En cas de doute, dunker sur la tête de Morrissey est toujours une option facile pour se divertir au Royaume-Uni. C’est que l’ancien chanteur du groupe légendaire The Smiths a beau avoir du talent à revendre, il est aussi un être humain exécrable. Celui qui semble avoir une passion pour annuler des spectacles s’est bel et bien pointé le bout du nez sur scène ce mois-ci à New York, l’instant d’une performance télévisée. Morrissey en a profité pour arborer un petit badge du parti For Britain.
Évidemment, les musiciens sont généralement des citoyens comme les autres qui peuvent bien appuyer qui ils veulent. Sauf qu’ici, on parle d’un parti d’extrême droite identitaire qui flirte avec des intentions dangereuses. Le chef du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), Nigel Farage, a décrit cette formation politique comme un groupe de « nazis et racistes ».
Des affiches publicitaires du dernier album de Morrissey sont régulièrement vandalisées. Le plus vieux disquaire du monde, établi à Cardiff au Pays de Galles, a même décidé de le déclarer persona non grata dans son enceinte. Plusieurs personnes n’avaient jamais entendu parler de la boutique. C’était donc un excellent coup de pub planétaire pour le disquaire.
Bref, Morrissey n’est vraiment plus l’homme charmant qu’il a déjà été.
Maintenant que cette parenthèse sur ce monsieur déchu est fermée, voici cinq autres artistes britanniques sur mon radar qui ont su se démarquer, mais pour les bonnes raisons.
Skepta ft. Nafe Smallz — Greaze Mode
Le grime est le style de l’heure au Royaume-Uni… depuis un bon bout en fait. C’est entre autres avec la pièce That’s Not Me que le rappeur Skepta a réussi à remettre le style sur la carte de son pays natal. En 2016, son album Konochiwa était partout : des palmarès jusqu’au Prix Mercury, l’équivalent britannique du Polaris. Depuis, d’autres artistes comme Stormzy et Dave marchent dans de grands pas et réussissent à engranger des succès. Avec des racines plus profondes dans le monde de la musique électronique que celui du hip-hop américain, le grime évolue très rapidement depuis ses premiers jours au tournant du millénaire.
Le temps est donc venu pour Skepta de reprendre la place qui lui revient sur le trône du grime. Ou l’a-t-il vraiment perdue? Avec ses différentes collaborations, dont celles avec Drake et ASAP Rocky, le rappeur a défriché pas mal de terrain de ce côté-ci de l’Atlantique dans les dernières années. Et dès demain, on aura l’occasion de voir le résultat avec son nouvel album Ignorance Is Bliss. Plus tôt ce mois-ci, le rappeur a fait paraître deux nouvelles chansons. D’abord sur Bullet from a Gun, Skepta raconte son ascension au sommet dans une chanson électronique colorée. Après plusieurs écoutes, c’est toutefois Greaze Mode qui retient mon attention. Produite par Skepta lui-même, la pièce montre un nouveau côté du rappeur avec un son qui se rapproche du trap américain. Si le grime parvient enfin à percer aux États-Unis, ça pourrait très bien être grâce à Greaze Mode.
Cream With a K — It Gets Me Down
J’ai découvert la musique de Cream with a K l’année dernière et depuis, c’est le grand amour. À l’époque, sa pièce Terrible Voices mélangeait une voix douce à un rock aux accents électroclash. La chanson s’était retrouvée sur plusieurs blogues et l’histoire de la jeune chanteuse britannique partie vivre au Japon m’avait séduite.
Un an plus tard, les blogues sont passés à autre chose. C’est donc directement sur la page Facebook du projet que j’ai appris l’existence de la pièce It Gets Me Down. Puis, en faisant mes recherches, j’ai réalisé qu’aucun article n’existait sur ce nouveau morceau. Qu’à cela ne tienne : même si sa campagne de promotion est visiblement déficiente, Lee Tatlock montre qu’elle a aussi un talent pour la ballade rock vaporeuse. Si bien qu’on se demande ce qu’attend le reste de la presse musicale pour sauter sur ce bijou. Mais d’ici là, faisons de Cream With a K notre petit secret bien à nous, c’est bon?
Porridge Radio – Don’t Ask Me Twice
Difficile de trouver un ovni musical aussi fascinant que ce groupe de Brighton. Sur Don’t Ask Me Twice, la troupe passe par un rythme de batterie aussi dansant qu’excentrique pour se balancer d’un mur à l’autre. Tantôt, la pièce présente un côté alternatif menaçant, puis on se transporte dans un refrain rêveur tout droit sorti d’une ballade space rock. Ensuite, sans crier gare, on tombe dans un numéro de noise-rock franchement inquiétant. La chanson se remet difficilement de ce virage et continue de saupoudrer de la hargne un peu partout jusqu’à sa conclusion. Bref, une chanson tellement casse-cou qu’elle s’est probablement déjà inscrite aux X-Games.
Porridge Radio existe apparemment depuis quelques années déjà. Mais si Don’t Ask Me Twice me sert finalement d’introduction à la formation, je sens qu’il me faudra encore un peu de temps avant de me sentir prête à attaquer le reste de leur discographie. Un peu de temps et un bon casque aussi, je crois.
Kelly Lee Owens — Let It Go
Productrice émérite, Kelly Lee Owens joue dans un mélange de musique électronique et transcendante. Son premier album Kelly Lee Owens avait été chaudement accueilli par la critique et les radios étudiantes. Sa nouvelle pièce Let It Go semble toutefois laisser présager que le meilleur est encore à venir pour la Londonienne.
Pour le meilleur ou pour le pire, Let It Go n’est pas une reprise d’un succès de film pour enfant. Le titre sert plutôt de mantra, que la productrice dépose délicatement d’un chuchotement sur la chanson. Autrement, la pièce navigue entre techno et krautrock, avec toujours ce filet de voix qui semble juste un peu trop loin en arrière-plan. Un véritable hymne aux clubs trop sombres et avec trop de boucane où l’inconnu est notre seul guide.
Harlea — 99
Le magazine britannique The Line of Best Fit compare la pièce 99 au travail de Lana Del Rey. Il est vrai qu’Harlea a un sens de la mélodie qui rappelle celui de la diva pop. Mais la Londonienne semble avoir quelques armes de plus de cachées sous sa manche. 99 est un tour de force pop bâti sur des couplets trempés dans la réverbération et un refrain plus grand que nature.
Le résultat est vaguement plus dansant que la chanson moyenne de miss Del Rey, quoiqu’il ne perd rien de son côté langoureux. Le genre de pièce qui s’écoute parfaitement sur la route ou en toute fin de soirée. Reste que depuis quelques années, la chanteuse britannique fait l’aller-retour de plus en plus souvent entre son Londres natal et Los Angeles. Si Lana Del Rey continue de s’amuser sur la West Coast, peut-être aurons-nous droit à une collaboration?
Toutes ces pièces, ainsi que des nouveautés d’Idles, slowthai et Oscar Scheller avec PAWWS, vous attendent dans cette liste de lecture.