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Rosemère

Par
Caroline Arbour
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C’est une flore luxuriante qui abrite une faune des plus hétéroclites : des familles, des bourgeois, des douches, des granos, des vieux, des jeunes, des anglos, des francos et même une population impressionnante de huards et outardes apprivoisés. C’est, selon moi, la seule banlieue où il fait bon vivre.

1. Les jardins secrets
Connue pour sa verdure, ses arbres matures, ses parcs et ses jardins, Rosemère se délecte de son titre de « Ville champêtre ». Et si on regarde un peu derrière les branches, on peut y découvrir un paquet de secrets. De nombreuses pages de journaux intimes ont été noircies par des fillettes, cachées dans les buissons de la presqu’île, au bout de la rue Isidore-Marcotte. À la tombée de la nuit, celles devenues adolescentes y ont entraîné leur amoureux pour y découvrir leurs corps ou la douceur d’un premier baiser. Le stationnement du parc Charbonneau a aussi souvent été l’endroit de choix d’une jeunesse qui n’a rien d’autre à faire que de frencher toute la soirée.

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Si les arbres parlaient, ils nous diraient qu’ils ont vu de jeunes amoureux passer la nuit dans le parc Rosenbloom, au bout de la rue des Prés, qu’ils en ont vu d’autres, plus dévergondés, les culottes baissées sur les verdures privées du chic Club de golf de Rosemère. À l’ouest du boulevard Labelle, ce sont les marécages de l’ancien Manoir Bleury qui ont entendu le plus de soupirs et vu le plus de caresses. Enterrés par le chant des ouaouarons, d’innombrables murmures amoureux s’y sont noyés. Tant de façons de rendre honneur à la nature florissante de cette ville qui gagne sans cesse des prix provinciaux, nationaux, et même internationaux de fleurs et jardins. Et bien que la ville organise chaque année la visite des « jardins secrets » de ses citoyens jardiniers, les meilleurs secrets, les vrais, resteront à jamais bien gardés.

2. Se perdre dans Rosemère

Quiconque se rend à Rosemère pour la première fois (ou même la dixième) se perdra s’il quitte l’un de ses deux principaux axes (le boulevard Labelle et le chemin de la Grande-Côte) pour la sinuosité de ses rues résidentielles. On s’imagine souvent la banlieue comme une longue série de maisons trop grandes, toutes semblables et toutes dégarnies d’arbres matures. Ce n’est pas le cas à Rosemère. Chaque fois que la ville devait faire construire une nouvelle rue, elle le faisait en prenant soin de contourner les arbres. En résulte un labyrinthe de rues sinueuses où il est impossible de s’y retrouver à moins d’y avoir parcouru chacune des rues à vélo des centaines de fois durant son enfance. Mais chaque année, des citoyens dévoués organisent la course « Rosemère en santé » et donnent ainsi la chance à ceux qui le souhaitent de serpenter la ville en toute sécurité. Certains coureurs disent que ceux qui détiennent le record du relais association de 1998 resteront à jamais imbattables. Je vous invite à relever le défi si vous vous en sentez capable.

3. Pourquoi l’église est encore populaire
Le comptoir Cabrini (sous-sol de l’Église sur Grande-Côte) en est un de choix. Tous les mercredis matins, on y fait la file à l’entrée afin de venir fouiner parmi les objets et vêtements presque neufs que les gens aisés de la ville donnent après les avoir à peine usés. Les vêtements de marque en parfait état y abondent. Pour ce qui se passe au-dessus du sous-sol, on dit que la redondance est à l’honneur à l’autel puisque le prêtre prononcerait le même discours à chacun des mariages qui s’y déroulent. Tellement habitué à répéter les mêmes paroles, il s’est même trompé de nom lors d’une célébration. Et comme après un mariage les finances sont parfois plus serrées, le curé de Rosemère vous offre un rabais de 50% sur le 2e baptême à l’achat du premier!

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4. La bourgeoisie
Le portrait de la grande famille rosemèroise ne serait pas complet sans la madame un peu (parfois beaucoup) bourgeoise. Au quotidien, on peut la croiser dans un des très (trop) nombreux salons de coiffure de la ville ou lors d’un rendez-vous dans une des cliniques santé sur Grande-Côte. Les cliniques en « o » y pullulent : physio, ergo, ostéo, chiro, réflexo, masso, psycho, etc. On peut aussi la rencontrer à la clinique vétérinaire de la ville. On dit de cette dernière qu’elle est tellement onéreuse que le résident moyen préfère faire le détour jusqu’à Prévost, même lors d’une journée où le prix de l’essence culmine. Dans ses temps libres, la bourgeoise de Rosemère aime magasiner dans les boutiques éphémères du chemin de la Grande-Côte (la durée de vie moyenne de ces boutiques est plutôt courte). Elle y achète parfois quelques chemisiers Joseph Ribkoff, qu’elle n’usera pas vraiment (pas du tout) avant d’aller les déposer au comptoir Cabrini pour faire un autre heureux du mercredi.

