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Rencontre entre Cynthia Dulude et Corey Shapiro

La belle et le magnat

Par
Catherine Perreault-Lessard
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Il a fait fortune grâce à un barbershop, des lunettes vintage et des jus verts. Elle s’est fait connaître avec ses tutos maquillage et est aujourd’hui la YouTubeuse francophone la plus connue au pays. Rencontre avec Corey Shapiro et Cynthia Dulude, deux entrepreneurs qui marqueront le monde des affaires en 2016. On parie cent vingt piastres là-dessus.

TEXTE CATHERINE PERREAULT-LESSARD PHOTOS WILL LEW

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On a organisé cette improbable rencontre dans le royaume de Corey, le quartier Saint-Henri, où il possède tous les commerces cool avec des noms inspirés de Notorious B.I.G. Et les immeubles qui les abritent.

D’abord, le Notorious, un salon de barbier où les coupes valent jusqu’à 100 $. Ensuite, l’Archive, où on peut se procurer les fameuses montures de la Vintage Frames Company (tsé, les lunettes qu’ont portées Lady Gaga, Katy Perry et Jay-Z?). Et finalement, le Juicyyy Lab, où les jus fraîchement pressés sont préparés par une fille déguisée en technicienne de laboratoire.

C’est dans cet antre vegan que Cynthia a rejoint Corey. Mine de rien, même s’il n’y a pas (encore) beaucoup de gens qui la reconnaissent quand elle marche dans la rue, Cynthia est une vraie vedette. Certaines de ses vidéos comptent plus de 3 millions de visionnements et, à ce jour, sa chaîne YouTube consacrée au maquillage et à la beauté compte plus de 400 000 abonnés, dont plus de la moitié se trouve en Europe. À 23 ans, sa principale entreprise, c’est elle-même. Elle n’est peut-être pas millionnaire (comme Corey), mais ça ne saurait tarder…

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Contrairement à nos attentes, on ne peut pas dire que ça a tout de suite cliqué entre nos deux lauréats. Entre nous, leur premier contact a été aussi chaleureux qu’une date Tinder qui marche moyen. Nos invités ignoraient tout ou presque de leur voisin de table. Sans compter qu’ils ne parlaient pas la même langue. Mais, heureusement, l’atmosphère s’est rapidement réchauffée lorsque Corey a payé une tournée de smoothies à la mûre.

Autour d’un verre – puis d’une séance de rasage au Notorious, où on s’est rendus dans la voiture gold du businessman –, on a pu discuter de vrais sujets : les coups de téléphone au Japon à trois heures du matin, les problèmes de neige jaune… et Lise Watier. (On leur a aussi posé plein de questions dignes d’une entrevue avec le Bloomberg Businessweek. Parce qu’on est capable.)

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Première question : est-ce que vous vous considérez comme des marques?

Corey : Oui et je l’ai compris quand des compagnies ont commencé à utiliser mon visage sur leurs produits pour en faire la promotion… Mon brand, c’est 100 % fuckin’ maniacs! C’est d’ailleurs écrit sur tout ce que je vends aujourd’hui.

Cynthia : Il y a des gens qui me perçoivent comme tel, mais moi, pas tant que ça. Par contre, si j’avais à associer des valeurs à ma « marque », ce serait le respect et l’honnêteté.

Sentiez-vous que vous aviez déjà la fibre entrepreneuriale quand vous étiez kids?

Corey : Tout à fait. J’ai eu ma première compagnie à 13 ans. J’installais mon kiosque dans des salons de bandes dessinées et je vendais des jouets emballés dans des boîtes en français aux Américains parce qu’ils pensaient que ça valait plus cher que des boîtes uniquement en anglais. À partir de ce moment-là, j’ai toujours eu des entreprises.

Cynthia : Moi, pas du tout. Mon côté entrepreneur s’est développé au fil des ans. Quand j’ai créé ma chaîne YouTube et que des marques ont commencé à m’approcher pour faire des projets avec elles, je n’ai pas eu le choix d’être plus business. Avant ça, je ne savais pas que j’avais cette fibre-là en moi.

Venez-vous de famille d’entrepreneurs?

Cynthia : Non, j’ai vraiment tout appris sur le tas.

