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La semaine dernière, j’avais envie de tirer la plogue. Facebook, Twitter, pu capable.
«RIP Gil Courtemanche». «Grande perte pour le Québec». «D’une tristesse infinie».
Parfois, j’ai le sentiment qu’on a le RIP facile. Lorsqu’une personnalité publique meurt, derrière une fausse empathie, plusieurs semblent d’abord vouloir s’accaparer sa notoriété. On veut surtout montrer qu’on a appris la nouvelle le premier, ou le 19e, que l’on connaissait l’homme, qu’on avait lu ses livres, qu’à tout le moins, on savait que son prénom s’écrivait «Gil» et non «Gilles».
Puis, sur les réseaux sociaux, s’ensuit une sorte de concours absurde de phrases les plus profondes pour exprimer le désarroi, la grandeur de la personne décédée et celle du trou qu’elle laisse. Les plus simples y vont de grands clichés : «un grand homme», «toujours les meilleurs qui partent en premier», etc.
On se fait quelques coups d’autopromo dans l’exercice.
Puis, il y a ceux qui font dans l’hypertrophie émotive : «Décès de Gil Courtemanche : d’une tristesse infinie».
Trouver des sentiments vrais dans tout ça relève du défi. J’ai beau chercher l’authenticité sur les réseaux sociaux, je ne la trouve pas. J’exclus bien sûr ici les proches du défunt, ceux qui l’ont côtoyé, ses collègues du Devoir, à qui j’offre mes sincères condoléances.
Mais non, fille. Ce n’est pas d’une tristesse «infinie». T’as peut-être aimé Un dimanche à la piscine à Kigali, mais tu vas t’en remettre. Tu ne le connaissais pas, et demain, tu ne seras plus triste. La preuve, en ce lundi, on passait à un autre mort.
Si la mort bat déjà des records d’absurdité, son expression en 2.0 est tout simplement hors concours. On en vient parfois à RIPer des personnalités obscures qu’il faut avoir googlées pour souhaiter leur paix au ciel en bonne connaissance de cause. Loin de moi l’idée de hiérarchiser les morts, mais à part ceux qui ont eu Carole David en littérature au Cégep du Vieux, on n’était sûrement pas des tonnes à avoir lu Paul-Marie Lapointe.
Et même là, j’ai un vague sentiment que ces décès ne m’appartiennent pas. Que ces deuils, surtout, ne regardent que ceux qui ont connu et aimé Paul-Marie Lapointe, Gil Courtemanche ou Hughette Proulx. Limite, j’ai un malaise. Être une amie de Gil Courtemanche, j’en voudrais probablement à ceux qui envoient ces fausses bonnes pensées dans le cyberespace et qui diluent, par le fait même, ma vraie tristesse.
Hier, j’avais envie de tirer la plogue, mais pour d’autres raisons. À 9h, on apprenait le décès de Jack Layton. À 9h30, le concours de phrases profondes battait son plein alors que les grands clichés avaient tous été dits déjà. À 10h30, les photos de profils orange se multipliaient. À 11h, les articles sur «la vague de sympathie» se multipliaient.
Puis, vers midi, Jack Layton sauvait tous ceux qui n’avaient pas encore trouvé leur phrase profonde avec ce paragraphe posthume qui restera gravé dans nos mémoires. «Mes amis, l’amour est cent fois meilleur que la haine. L’espoir est meilleur que la peur. L’optimisme est meilleur que le désespoir. Alors aimons, gardons espoir et restons optimistes. Et nous changerons le monde.»
Hier, j’avais envie de tirer la plogue parce que je n’étais pas du tout prête à ce que Jack Layton meure. Pour de vrai, j’étais triste. Pour de vrai, j’ai retenu des sanglots en lisant sa dernière lettre. Pour de vrai, j’ai eu de la peine pour sa belle Olivia. Ils avaient l’air si amoureux. Pour de vrai, j’ai pensé «c’est toujours les meilleurs qui partent en premier». Et pour de vrai, je me suis dit qu’on perdait un grand homme. Un héros. La seule personne qui pouvait nous faire croire qu’un politicien peut être correct.
Hier, je comprenais les gens de réagir comme ils le pouvaient à la mort de Jack Layton. Les médias sociaux n’ont rien inventé. En lisant les réactions sur le blogue de Richard Martineau, j’ai compris que les gens avaient toujours eu besoin d’exprimer leurs sentiments devant le décès d’une personnalité aussi marquante. Et être Olivia, j’aurais été touchée.
En fait, la mort de Jack Layton, c’est d’une tristesse infinie. On va s’en remettre, mais ça ne sera pas facile. Pour vous aider, j’ai trouvé une très bonne nouvelle ce matin. La vie suit son cours.

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