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Suite à la réplique de Gabriel Myre parue mercredi, Jean-Martin Aussant contre-attaque. Voici sa réponse. La saga continue…
M. Myre,
Merci d’avoir pris le temps d’écrire cette réplique détaillée et intéressante.
N’ayant pour ma part que très peu de temps libre entre deux manques dudit temps, j’irai rapidement avec quelques réponses à vos commentaires:
1. Vous affirmez que la résignation n’est pas irrationnelle. Je pense au contraire qu’elle peut très bien l’être. Pas toujours, mais elle peut l’être. Rien n’indique dans le mot résignation une nécessaire rationalité.
2. On s’entend, il existe effectivement des Québécois qui croient au fédéralisme. Il me semble même qu’on les nomme fédéralistes.
3. Dire qu’une province est souveraine dans ses champs de compétence n’est pas faux au sens strict, mais c’est jouer sur les mots et on est loin de la souveraineté en tant que telle. Un esclave est-il souverain à l’intérieur de ses chaînes? Avant que vous ne suggériez que je dramatise, oui, l’exemple est fort. C’est pour faire image.
4. Selon moi, effectivement, de relatifs étrangers nous imposent des lois. Peut-être pas toutes, certaines seraient possiblement choisies de façon similaire par les Québécois eux-mêmes. Mais ce que les souverainistes veulent, c’est que l’Assemblée nationale décide de toutes les lois au Québec. Tout comme le Canada ne se fait imposer ses lois par aucun autre pays. Ça me semble un bon deal.
5. Vous parlez de répartition des compétences. Le Québec n’y a pratiquement rien eu à dire et doit se battre chaque fois qu’il voudrait récupérer une compétence et ce, même quand la population du Québec y est fortement favorable. Ce que les Québécois en tant que nation veulent, le fédéral s’en balance trop souvent au nom de ses propres intérêts. Et croire que les deux peuples dits fondateurs (arrivés bien après les Premières Nations) ont eu un poids égal dans la conception du Canada actuel serait faire preuve d’un révisionnisme malhonnête.
6. Mon rappel de la racine latine du mot province, pro victis, n’avait rien de dramatico-identitaire. On appelle ça de l’étymologie.
7. Votre réaction à l’étymologie me semble dramatico-fédéraliste.
8. J’espère que vous avez le sens de l’humour.
9. Je n’ai jamais dit que les parlementaires canadiens voulaient nous spolier. Où avez-vous pris cela? Ils voient toutefois à leurs intérêts électoraux et ces intérêts se trouvent hors Québec. C’est une vérité, pas une opinion. Les Québécois, déjà minoritaires dans ce système fédéral, le seront de plus en plus. La seule façon d’être une minorité majoritaire, c’est la souveraineté. Je ne pense pas vous en convaincre avec la présente réplique, mais c’est ça qui est ça.
10. Vous dites qu’en participant activement au Canada, il nous ressemblerait davantage. D’abord, merci d’admettre qu’il ne nous ressemble pas assez. Ensuite, il est futile de tenter d’améliorer les aptitudes d’un autre peuple à bien nous gérer. Faisons-le nous-mêmes chez nous comme ils le font eux-mêmes chez eux et soyons les meilleurs voisins du monde.
11. Le Québec n’a pas boudé le Canada comme vous semblez l’insinuer. C’est le Canada, entre autres à l’époque du père de Justin, qui a vraiment mal fait les choses (le rapatriement de 1982 par exemple). On peut être fédéraliste mais on ne peut pas nier cela. Ce serait franchement chercher la fessée (le fédéral la permet-il pour les adultes méritants?)
12. En quoi le fait que le Québec se soit doté d’une Charte nie-t-il la réalité que le Canada nous impose son code criminel ? Ce n’est pas une question pour juriste comme vous le dites, c’est de la simple logique.
