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Répondre aux conservateurs

Par
Judith Lussier
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J’ai répondu à l’appel des conservateurs. Le sondage s’appelle « À vous la parole sur les enjeux importants», et vous invite à vous exprimer enfin sur l’«inefficace et coûteux» registre des armes à feu, sur la «politique étrangère réfléchie» du gouvernement consistant à soutenir Israël, et sur «les maudits slaqueux qui ne travaillent que 45 jours par année». J’exagère juste pour cette dernière question, mais c’est tout simplement parce que Stephen Harper ne connaît pas l’expression «maudits slaqueux».

Ce sondage semble être le fruit d’une résolution prise en 2013 par le Parti conservateur du Canada de consulter la population par une série de sondages, afin de l’inviter à «joindre la conversation», expression que le parti a sûrement entendue dans le pitch de vente d’une excellente compagnie de relations publiques.

Comme à l’enfant malhabile pour se faire des amis dans la cour d’école, il faudrait expliquer aux conservateurs que de proposer les réponses dans les questions ne constitue pas une invitation sincère à «joindre la conversation».

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Quoiqu’il en soit, j’ai décidé de me prêter à l’exercice et de répondre en toute bonne foi au sondage le plus malhonnête de l’histoire des sondages. Après tout, ce n’est pas vrai qu’on va laisser les conservateurs croire que les électeurs sont tous prêts à tomber dans le panneau. Je serais fière de savoir que des milliers de Québécois ont répondu «NON!» à la question : «Est-ce qu’une force militaire solide est importante pour le Canada?» C’est pourquoi je vous invite, vous aussi, à répondre aux conservateurs.

Vous verrez qu’il s’agit d’une expérience amusante. Chaque question consiste un peu à choisir entre l’abolition de la tarte aux pommes ou payer moins d’impôt. C’est comme de répondre à la boussole électorale, mais avec le bûcheron de fer blanc du Magicien d’Oz assis à votre droite. Pour y parvenir, vous devrez faire abstraction de tout qualificatif employé abusivement par l’auteur de ce sondage qui est une honte à la profession de sondeur.

Il est facile de répondre à une question sauvagement malhonnête comme celle-ci: «Est-ce que vous soutenez la taxe sur le carbone tueuse d’emplois de 21 milliards de dollars de Thomas Mulcair?» Oui, je la soutiens, peu importe à quel point vous la varlopez et malgré votre emploi maladroit d’adjectif (personnellement, j’aurais choisi «assassine», tant qu’à faire).

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Évidemment, mon opinion sur l’avenir du Canada ne se résume pas qu’à un «oui» ou un «non» à une série de questions, même honnêtes. La vie est plus complexe que ça, les amis.

C’est pourquoi n’importe qui d’un peu consciencieux aura mal en dedans quand viendra le temps de répondre à certaines questions. «Est-ce que les demandeurs du statut de réfugié devraient recevoir de meilleurs soins de santé que les [insérer mentalement l’adjectif «bon» ici] citoyens canadiens?» La réponse est non, évidemment. Pas meilleurs, mais pas pires non plus, comme dans l’expression «système de soins de santé universel». Comment transmettre cette nuance à notre ami Stephen?

Quant à une question comme «Est-ce que vous êtes d’accord avec le NPD, qui soutient que les contribuables canadiens devraient subventionner les banques européennes?», je ne suis pas certaine de bien saisir ce que le NPD propose, mais juste pour écœurer la personne qui a écrit cette question en étant convaincue qu’elle ne me laissait aucun choix de répondre «non», j’ai coché «oui». Oui je le veux, Thomas!

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L’exercice se termine par deux questions ouvertes. «Que pensez-vous du travail réalisé par le Premier ministre Stephen Harper?» et «Que pensez-vous du travail réalisé par le Parti conservateur du Canada?» C’est votre chance enfin de dire tout ce que vous pensez vraiment des politiques de Stephen Harper et de son parti. Évitez d’utiliser ces cases à des fins haineuses (des plans pour que l’on écarte vos réponses) et profitez plutôt de l’occasion qui vous est donnée de montrer que vous n’êtes pas si con que ce sondage ne le prétend. Je vous laisse imaginer ce que j’ai répondu à la première, et vous révèle ce que j’ai laissé dans la seconde case :

Ce sondage grossièrement malhonnête (grossièrement comme dans «je sais même pas pourquoi je perds mon temps à y répondre tellement votre mauvaise foi manque de subtilité») reflète exactement ce que je pense du travail réalisé par le Parti conservateur du Canada. Il montre à quel point vous prenez les électeurs pour des gnochons. J’espère qu’ils seront nombreux à vous montrer qu’ils ne sont pas aussi facilement manipulables que vous ne le croyez.

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PS. Voici, pour vous éviter à googler, la définition de gnochon: n.c. Québec, familier. Quelqu’un d’imbécile. Ex. Veux-tu bien me dire pourquoi les Canadiens ont élu ce gnochon-là ?