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Roux de partout?

On se questionne sur cette question indiscrète trop souvent poser aux roux, mais surtout aux rousses.

Par
Pascal Henrard
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Ce reportage est tiré du magazine URBANIA spécial roux, paru en 2013.

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« Est-ce que tu es roux de partout? » est sans doute la question que les roux, mais surtout les rousses, se font le plus souvent poser. On s’est questionné sur le sens de cette intrusion dans l’intimité des roux.

Tous les roux sont dans la nature

Le secret des vraies rousses et la nature des vrais roux se cachent-ils dans la culotte? Cela ne s’applique-t-il pas aussi aux fausses blondes ou aux vraies brunes? Pourquoi les roux sont-ils les seuls à se faire systématiquement demander si ce qui se trouve sur leur tête se décline aussi entre les jambes ?

Je suis donc parti à la rencontre de celles et ceux que je croyais roux. J’en ai interrogé deux douzaines. Des hommes comme des femmes. Des vrais comme des teints. Des jeunes comme des moins jeunes. Des poilus comme des chauves.

Ils me l’ont tous confirmé, la question est commune, clichée, banale, quasiment obscène, répétitive, insignifiante.

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C’est à l’adolescence, quand poussent les premiers poils, que la question commence à se faire entendre. Au début, elle est bien entendu gênante, un peu agressante, parfois à la limite de l’intimidation. À l’âge trouble où l’on découvre son corps qui change, les commentaires en bas de la ceinture créent un malaise. Imaginez, quelqu’un est en train de penser à la couleur de vos poils… Il voudrait peut- être les voir ?

Les roux commencent donc à se créer une carapace à la puberté. Ceux que j’ai rencontrés ne laissent pas le premier quidam connaître leur jardin secret et réagissent à cette intrusion parfois avec humour, souvent avec lassitude. Certains regardent leur interlocuteur dans le blanc des yeux, avec un sourire en coin et les laissant sur leur faim, d’autres ont une réponse toute faite :

« Quelle couleur tu penses que c’est ? »

« Ils sont blond vénitien »

« Ils sont roux, mais tu ne les verras pas »

« Et toi, ils sont comment ? »…

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Et puis il y a ceux, mais surtout celles qui ne veulent pas répondre.

Un poil d’imagination

À part la rousse qui s’est fait demander une fois si « le tapis était assorti aux rideaux », le manque d’imagination des curieux est consternant.

Au lieu de la triviale question, ils pourraient pourtant en profiter pour être poétique (« Est-ce que le feu qui brille dans tes cheveux brûle aussi dans ton gazon ? »), faire preuve de rationalisme (« Le pigment de ta chevelure s’étend certainement à l’ensemble de ta pilosité »), s’inspirer de Lafontaine (« Si ta toison ressemble à ton chignon, tu es le phénix des hôtes de cette soirée »), se la jouer grand explorateur (« J’ai franchi des savanes, défriché des jungles sauvages, traversé des déserts asséchés, il ne me manque plus que de découvrir la couleur de ton maquis »), prendre une tangente biblique (« De quel feu se chauffe ton buisson ardent ? »), se prendre pour Jean Airoldi (« J’espère que le bas est coordonné avec le haut »).

En général, les roux trouvent plutôt flatteur qu’une fille leur parle de leurs poils.

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C’est souvent un premier pas, la prémisse d’une découverte plus intime. Pour les rousses, le sujet est plus délicat. Il y a celles qui n’hésitent pas à répondre et qui en ont long à raconter sur le duvet, celles qui sont pour la coupe à blanc et qui n’ont plus rien à montrer, celles qui entretiennent le mystère, celles qui m’avouent, si je promets de ne pas le répéter, qu’elles n’ont jamais été rousses nulle part, celles enfin qui s’étouffent de rire quand je leur dis que j’écris sérieusement un texte sur le sujet. En allant au-delà des apparences et en m’intéressant à ce qui se cache dans les caleçons et les petites culottes, je pensais lever le voile sur un thème croustillant.

Le poil roux est la quintessence de la différence. Il ne ment pas. Il révèle aux privilégiés la couleur de la vérité. S’il alimente les fantasmes et attise la curiosité des indiscrets, c’est parce qu’il est, comme tout ce qui est rare, remarquable et séduisant.

Et honnêtement, je crois que c’était moi le plus gêné d’en parler.