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Je suis assez influençable. Que ce soit en matière de goût vestimentaire, de choix capillaire ou d’opinion sur l’accueil des migrants.
Malheureusement, je ne suis pas seul : l’opinion publique change en moins de temps qu’il n’en faut pour dire “commentaires Facebook”. On oscille entre des élans de sympathie, comme à la publication de la photo de l’enfant syrien noyé, et une méfiance post-Paris qui nous rend beaucoup moins accueillants.
Et si les réfugiés syriens avaient besoin d’un rebranding?
Les relations publiques à la rescousse!
Je fais quelques appels pour être aiguillé dans ma nouvelle croisade contre la peur de l’autre. Bernard Motulsky (titulaire de la Chaire de relations publiques et communication marketing de l’UQAM) ainsi qu’une relationniste qui préfère garder l’anonymat de peur de nuire à la réputation de son agence (la preuve qu’elle connaît ça), acceptent de se prêter au jeu.
Nous appellerons la relationniste, madame X. Nous appellerons monsieur Motulsky, Bernard.
Avant tout, Bernard indique que vouloir rebrander le réfugié syrien est un exercice irréaliste et futile (je sais, mais attends t’as rien vu, j’ai même préparé des questions!), simplement parce que pour monter une campagne de relations publiques il faut être organisé, ce que, malheureusement, les réfugiés ne sont pas. Les organismes qui s’impliquent auprès d’eux font surtout des campagnes afin d’obtenir du financement, pas de la sympathie. La sympathie est plus difficile à obtenir que l’argent.
Il précise qu’il n’accepterait jamais un tel mandat puisque ce serait une campagne beaucoup trop délicate. En effet, la ligne est mince entre sensibilisation et exploitation de la misère.
Madame X, quant à elle, nous apprend que les trois piliers de la relation publique sont la notoriété, l’image et le comportement de la population.
Son travail consiste à améliorer, maintenir ou diminuer un ou plusieurs de ces trois concepts. Dans le cas des réfugiés :
— Leur notoriété : elle est déjà très élevée, on voudrait la maintenir.
— L’image : c’est un élément plus délicat, puisqu’il semble qu’une moitié de la population soit en faveur de leur accueil alors que l’autre en a très, très peur. C’est sur cette partie de la population qu’on doit se concentrer en les informant pour les rassurer.
— Le comportement : on cherche à changer la peur et le refus pour de la compréhension et à encourager un comportement d’acceptation.
Des questions et des réponses
— Mais madame X, quel type de stratégie serait la plus efficace? Une campagne-choc, avec des images dérangeantes?
— Non, les images frappantes, ça attire l’attention, mais ça ne change pas les perceptions.
— Alors une campagne cool et branchée, qui présente les Syriens avec le potentiel d’être urbain-chics? Marie-Claude Lortie pourrait sortir dans des restaurants syriens.
— Non plus. La “résistance” actuelle ne semble pas venir de la sous-culture Hipster qui se la joue un peu bohème. (…) Il faut adapter le message aux publics visés sinon ils n’écouteront pas, car ils ne se sentiront pas interpellés. Il faut donc se demander, qui sont ces gens qui ont peur?
— Sinon, une campagne sentimentale, où on essaie d’aller chercher l ’empathie du public, les bonnes valeurs des gens?
— Oui! (Yes!) Des témoignages de vrais réfugiés syriens, des gars, des filles, des familles… On rejoint les gens. Les gens aiment les histoires, surtout les histoires vraies.
Concrètement…
Après insistance de ma part, Bernard admet que SI un organisme AVAIT à faire une telle campagne, il le ferait probablement en mettant de l’avant les enfants. Nous sommes plus sensibles à la souffrance des enfants que celle des adultes. J’ajouterais même les animaux blessés au top de la pyramide (où est Sarah McLauchlan quand on a besoin d’elle). Non, je n’ai pas osé demander quelle est la tranche d’âge la plus touchante.
Constatant qu’il est difficile de rendre un tel sujet léger, j’épargne à mes interlocuteurs quelques questions débiles que j’avais rigoureusement préparées, comme “Est-ce qu’on devrait organiser de quoi de viral, genre un Ice bucket challenge pro réfugiés?” ou “Quels artistes vous suggéreriez pour un spectacle de sensibilisation (idéalement pas Loco Locass, mettons)?”, mais j’en risque une dernière à Madame X (nous échangeons par email, c’est donc moins intimidant).
— Actuellement ce sont les hommes célibataires qui semblent avoir la pire image, est-ce qu’on devrait faire une télé-réalité où on les présente à des Québécoises trentenaires et célibataires ? Si on leur fait des man buns pensez-vous qu’on va plus les laisser rentrer?
— Si cela voit le jour et que ça fait la différence dans l’opinion publique, ça fait vraiment dur notre affaire!
C’est certain qu’une autre option serait de développer des opinions éclairées plutôt que passionnelles.
De prendre le temps de bien s’informer à divers endroits, mais en tant que société on doit se poser la question : lire plein d’affaires, est-ce qu’on veut vraiment en arriver à ça?
Merci beaucoup à Bernard Motulsky et à madame X.
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Pour lire un autre texte sur l’accueil des réfugiés syriens: Ne supprime pas ton ami Facebook de Kéven Breton.