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Rencontre avec David St-Jacques, astronaute qui s’apprête à passer six mois dans l’espace.

Dans une galaxie près de chez vous dès 2018

Par
Nadine Mathurin
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Après voir travaillé comme médecin dans le Grand Nord, David Saint-Jacques partage aujourd’hui son temps entre Houston et Moscou. C’est qu’il s’entraîne afin d’exceller dans sa nouvelle job: astronaute. En novembre 2018, l’homme de 47 ans décollera pour une mission de six mois à la Station spatiale internationale. Portrait de la personnalité publique qui a le 9 à 5 le plus funky à suivre sur Facebook !

TEXTE NADINE MATHURIN

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Toute son enfance, notre collaboratrice Nadine Mathurin a souhaité devenir astronaute. Elle a fait le camp spatial à Laval, mais son rêve a pris abruptement fin lorsqu’elle a réalisé qu’elle préférait faire des blagues plutôt que de s’inscrire en sciences pures. Dans l’idée de lui faire toucher (d’une certaine façon) aux étoiles, on l’a fait s’entretenir avec l’astronaute David Saint-Jacques sur Skype alors qu’il était en Russie.

Vous êtes médecin, astrophysicien, ingénieur, pilote d’avion. Il ne vous manque plus qu’une maison en Toscane pour être l’homme parfait…
Je vais en construire une!

Excellent! Vous avez toujours eu un agenda caché, avouez-le. On ne fait pas autant d’études sans, un jour, penser devenir astronaute.
En fait, j’ai toujours été fasciné par le monde, l’espace, pis les astronautes. J’avais peut-être 5-6 ans quand j’ai compris cette histoire de la Terre, de l’atmosphère, de l’espace et de l’exploration. J’étais vraiment un petit gars intello et je ne pensais pas qu’être astronaute, c’était pour moi. En fait, il n’y avait pas de Canadiens astronautes quand j’étais petit garçon, dans les années 1970. C’était comme dire : «J’aimerais ça être pape». Hahaha! Ça se pouvait pas.

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Mais c’est accessible quand on regarde ce que vous avez fait pour y arriver… Je veux dire: c’est le chemin tout tracé pour un astronaute!
Je me suis dit que j’allais jouer à être un astronaute qui ne pouvait pas aller dans l’espace. Ça m’a toujours servi de référence pour me pousser à rester en bonne forme, à voyager, à m’éduquer, à rester fiable, à être une personne agréable, à avoir des projets, à demeurer explorateur.

Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre tous ces chemins-là? Est-ce la curiosité? Le désir de connaître le tout petit et l’immensité de l’espace?
T’as très bien compris! J’ai commencé fasciné par la matière. Le monde matériel. J’étais un petit peu gêné. Pas que j’avais peur des gens, mais je ne me sentais pas prêt à affronter l’humanité trop directement. Je me suis donc lancé dans l’astrophysique. Maintenant, c’est comme mon petit trésor. Il y a peu de choses dans l’univers que je ne comprends pas pantoute!

Vous êtes choyé de pouvoir saisir et comprendre toutes ces informations-là!
Oui! Plus tard, j’ai recentré mon intérêt sur l’être humain, et ce fut ma motivation pour retourner aux études en médecine. Pas facile… À presque 30 ans, j’ai dû faire des prérequis. Donc, dans la journée, je travaillais comme prof d’astrophysique à l’université et le soir, j’étais étudiant au cégep.

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Haha! Avec les p’tits jeunes pas fiables!
Mais c’est ce que je voulais. Je le faisais avec beaucoup d’humilité, sans vouloir couper les coins rond. C’était surtout une manière pour moi de me rapprocher des êtres humains. J’avais soif de faire quelque chose qui a une valeur sociale directe.

En quoi ces expertises vous aident dans votre nouveau rôle d’astronaute?
Là, je suis à Moscou, à la Cité des étoiles, au centre d’entraînement des cosmonautes. Le même endroit où Youri Gagarine s’est entraîné dans les années 1950.

OMGWOWEUH. C’est fou!
Oui, je sais! [Il me regarde avec des étincelles dans les yeux.] Pour le petit «fan» de l’espace que j’étais, c’est juste fou d’être ici! Sinon, je vis à Houston. C’est pas mal différent comme univers: je dois apprendre le rôle de la NASA, travailler au centre de contrôle comme contrôleur et continuer à faire de la recherche sur le contenu médical…

Attendez. Vous avez bien dit que votre premier «travail» en tant qu’astronaute est d’être à la tour de contrôle de Houston? C’est un passage obligé?
Oui! C’était mon travail jusqu’à il y a six mois, quand j’ai été assigné à une mission. On remplit divers rôles de soutien dans le centre de contrôle: une année ou deux, on fait une job, après on change. Pendant longtemps, je m’occupais de la robotique; c’est un peu la niche des Canadiens. Mais on est tous impliqués au centre de contrôle à divers degrés.

