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RĂ©cit dâun conte de fĂ©e
Un an pile poil aprÚs sa sortie publique sur son alcoolisme, Eliane Gagnon nous raconte le plus beau de son parcours de rémission.
Câest lâheure du deal de love. Le deal dâamour-propre en bon « franglish ».
Mais tu dois te dire : « What the fuck is a deal de love? »
Comme toutes les petites filles de la terre, jâai toujours voulu ĂȘtre une princesse. Dans mon imaginaire, il existe un prince charmant, quelque part dans ce monde, qui viendra me sauver sur son cheval blanc comme dans une histoire animĂ©e de Walt Disney. Je rĂȘve de bonheur, je rĂȘve dâune histoire dâamour douce comme dans les films. Je suis humaine, quoi! Comme dans tout conte de fĂ©es qui se respecte, yâa toujours un obstacle qui entrave la quĂȘte dâamour du hĂ©ros, de lâhĂ©roĂŻne. Moi, mon hĂ©roĂŻne, câest La Petite SirĂšne. Depuis ma tendre enfance, je me sens exactement comme elle : handicapĂ©e. Tu vas mâdire que jâai pas une queue en Ă©cailles Ă la place de jambes magnifiques. Vrai. Mais jâai un trou dans lâcĆur qui me garde vide en permanence et laisse toute la place au manque dâestime et dâamour-propre. Ăa revient au mĂȘme. Ce manque, je le cultive Ă merveille au fil des ans. Je lâapprivoise et il en vient Ă me faire croire au plus terrible des mensonges : personne ne voudra dâune fille comme moi et je devrais me contenter dâun crapaud. Jâai ben beau ĂȘtre une actrice qui a lâair bien dans sa peau, jâai jamais connu la chanson : je suis poche au jeu de la vie et de lâamour. Parce que la souffrance, mĂȘme invisible Ă lâĆil nu, est bien ancrĂ©e.
Le rĂŽle que jâai pas choisi
Ă une certaine Ă©poque, soit toute ma vingtaine, ma vie se rĂ©sumait Ă beaucoup dâabus dâalcool, de one-nights douteux qui ne remplissent jamais le vide et me confirment que jâai pas de valeur, que je suis pas aimable et pire encore, que je suis jetable aprĂšs usage. Trash. Je suis une princesse fucking trash qui a une perception erronĂ©e de la rĂ©alitĂ©. Et le plus triste de ce moment de vie, câest que je me complais lĂ -dedans trop longtemps parce que câest tout ce que je connais. Lâautodestruction, câest ma norme, je suis persuadĂ©e que toutes les filles de ma gĂ©nĂ©ration vivent leur vie ainsi. JâĂ©tais loin de mon conte de fĂ©es. CâĂ©tait plutĂŽt comme si jâavais dĂ©crochĂ© un rĂŽle dans un film mĂ©diocre que jâavais pas choisi. Toutes mes actions Ă©taient guidĂ©es par mes peurs, par ma souffrance, par mes Ă©motions que je cherchais Ă geler Ă tout prix avec lâalcool, le weed ou tout ce qui pouvait mâengourdir parce que lâidĂ©e de vivre me terrifiait.
Je nâai jamais arrĂȘtĂ© de croire Ă lâespoir dâune vie meilleure, Ă lâespoir quâun jour, moi aussi je pourrais vivre le rĂȘve dâaimer et dâĂȘtre aimĂ©e, heureuse dans mon conte prĂ©fĂ©rĂ©.
MalgrĂ© tout le laid que jâai connu et que jâai racontĂ© dans Le rĂ©cit dâune vie de party lâannĂ©e passĂ©e, Ă pareille date, je nâai quand mĂȘme jamais arrĂȘtĂ© de croire Ă lâamour. Je nâai jamais arrĂȘtĂ© de croire Ă lâespoir dâune vie meilleure, Ă lâespoir quâun jour, moi aussi je pourrais vivre le rĂȘve dâaimer et dâĂȘtre aimĂ©e, heureuse dans mon conte prĂ©fĂ©rĂ©. Je ne peux pas nier que lâalcool a toujours fait partie de lâĂ©quation dans mes relations affectives. Constamment confrontĂ©e Ă ma propre incapacitĂ© de connexion vĂ©ritable avec un autre ĂȘtre humain, boire Ă©tait devenue ma solution pour oublier le « drame » de mon existence. Câest seulement quand jâai arrĂȘtĂ© de consommer, quand jâai pesĂ© sur le bouton Stop du film de ma vie que jâai rĂ©alisĂ© que câĂ©tait lâalcool qui gĂąchait TOUT. Jâai pu mettre des mots sur mes maux, sur mon vide intĂ©rieur, sur ce besoin de me saboter. Autant je dĂ©teste les Ă©tiquettes, autant jâavais besoin de savoir ce qui clochait chez moi pour pouvoir mâen sortir. Jâai appris que ma bĂȘte noire, câĂ©tait une maladie qui sâappelle lâalcoolisme. Oui, ça sonne grave pour une princesse. Ăa lâest. Encore plus quand tu lâsais pas ou que tu vis dans la prison du dĂ©ni. La bonne nouvelle câest que malgrĂ© les prĂ©jugĂ©s sur cette maladie, elle se traite. Elle peut mĂȘme devenir une alliĂ©e si tu lui donnes la chance. Si tu te donnes la chance. Ăa en vaut la peine.
