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Mes p’tits. Ce sont des colleux. Y’aiment ça être roulés dans une doudou, se lover contre mon flanc, lever le chandail pour se poser une joue sur la peau de mon ventre. Pis attendre que rien d’autre se passe.

Des fois, y’en profitent pour se jouer dans le nez, je leur dis d’arrêter, y se mettent à rire pis je le sais que j’ai « keke chose » de collé keke part. C’t’un rire tellement sincère que j’peux pas tant me fâcher pour de vrai, gronder. J’peux souvent juste les serrer plus fort, leur faire des pets de bouche dans le cou. Qu’y rient à l’infini. Qu’avec un peu de chance, ils emmagasinent tout ça dans un repli de tête. Pour quand c’est triste. Pour quand c’est dur. Pour quand tuseuls. Beaucoup pour quand tuseuls.

Ça leur arrive. De ressentir ces choses-là-de-marde.

Notamment ce moment où faut que je les lâche, à la garderie, quand ils partent chez papa. Je le sais qu’ils ont le tuseuls au creux du ventre. Je garde longtemps au bout de l’index, dans la paume de la main, la dernière pression que je fais sur leur tête. Même quand c’est juste pour la journée. Se quitter. J’haïs ça. Sont p’tits pour connaître l’ennui. Même l’ennui ordinaire. Ça ne me rassure pas tant du tout de me dire que ça leur fait une pratique. Parce que leur vie sera meublée de ces brèches, de ces trous, occasionnés par eux, par d’autres. Nécessairement. Y’aura des absences, des deuils, des amours, des amitiés, parfois. Qui vont crisser le camp. Juste de me dire qu’y vont connaître ça, j’ai le goût de les enfermer, les isoler.

« C’est la vie ». Esti.

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On passe ben du temps à nouer des fils de soi aux autres, des bouts d’être. À se parler, partager, rire, pleurer, se tomber din bras, s’ergarder dans le fond des yeux, écouter de la musique avec un set d’écouteurs, s’embrasser a’c la langue pis toute. Il arrive aussi qu’on s’englue même, quand cette frontière avec l’autre, elle existe comme pu tant. Le quotidien se définit alors en habitudes, en réflexes d’agir et d’être. L’autre, mesure de soi. « Nous » plus que soi. Rendu là, tu le sais un peu que t’es perdu, mais tu t’en fiches. T’as l’autre comme certitude.

Sauf que t’oublies que le monde, y se charcute. Y se perd, y s’éloigne, y se rompt. Y meurt, aussi.

Pis quand ça t’arrive, y’a pas un fucking hashtag qui va te suffire pour dire. Pour nommer. Ça. Le ce-que-ça-fait. La rupture.

Mais ça s’entend. La fracture des êtres qui se déchirent. Nécessairement, y doit y avoir un son. Faut que ça en fasse, que kekun entende, sache. Le triste. Le tragique. Même si c’est surtout de quoi qui se ressent, là, sous le sternum. Dans tout le reste du corps aussi. C’est peut-être là que ça blesse le plus, en fait. Le corps. La tête cherche à comprendre, à trouver des raisons, à coller des morceaux, récupérer. Mais le corps, lui. Y se tord, y pulse, y se broie aussi des fois. Y se disloque pis y finit par juste pouvoir à terre, à juste pouvoir plancher.

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Pis là, tes sens capotent. Y cherchent. L’odeur, là juste sous l’oreille, la nuque. Veulent une voix, une main à presser. T’attends le téléphone, le point vert, le texto. Juste un allô, crisse. Naon. Tu te parles, tu y parles, mais y’a pu personne. Même dans ta tête, tu finis par entendre juste de l’échos. L’autre est ailleurs. Tu tournes sur toi-même. Le plus vite possible question de t’étourdir, d’avoir la nausée. Tu peux ben remplir le vide à coup de Cheetos, de crèmaglace, de gin tonic, de livres que tu lis pas vraiment. Tes mains ont juste besoin de tenir de quoi. Y persistent, ces matins avec du chaud en moins.

Même si des fois c’tait mieux de même. Reste que. Faire l’étoile dedans le lit n’est pas un bonheur qui dure. On finit toujours par être un petit tas de soi su un side pis à attendre la cuillère. Le corps qui te longe, te poigne. La couette frette te martèle alors le manque. Le pas-là, ton tuseul. Non-stop. Tu rampes alors un moment, larvaire de toé. Tu vas t’erfaire la vie, le narratif. Te redéfinir le sens, le soi. Jusqu’au prochain gluement. Jusqu’à la prochaine absence. Tu le vois que c’t’un peu cave. Cette souffrance appelée à se répéter. Mais « c’est la vie », esti. Pis entre les déchiquetages, y’a trop d’air, de doux, de vie, justement qui te rentrent dedans. Ça te permet d’oublier. Ça fait que tu cavernises pas, que tu te retiens pas de nouer avec le monde. Tu vis avec le risque. Et le devoir de savoir le tenir de ton plus mieux, le monde.

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Fa’que c’pour ça que les isole pas, les p’tits. À la place, on se dessine un mini cœur sué poignets. Le matin, juste avant de partir. Y savent que quand on va se quitter, m’a quand même leur tenir la pulsation. Y vont pouvoir le fla-flatter quand l’ennui va être trop fort. Penser à cet inévitable et certain moment où on finit par s’ertrouver. La joie, le parté. On se serre tellement fort que toué os du corps en shakent. Y savent ça. Que ça revient, que c’est là. Certitude.