5. Résister à l’évanescence commerciale

À Rosemère, peu de commerces fêtent plus de quelques années d’activités, mais certains font tout de même partie du décor depuis mon enfance. Les Délices glacés est l’un de ceux qui a su durer, entre autres grâce aux joueurs de soccer qui envahissent la place après chaque partie estivale. La chocolaterie suisse sur Grande-Côte entretient la dent sucrée des résidents depuis plusieurs années aussi. Tout est fait sur place et les proprios sont si gentils qu’ils font goûter leurs meilleures truffes gratuitement! Il ne faut pas oublier les patates grasse du Milano et son livreur légendaire. Il sonnait à nos portes, le t-shirt roulé sur le dessus d’une bedaine imposante, le « jogging » élastique qui laissait paraître ses bas et, caché sous la proéminence de l’abdomen, le sac banane où s’accumulaient ses tips. L’hiver, il déneigeait aussi des entrées de garage. On ne l’aperçoit malheureusement plus à Rosemère depuis quelques années. On raconte qu’il fait maintenant une excellente pizza chez M. Burger, à Blainville.

6. Le Rosemère médiatique
Pour une si petite ville, Rosemère a hébergé son lot de joueurs de hockey, de médaillés olympiques et de vedettes de la chanson ou de la télé : Alexandre Bilodeau, Bruny Surin, Gaétan Boucher, Sylvie Bernier y ont porté leurs médailles. Patrick Roy, Mike Bossy, Raymond Bourque et Michel « Le Tigre » Bergeron y ont tous résidé. Guy Lafleur a même tenté d’y laisser une triste empreinte : le restaurant Bleu Blanc Rouge, trop grand, sans charme, avec un gros stationnement (il n’a bien sûr pas résisté à l’évanescence). On pouvait croiser Guy Jodoin répétant ses textes dans le parc Charbonneau et Stéphane Archambault faisant ses courses au Métro. Certains Rosemèrois aiment bien se vanter du fait que la maison grise avec une grande cour profonde en avant, sur Grande Côte, était celle de Céline Dion. Et bien que ce ne soit plus le cas, la ville a pu se targuer pendant de nombreuses années d’être la ville résidentielle de Patrick Bourgeois et sa chevelure de prince.

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7. « À demain Monsieur Lemay »
La ville est fière de son statut de ville champêtre et cela se reflète même chez son principal épicier : le Métro sur Grande-Côte décore fièrement ses allées d’une ambiance campagnarde. M. Lemay, le gérant, y accueille toute sa clientèle avec un sourire, depuis des années. Il gratifie immanquablement le départ de chacun des clients de son célèbre: « À demain! » Tous ceux qui ont habité Rosemère le connaissent. Si vous y allez le vendredi, vous devrez toutefois faire preuve de patience puisque les sages de trois résidences pour personnes âgées des environs vont y faire leurs emplettes.

8. Serge
Je n’aurais pas besoin d’en dire plus si je ne m’adressais qu’à ceux qui ont vécu leur adolescence dans les années 90 dans les environs de Rosemère. Tout adolescent a déjà « pagé » Serge afin d’agrémenter un peu ses soirées ou ses après-midi. Son règne s’étendait de BDF à Boisbriand.

9. L’évolution de la grande ligne
Toute la verdure de Rosemère est traversée, du nord au sud, par cette étendue d’asphalte et de béton qu’est le boulevard Labelle. Sur ses berges, des commerces de toutes sortes et du stationnement, plein de stationnement. À la limite de la ville, juste avant de passer sous le viaduc de la 640 qui mène à Ste-Thérèse et Blainville : la Place Rosemère. C’est le centre commercial qui a permis à tant d’adolescents d’aller « glander ». On pouvait aller y dépenser nos revenus de gardiennage ou de tontes de gazons, ou simplement flâner dans la cour alimentaire. Des fois, on s’offrait le luxe d’un cornet Laura Secord. Les deux gars qui y travaillaient étaient pas mal « cutes » et y allaient grassement avec leur cuillère à crème glacée quand la gérante n’était pas là pour les surveiller. C’était dans le temps où il y avait un Woolco à la place du Wal-Mart, un Télé-Cino au lieu d’un Blockbuster (puis d’une énième clinique santé) et un Steinberg dans le mail juste à côté.

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10. Jim a vendu et autres détails insolites
• Rosemère, c’est la ville où le légendaire JIM A VENDU a fait fortune dans l’immobilier. Tout le monde connaît quelqu’un qui a déjà vendu ou acheté une maison avec l’aide de JIM. Les rares fois où ce n’était pas lui, c’était Hélène & Serge.
• Rosemère, c’est un endroit de prédilection pour la pratique du ski de fond à roulette, selon Phil Shaw. Tous les jours d’été, sur le boulevard Roland-Durand, on peut courser contre un sportif exalté.
• Rosemère, c’est tellement feng shui que le restaurant Tomo ne fait même pas face à la rue.
• Le club de curling est plus vieux que la ville elle-même. L’été, une partie de la population anglophone de la ville se rassemble autour de sa piscine ou sur ses courts de tennis.
• Tous ceux qui ont déjà habité Rosemère à l’âge de conduire ont pogné un ticket de vitesse sur le boulevard Labelle, juste après avoir traversé le pont de la 117, direction nord.
• Le Centre Sportif de Rosemère est un endroit de choix pour la transformation d’un homme régulier en un douche authentique. Les effluves des parfums de pitounes y sont assez marqués pour masquer les odeurs de la sueur. Le soir, on peut surprendre certains de ses membres au Spa Finlandais, à quelques centaines de mètres de là. C’est le meilleur endroit pour dater en costume de bain et exposer ses muscles et son teint bien bronzé.

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