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Donc, une fois dans l’espace, vous allez connaître exactement ce que la tour de contrôle est en train de faire: tous les codes, tous les gens qui vous parlent…
Oui! C’est de l’or en barre. Avoir ces expériences professionnelles aussi variées t’aide à t’adapter à un travail qui comporte toute une variété de responsabilités. C’est toujours utile d’avoir un médecin à bord lors d’une mission, parce que c’est une expédition. Être ingénieur et pilote est tout aussi utile, puisque je vais être aux commandes d’une machine. Avec l’astrophysique, tout tombe en place. Des fois, je me pince. C’est tellement peu probable de devenir astronaute… Donc, finalement, t’as raison: j’ai vraiment un beau profil pour ça! Haha!

Avez-vous un entraînement et une préparation spécifiques à la mission qui se déroulera en novembre 2018?
Une fois assigné à une mission, on a deux ans d’entraînement. Il m’en reste une et demie. Je vais être le copilote de la fusée Soyouz qui va nous amener en orbite. Alors presque la moitié de ces deux années-là est consacrée à obtenir ma licence de Soyouz. Sur deux ans, je passerai 50 semaines à Moscou.

La Station spatiale internationale est la machine la plus complexe jamais construite.

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Les 54 autres semaines seront surtout de l’entraînement pour connaître les procédures d’urgence, la vie quotidienne à bord, et comment tout fonctionne. [La Station spatiale internationale (SSI)] est la machine la plus complexe jamais construite, et puisqu’elle nous tient en vie, on a intérêt à comprendre comment ça fonctionne! Rendus à bord de la SSI, une fois qu’on a tout réparé ce qui était cassé et qu’on a enfin un peu de temps pour travailler, on fait des expériences scientifiques.

Combien d’astronautes participent à la mission?
Trois astronautes s’envolent dans la fusée Soyouz, puis à bord (de la SSI), il y a déjà trois personnes. Eux, ce sont les Seniors ; nous, on est les Juniors. Trois mois plus tard, ils s’en vont — on devient les Seniors —, puis trois autres astronautes arrivent: ils deviennent les Juniors, et ainsi de suite. Donc, il y a toujours six personnes dans la SSI: trois nouveaux, trois anciens.

C’est vraiment une aventure humaine.

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Je suis le premier de mon équipage à avoir été nommé, puisque je serai le copilote Soyouz. Le passager du Soyouz peut être nommé dans quelques mois, ce n’est pas grave. Quant au commandant, il sera russe. Et puisque les Russes ont une autre structure d’entraînement, ils sont prêts depuis longtemps, alors ils peuvent être nommés à la dernière minute. Russes, Américains, Japonais, Européens, Canadiens: on est une centaine et on se connaît tous déjà.

C’est vraiment une aventure humaine. C’est étrange, parce qu’on imagine l’espace d’abord comme un immense projet national — et c’est essentiellement ce que c’est —, mais à l’intérieur de cette coquille-là, il y a toute une expérience humaine.

Complètement! Avez-vous hâte de vivre ça? Avez-vous peur?
J’ai très hâte. Le fait que ce soit des gens de partout dans le monde est l’une des beautés du programme spatial. Surtout avec tout ce qui se passe aujourd’hui à l’international: c’est important qu’on chérisse ça. Y a pas beaucoup d’arènes où les êtres humains font des choses aussi fortes et positives, ensemble. C’est rare, et c’est l’une des forces du programme spatial.

Il y a un aspect de représentation qu’il faut toujours garder en tête; on a un peu comme le rôle d’un ambassadeur.

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C’est tout un honneur pour les Canadiens de pouvoir faire partie de ça, et en même temps, il y a une certaine responsabilité de le faire correctement. Dans mes cours à la Cité des étoiles, je le sens dans le regard des gens autour que c’est pas seulement David qui est là: c’est aussi le Canada. Il y a un aspect de représentation qu’il faut toujours garder en tête; on a un peu comme le rôle d’un ambassadeur.

Pour lire la suite de cet article / savoir ce que David pense des missions «un aller sans retour» vers Mars , procurez-vous le Spécial extraordinaire 2017 sur notre boutique en ligne!

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