13. Le Québec détient moins du quart des sièges au Parlement fédéral. Le principe de No Taxation Without Representation s’applique dans les faits. C’est l’ensemble des parlementaires hors Québec, vastement plus nombreux, qui décident de l’utilisation de nos impôts. Surtout que le Québec se retrouve très souvent, ex post, à avoir voté massivement pour ce qui se retrouve dans l’opposition (longtemps le Bloc, maintenant le NPD). Donc nos parlementaires québécois fédéraux peuvent bien prendre part au débat comme vous dites, en bout de ligne ils ne décident pas grand chose. La solution proposée par Harper, via ses ineffables représentants québécois, est de voter pour lui. Il semble faire abstraction d’un petit détail irritant en démocratie: la volonté de la population.
14. Vous faites fausse route quand vous affirmez que le Québec perçoit lui-même tous les impôts et remet par la suite sa part au fédéral. C’est le fédéral qui perçoit ses impôts au Québec, qui est d’ailleurs la seule juridiction à avoir 2 déclarations de revenus. Vous avez probablement confondu les impôts et les taxes à la consommation (TPS et TVQ) que le Québec perçoit et redistribue. Vous êtes tout pardonné.
15. Vous faites référence à 1974 pour analyser ce que le Québec contribue ou reçoit du fédéral… Bien sûr que les époques changent et que des périodes de surplus font place à des périodes de déficit (au fédéral comme au Québec). Mais je prétends que le Québec aura toujours intérêt à décider lui-même de ce qu’il fait avec tous ses impôts, selon ses intérêts et ses objectifs. Impossible de vous dire précisément combien de milliards cette liberté vaudrait en termes de développement économique supplémentaire pour le Québec, mais le contrôle de toute notre fiscalité et de tous nos leviers économiques a une valeur immense, c’est à n’en pas douter. Au lieu d’aider l’auto en Ontario avec nos impôts, on aide le secteur forestier québécois. Au lieu de subventionner le secteur pétrolier hors Québec avec nos impôts, on subventionne le développement d’énergies alternatives au Québec. Au lieu d’investir en excité dans le militaire avec nos impôts, on développe un monorail national au Québec. Etc. Just sayin’.
16. Vous dites que les gestes du fédéral à l’international n’entraînent pas nécessairement des conséquences directes pour les provinces. Vous en parlerez aux exportateurs Québécois dont les produits seront un jour frappés d’une surtaxe parce que « Made in Canada ». Il est clair que le Québec, n’existant pas sur la scène mondiale et dans les divers forums internationaux, est englobé par la voix canadienne. Les juristes peuvent bien en deviser aussi longtemps qu’ils le veulent (je vous soupçonne d’en être), il n’en demeure pas moins que dans l’ordre international économique et politique actuel, les Québécois sont des Canadiens, point final.
17. Vous mentionnez que le Canada n’a pas contraint l’Alberta à respecter Kyoto, comme si c’était là une merveille de flexibilité du système canadien. Bien sûr que le Canada ne l’y a pas contrainte, il est d’accord avec sa politique économique axée sur les sables bitumineux et ne veut surtout pas s’aliéner la base électorale qui s’y trouve.
18. Vous semblez croire que la définition des compétences est facilement discutable avec le fédéral. Grand bien vous en fasse. La réalité est que les dernières tentatives de la part du Québec de faire des revendications ou poser des conditions dites minimales (e.g. Meech) ont été rejetées par le reste du Canada. Il faudra bien conclure un jour que le Québec et le reste du Canada sont meilleurs voisins que concubins.
19. Le seul argument valable selon moi pour les fédéralistes, c’est de se sentir davantage Canadiens que Québécois. C’est personnel et sentimental, c’est à respecter. Sur tous les autres plans, les faits sont fortement en faveur d’un Québec souverain pour peu qu’on combatte les faux arguments de peur que le camp fédéraliste a toujours utilisés. De toutes les passions, la peur est celle qui affaiblit le plus le jugement, comme disait l’autre.
20. Rien de spécial. Je voulais juste terminer sur un chiffre plus rond que 19.
Au plaisir,
JMA