.jpg)
J’ai été crissement impressionnée au cours des dernières semaines. Je ne m’attendais pas à ça. À voir des personnes blanches qui partagent plein d’idées d’articles, de documentaires, de séries télé et de films inspirés de faits vécus ou encore des essais sur la condition noire afin de s’éduquer et d’essayer de déconstruire leurs préjugés.
C’est extraordinaire. Vraiment. Mais je vous invite aussi à vous tourner vers la fiction afin d’éviter de réduire nos existences aux questions de l’esclavage et de l’immigration ou encore à des statistiques sur la pauvreté, la criminalité et le taux de chômage. Nos vies ne sont pas non plus seulement ancrées dans le militantisme. Tout ça représente une part importante de notre histoire, oui, mais il y a plus encore. En voyant la liste des nommés au Gala Artis, je me suis dit qu’il fallait rappeler qu’il y a plus encore.
Des modèles blancs
J’ai passé mon enfance et mon adolescence à regarder des personnes blanches vivre. À la télé ou au cinéma, j’ai vu des personnes blanches dans la banalité du quotidien. J’ai vu des personnes blanches dans des situations extraordinaires ou complètement absurdes. J’ai vu des personnes blanches exprimer leurs joies, leurs peines.
J’ai passé mon enfance et mon adolescence à regarder des personnes blanches vivre. À la télé ou au cinéma, j’ai vu des personnes blanches dans la banalité du quotidien. J’ai vu des personnes blanches dans des situations extraordinaires ou complètement absurdes. J’ai vu des personnes blanches exprimer leurs joies, leurs peines. J’ai vu des personnes blanches qui prenaient leur place, qui étaient passionnées, qui avaient des rêves, des ambitions, des peurs. Des personnes blanches avec des jobs dans tous les milieux possibles. Des personnes blanches qui vivaient dans des apparts en ville ou dans de belles maisons de campagne. Des personnes blanches célibataires, en couple ou cheffes de famille. Des personnes blanches qui avaient des loisirs, qui voyageaient, qui faisaient du sport ou qui jouaient du piano. Des personnes blanches qui mangeaient à la maison ou qui se permettaient une sortie au resto ou au bar. J’ai vu des personnes blanches dans leur cuisine, dans leur cour, dans leur salon, sous la douche ou sous les couvertes. Des personnes blanches qui riaient, pleuraient, s’engueulaient. Des personnes blanches qui se tenaient la main, qui frenchaient ou qui baisaient. J’ai même vu des personnes blanches vieillir à l’écran, à travers des existences fictives relatées sur 4 ou 5 saisons. J’ai vu des personnes blanches être rongées par la maladie mentale ou physique. J’ai regardé des personnes blanches mourir. J’ai regardé des personnes blanches venir au monde.
Toute ma vie, j’ai vu des personnes blanches être le centre de l’univers et avoir le droit d’être plus qu’une chose. Je vous ai vu avoir le droit d’exprimer votre humanité de toutes les manières possibles.
Je me suis investie et projetée dans vos histoires. Aujourd’hui, je me permets de vous demander de me rendre la pareille. Après tout, moi aussi je contribue un peu à la culture d’ici avec mes sous.
Faire de la place
Ça aura pris des années avant que je puisse voir, sur un écran, deux personnes noires manger dans un resto en jasant de tout et de rien comme le font tout le temps les personnes blanches à la télé ou au cinéma. Évidemment, j’ai dû me tourner vers les États-Unis pour ça. J’ai dû consommer en anglais pour ça. C’est désolant, oui, mais je ne m’excuserai pas d’avoir tourné le dos aux productions d’ici à une certaine époque. À bien y penser, ce sont les productions d’ici qui me doivent des excuses.
Il y a 3-4 semaines, la marque Band-Aid a annoncé qu’elle lancerait une gamme de pansements bruns. Il n’y aura pas 50 nuances de la couleur, mais croyez-moi, seules quelques-unes suffisent pour dire «on vous voit». C’est quand même fou, il aura fallu attendre 100 ans pour que cette compagnie nous remarque. 100 ans pour normaliser notre présence. 100 ans pour reconnaître que nos histoires et nos vies comptent.
Il y a 3-4 semaines, la marque Band-Aid a annoncé qu’elle lancerait une gamme de pansements bruns. Il n’y aura pas 50 nuances de la couleur, mais croyez-moi, seules quelques-unes suffisent pour dire «on vous voit».
Ce sont les petits gestes, les petites choses, de celles que vous prenez tellement pour acquises chers amis blancs, qui pour nous témoignent de notre droit d’exister dans une société qui est avant tout, pensée par les Blancs pour les Blancs (même si les personnes non blanches la portent à bout de bras dans les usines, dans les champs, dans les hôpitaux, etc.)
Je serai mère un jour et je me réjouis à l’idée de savoir que je n’aurais pas besoin d’expliquer pourquoi le pansement «couleur chair» ne reflète pas du tout notre carnation.
J’aimerais voir ces mêmes petits gestes, ces mêmes petites choses ici, chez nous. J’attends que vous remarquiez notre existence. J’attends que normalisiez notre présence. J’attends que vous reconnaissiez que nos histoires et nos vies comptent…pas juste en marge des vôtres. Qu’elles comptent autant que les vôtres. Et qu’elles valent la peine d’être racontées et entendues. Je serai mère un jour et j’aimerais ne pas avoir à expliquer pourquoi les gens qu’on voit à la télé ne reflètent pas vraiment notre carnation.
Le combat contre le racisme n’est pas une course. C’est un marathon. En ce moment, la ligne d’arrivée est encore loin, on ne la voit pas encore tout à fait en scrutant l’horizon.
Je pense qu’on pourra se vanter d’approcher le dernier mille quand vous serez capables de voir un peu de vous en nous.