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Corey : Oui. Mes grands-parents et mes parents ont toujours eu des entreprises. Et je dois dire que j’ai beaucoup appris en les regardant travailler. Ce ne sont pas leurs succès qui m’ont le plus aidé dans ma carrière : ce sont leurs erreurs.

Quel genre?

Corey : Dès qu’ils fermaient une compagnie pour en ouvrir une autre, je voyais bien qu’il ne leur restait plus rien du tout. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de créer des entreprises tout en étant propriétaire des bâtisses dans lesquelles elles se trouvent. Aujourd’hui, mon principal objectif, c’est de payer mes prêts hypothécaires avec les profits de mes entreprises. Par exemple, j’utilise l’argent que je fais avec Vintage Frames pour payer l’hypothèque de mon building dans Saint-Henri. Comme ça, si la compagnie ferme, il me restera au moins la bâtisse. Et je pourrai avoir une belle retraite…

Parlons cash. Parlez-vous ouvertement de votre salaire ou est-ce un sujet tabou?

Cynthia : Il y a seulement ma mère et mon chum qui savent combien je gagne. Je me sens mal d’en parler avec mes amis de 23 ans parce que c’est un âge où la plupart des gens n’ont pas beaucoup d’économies. En général, faut dire que je n’aime pas parler d’argent. C’est d’ailleurs pour cette raison que je suis maintenant représentée par une agence. Je ne voulais pas négocier mes contrats directement avec les marques, car j’ai toujours tendance à sous-estimer ma valeur.

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Corey : Moi, je ne parle de mon salaire à personne. Même pas à mon épouse. Elle se fout de savoir combien j’ai dans mon compte et je me fous de savoir combien elle a dans le sien.

Notorious B.I.G a dit, comme le smoothie que tu as nommé en son honneur, « mo money, mo problems ». Est-ce vrai?

Corey : C’est vrai qu’il y a beaucoup de problèmes qui viennent avec le fait d’avoir plus d’argent. Posséder une maison, c’est stressant. Imagine à quel point ce l’est quand tu possèdes un quartier; but money doesn’t dictate wealth. J’ai des amis – non, quelques amis – qui font plus d’argent que moi. Mais, ce n’est pas leur revenu qui m’intéresse. C’est ce qu’ils font avec leur argent.

Est-ce que faire de l’argent était un de vos objectifs de carrière?

Cynthia : Je n’ai jamais pensé à ça. J’ai choisi mon métier de maquilleuse parce que je savais que ça allait me rendre heureuse. Je suis surprise de faire de l’argent avec ça… même si je suis loin d’être millionnaire!

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Corey : Pour moi, oui, c’était important. Aujourd’hui, je ne me verse pas un gros salaire, mais j’ai les moyens d’investir dans l’immobilier. Y’en a qui aiment ça avoir de gros repas au resto. Moi, j’aime ça acheter des bâtisses.

Combien d’heures par semaine travaillez-vous?

Cynthia : Depuis des années, je travaille souvent 12 heures par jour sans m’en rendre compte. La semaine, mais aussi la fin de semaine.

Corey : Pareil. Moi, je travaille même la nuit. Je n’ai pas le choix, puisque je fais des affaires dans différents fuseaux horaires. Par exemple, quand mes employés finissent à 21 h en Californie, il est minuit ici. Et quand je dois parler à quelqu’un au Japon, il est 3 h au Québec. C’est pour ça que je suis toujours on. Je mets des alarmes sur mon téléphone et je dors avec lui.

Ça doit être vraiment le fun d’être ta blonde…

Corey : On a eu un enfant récemment, donc en ce moment, je ne la réveille pas la nuit parce qu’elle est déjà réveillée. Mais, disons que, en général, ce n’est pas awesome d’être marié avec moi…

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Avec toutes ces heures de travail et ce stress, vous arrive-t-il de faire de l’anxiété?

Corey : Avoir des compagnies, c’est stressant. Des fois, j’envie les barbiers qui travaillent chez Notorious. Ils font beaucoup d’argent, mais, à la fin de la journée, ils peuvent reposer leur clipper et ne plus s’en faire.

Cynthia : J’ai fait quelques crises d’anxiété dans ma vie, mais ça n’avait pas nécessairement de lien avec mon travail. Même si c’est vrai que notre job est stressante.

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