux et souris. C’est un choix!”
Sourire, c’est contracter volontairement les muscles de son visage.
Je seconde, c’est un choix.
Mais “être heureux”? Un choix?
Vraiment?
On peut faire le choix de gambader son existence, le sourire scotché au visage, en criant “MERCI LA VIE!!!”. Est-ce que ça semblera heureux? Sans doute. Est-ce que ce sera authentique? [bruits de criquets].
C’est vrai, il y a des gens qui se sentent psychologiquement et émotivement très stables. Qui vivent leur vie les cheveux dans le vent, dans une agréable et plutôt calme ride de monorail. N’empêche, certains peuvent aussi s’emmêler la coiffe en vivant de cycliques descentes et remontées de Goliath. Ça dépend de tout plein de facteurs socio-bio-psycho-environnementaux-ajoute-s-en-s’il-le-faut. Ça varie de personne en personne, ce n’est pas honteux, ce n’est pas imparfait et ce n’est pas par manque de volonté : c’est humain!
Nuançons, donc : être heureux, ce n’est pas un choix. Par contre, tendre vers son bonheur, c’en est un. “Tendre vers”, “prendre les moyens pour augmenter sa satisfaction dans sa vie”… Ça, oui!
J’en parle aujourd’hui parce qu’il y a encore des fausses croyances en matière de santé mentale qui nous font la vie dure. Ça peut être difficile d’y être confronté quand on vit avec une détresse émotionnelle, mais aussi quand on partage la vie de quelqu’un qui en souffre.
En toute sériosité, sortons la statistique : au Québec près d’une personne sur cinq sera touchée par un trouble de santé mentale au cours de sa vie, particulièrement par la dépression ou par un trouble anxieux.
Il est donc fort possible qu’au sein de notre épopée conjugale, l’autre ait éventuellement besoin qu’on lui tienne la main quand il aura à traverser le désert.
Si chéri s’ouvrait le genou, on serait probablement le premier à courir pour aller chercher le désinfectant et à panser la p’tite blessure.
Mais une détresse psychologique, c’est ben maudit : il n’existe pas de trousse de premiers soins émotionnelle et ça ne se règle pas non plus à grands coups de becquer bobo.
Si on avait l’habitude que notre couple roule style roadtrip harmonieux sur chemin d’asphalte fraîchement refait, il est possible qu’on se sente déstabilisé en voyant l’autre perdre de la vitesse, s’activer les quatre flashers et se ranger sur la voie d’accotement.
C’est souvent là que le lot de questionnements survient :
Est-ce que j’ai un rôle à jouer dans le déclenchement de la crise?
Qu’est-ce que je peux faire, donc?!
Combien de temps ça va durer?
Est-ce que ça va aller mieux? Je pensais que ça s’améliorait, mais oh… rechute! Ah mais ça va mieux, non? Finalement pas tant… Oh… Iiiii…. Oh..!
D’une part, il y a le rationnel. Celui qui nous fait dire “je comprends que mon/ma partenaire vive des difficultés. Je comprends que ça ne roule plus comme avant. Je vais être patient! Compréhensif! On va passer à travers!” Mais d’autre part, il y a aussi l’émotif. Celui qui reconnaît qu’on a des besoins affectifs et qui peut crier “MAIS MOI LÀ-DEDANS!?!? JE FAIS QUOI!?!?”
Confrontons le tabou : est-ce qu’on peut se permettre de se sentir frustré par le contexte?
Oui.
Est-ce qu’on peut se sentir rejeté et souhaiter que l’autre soit là, pour nous, dans l’immédiat, alors qu’on sait très bien qu’il/elle a temporairement de la difficulté à être là pour lui/elle?
Oui.
Après tout, la chanson le dit “We all need somebody to lean on“. Ça s’applique pour notre partenaire qui rush, mais aussi pour nous qui pouvons rusher conséquemment à son rushage. Tu me suis?
On ne peut pas s’en vouloir de réclamer un peu de réciprocité dans nos relations, mais c’est vrai que temporairement, ça va demander de l’adaptation, de la patience et c’est aussi vrai que l’équilibre “donner vs recevoir” va peut-être se trouver débalancé, le temps d’aller chercher de l’aide, de se rétablir. Parce que oui, de l’aide externe, il en faut (avec tendresse, je laisse certaines références ici, ici et ici, au cas où).
Des fois, avec le gros vent qui nous souffle dans la face, on peut avoir tendance à perdre de vue le pourquoi de notre union et à oublier que ça vaut la peine d’investir des efforts pour vivre ensemble.
Je dis ça de même, mais revenir aux bases de la relation, se rappeler ce qui fait qu’on s’est mutuellement choisi, ça peut faire du bien, ça peut rassurer. Ça peut casser, mais ça peut passer. Ultimement, c’est comme le classique de notre enfance : c’est vrai que si notre union a été échafaudée sur de la paille, les chances sont fortes qu’elle parte au premier coup de vent. Mais ici, la solidité s’évalue davantage en terme de qualité de la relation qu’en terme de quantité d’années passées ensemble.
Accompagner l’autre à cheminer à travers de grandes difficultés émotionnelles, ce n’est pas nécessairement facile, mais ça peut être tendre, ça peut être doux. Encore faut-il faire attention au syndrome du sauveur.
“Donner pour donner, tout donner… C’est la seule façon d’aimer…!” = Ben non..!
Écoutons les sages paroles de Jacques Salomé, psychosociologue émérite : Dans “J’ai tout fait pour toi”, on entend aussi “j’étouffais pour toi”.
Alors si un jour t’es confronté à la détresse émotionnelle d’un proche, tu peux rester. Tu peux aider. C’est important.
Mais étouffe-toi pas.
Prends des grands respires.
Tu n’as pas à porter à bout de bras toute sa souffrance.
Ces bras-là, tu peux les ouvrir. Tu peux lui tenir la main. Tu peux tendre l’oreille. Tu peux laisser l’autre déposer sa tête sur ton épaule. Et même si ça te paraît peu, même si tu te sens impuissant, dis-toi qu’après tout, on ne tire pas sur une fleur pour qu’elle pousse. Patience…
À force de favoriser un peu de lumière à travers la pénombre, j’te le dis, la floraison peut reprendre, petit à petit.