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Robots, ère glaciaire et savoirs autochtones : 6 questions à Natasha Kanapé Fontaine

Discussion en marge de la sortie de Wapke, premier recueil de nouvelles d'anticipation autochtones au Québec.

Par
François Breton-Champigny
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«En 2035, il est annoncé que le réchauffement climatique, même si la technologie a pu le retarder encore et encore, provoquera un revers de situation inattendu dans les vingt prochaines années: une nouvelle ère glaciaire.»

C’est un des premiers passages de la nouvelle Kanatabe Ishkueu créée par l’écrivaine, poétesse et militante innue Natasha Kanapé Fontaine dans le recueil Wapke, le tout premier ouvrage recensant exclusivement des nouvelles d’anticipation autochtones au Québec.

Avec 13 autres auteurs et autrices de «nations et d’horizons multiples», l’artiste multidisciplinaire de Pessamit s’est prêtée au jeu et a dépeint un univers où les robots font partie du paysage et où les savoirs autochtones sont une planche de salut pour l’humanité afin de faire face aux changements climatiques désormais hors de contrôle.

On s’est entretenu avec l’autrice pour en apprendre plus sur ce récit envoûtant et un brin angoissant.

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Qu’est-ce qui t’intéressait dans le fait d’écrire une nouvelle d’anticipation?

Je me suis inspirée d’histoires orales assez communes de plusieurs peuples autochtones.

Natasha: Quand Michel Jean m’a approché pour le projet, il ne savait pas trop de quoi ça aurait l’air. Mais j’ai dit oui tout de suite parce que je trouvais l’idée vraiment intéressante et que j’étais déjà dans l’exploration de cette forme de littérature qui se rapproche du réalisme magique.

Je me suis inspirée d’histoires orales assez communes de plusieurs peuples autochtones qui portent sur l’avenir, des récits de «star people» ou «peuples des étoiles», qui sont des genres d’êtres mi-humains, mi-extraterrestres, et des liens entre les Premières Nations et les extraterrestres en général. Mais ce qui est drôle, c’est que finalement, on ne sent pas tant ces aspects-là dans la nouvelle puisque j’ai décidé d’y aller avec mon propre imaginaire de ce qui pourrait arriver dans 50, 60 ans concernant les changements climatiques et les impacts sociaux qu’ils entraîneraient.

J’ai constaté un désir de se reconstruire en tant que nation ici au Canada en revenant en quelque sorte aux bases des connaissances autochtones ancestrales.

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La pandémie m’a aussi beaucoup inspiré. J’ai constaté un désir de se reconstruire en tant que nation ici au Canada en revenant en quelque sorte aux bases des connaissances autochtones ancestrales. Après plus d’une année à vivre des choses bouleversantes, beaucoup de gens souhaitent reconnecter avec leur identité, la nature et leur environnement et les enseignements des Premières Nations viennent répondre à ces besoins-là. J’ai donc voulu mettre ça de l’avant.

Comment s’est déroulé le processus d’écriture?

Natasha: J’ai trouvé ça un peu difficile parce que j’avais plein d’idées, mais je ne savais pas où me diriger. J’avais déjà écrit une autre nouvelle avant que je n’aie finalement jamais donné parce que je n’étais pas satisfaite de l’univers que j’avais créé. C’était trop près de la réalité et je voulais quelque chose de plus fantaisiste.

J’ai donc décidé de lâcher mon fou et de ne pas me mettre de barrières dans la création de cet avenir. Finalement, j’ai tellement exploré dans l’écriture que j’ai dû enlever une ou deux pages!

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Dans ton récit, il y a des notions de perte de connaissances, de repères et de chamboulements climatiques. Est-ce que ce sont des choses qui te préoccupent?

Natasha: En fait, ce qui m’angoisse le plus, c’est la manière dont l’humain fait face aux changements et à l’adversité. On le voit dans toutes sortes de situations, la réaction humaine est imprévisible et elle peut être destructrice.

ce qui m’angoisse le plus, c’est la manière dont l’humain fait face aux changements et à l’adversité.

On vit présentement dans une époque où l’égo prend souvent toute la place et ultimement, les décisions basées sur ça peuvent porter atteinte à la vie des gens.

Ton récit est un peu dystopique. Quel serait un avenir utopique en ce qui a trait aux Premières Nations selon toi?

Natasha: J’aimerais retourner dans mon territoire et recommencer à vivre comme nos ancêtres vivaient, c’est-à-dire en harmonie avec l’environnement. Je suis convaincue qu’une partie de notre guérison mentale et physique en tant que peuple passe par un retour aux sources.

J’aimerais retourner dans mon territoire et recommencer à vivre comme nos ancêtres vivaient, c’est-à-dire en harmonie avec l’environnement.

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J’aimerais aussi qu’on soit plus autonome. Qu’on ait notre propre gouvernement indépendant et reconnu. Qu’on puisse avoir des communications et des échanges entre les nations qui s’apparentent à ce qu’on voyait avant.

Quel serait le message que tu aimerais qu’on retienne après la lecture de Kanatabe Ishkueu?

Natasha: Que nos connaissances et nos savoirs ont une valeur inestimable et qu’ils méritent d’être reconnus et utilisés pour le bien commun.

Ta nouvelle nous laisse un peu sur notre faim, on a envie de connaître le dénouement. Prévois-tu sortir une suite prochainement?

Natasha: Ça ne se fera pas de si tôt, malheureusement! Je voulais laisser le loisir au lecteur de s’imaginer la suite pour l’instant. Mais j’ai tellement aimé écrire cette histoire-là que je vais peut-être la continuer… À suivre!