Enfin, le « deal de love »
Quand jâai arrĂȘtĂ© de consommer, jâĂ©tais dans la confusion. Pendant presque un an. No joke. Jâavais aucune idĂ©e comment je ferais pour me pardonner cette laideur que jâavais Ă©tĂ©, que jâavais causĂ©e. Je savais pas comment je ferais pour ĂȘtre ben, sans me geler. Ne pas boire pour un alcoolique, câest une grande rĂ©ussite, mais ĂȘtre heureux Ă jeun, câest le grand dĂ©fi. Bref, lâannĂ©e un : faire le deuil de ma vie de party et accepter ma condition, mon alcoolisme. LâannĂ©e deux : apprendre Ă mâaimer et changer mes comportements destructeurs, un Ă un. MĂ©chante job⊠loin dâĂȘtre finie. Mais grĂące Ă ma persĂ©vĂ©rance, jâai finalement trouvĂ© la lumiĂšre au bout de mon tunnel de marde. Tous ces mots pour exprimer que je cĂ©lĂšbre deux ans sans consommer. 365 jours plus tard, comme suite Ă mon RĂ©cit dâune vie de party, câest le rĂ©cit dâun conte de fĂ©es que jâai envie de partager. Une histoire dâamour, qui jâespĂšre, saura toucher les cĆurs de tous ceux qui ont besoin dâespoir.
Ne pas boire pour un alcoolique, câest une grande rĂ©ussite, mais ĂȘtre heureux Ă jeun, câest le grand dĂ©fi.
Si on mâavait dit quâun jour je rĂ©ussirais Ă mettre mes peurs de cĂŽtĂ© pour laisser lâamour prendre toute la place dans mon cĆur, je ne lâaurais pas cru. Si on mâavait dit que je ne compterais plus les jours, que je finirais par regarder tout le chemin parcouru, avec compassion, en me disant je ne suis pas les brosses que jâai virĂ©es ni les dudes avec qui jâai couchĂ©s, pas plus que les torts que jâai infligĂ©s Ă des gens que jâaime profondĂ©ment, je ne lâaurais pas cru. Si on mâavait dit, au premier jour de ma nouvelle vie, que je comprendrais que je ne suis pas mon passĂ©, je ne lâaurais pas cru. Mais jâai fait le deal de love, jâai laissĂ© le pardon opĂ©rer la magie et jâai travaillĂ© aussi fort Ă me rĂ©tablir que je me suis entĂȘtĂ©e Ă mâautodĂ©truire. Bien sĂ»r quâil y a eu toutes sortes de tempĂȘtes dans la derniĂšre annĂ©e, la vie continue, mais Ă jeun. Jâai de nouveaux outils, des nouveaux repĂšres qui me gardent en sĂ©curitĂ©, qui mâempĂȘchent aujourdâhui de vouloir retourner Ă cette ancienne vie. Et toute cette expĂ©rience, ce passĂ© me permet de rĂ©aliser que je prĂ©fĂšre, de loin, la libertĂ© Ă la vie dâesclave. La libertĂ© de choisir, de prendre la responsabilitĂ© de ma vie.
Comme dans lâtemps oĂč jâĂ©coutais mes VHS de Disney pis que je rĂȘvais en couleur, jâai lâdroit dâappuyer sur pause quand ça brasse, dâarrĂȘter de rewinder Ă tout bout dâchamp et de fastforwarder le moins souvent possible pour Ă©viter lâanxiĂ©tĂ©. Comme je peux pas boire pour la gĂ©rer anyway, je respecte mon choix : ne pas prendre mon premier verre. Aujourdâhui, jâai soif dâamour, jâai soif de bien-ĂȘtre. Câest une soif saine et jâai la certitude que je suis la seule qui puisse lâĂ©tancher, en me donnant de lâamour Ă tous les jours et en transmettant un message dâespoir Ă ceux qui comme moi, ont de la misĂšre Ă voir la lumiĂšre au bout du tunnel de marde. Et je continue parce que ce processus, quâon appelle le rĂ©tablissement, me garde bien Ă©veillĂ©e dans cette nouvelle vie. Et mes dĂ©mons, eux, bien endormis. Gratitude.
Mais quand est-ce quâil arrive le prince avec son cheval blanc?
La vĂ©ritĂ© câest quâaucune puissance humaine nâaurait pu sauver la princesse de ses tourments, de ses illusions. Câest simplement le jour oĂč elle sâest aimĂ©e pour de vrai que son prince charmant, le plus magnifique des ĂȘtres que la Terre ait portĂ©s, a enfin pu se manifester. Plus dâune dizaine dâannĂ©es se sont Ă©coulĂ©es avant quâils puissent sâaimer, sâapprivoiser et sâaventurer au cĆur de la rue des Amoureux, sâengager dans lâcĆur de la Main, lĂ oĂč leurs regards sâĂ©taient croisĂ©s pour la premiĂšre fois, sur la piste de danse emboucanĂ©e de son bar prĂ©fĂ©rĂ©, lĂ oĂč la princesse Ă©tait trĂšs abonnĂ©e! Walt Disney peut aller sârhabiller!
Jâai lâimpression dâĂȘtre arrivĂ©e Ă quelque part de paisible, dâavoir retrouvĂ© le chemin du Royaume qui mâĂ©tait destinĂ©.
La vĂ©ritĂ© câest que jâai peine Ă croire au miracle de ma propre vie, peine Ă croire que moi, Eliane Gagnon, je goĂ»te enfin au bonheur, comme La Petite SirĂšne, ma princesse prĂ©fĂ©rĂ©e. Mon cĆur est rempli dâamour et jâai des jambes magnifiques pour continuer dâavancer, de grandir et dâĂ©voluer. Lâexpression « ça vaut la peine » nâa jamais autant pris son sens quâaujourdâhui. Jâai lâimpression dâĂȘtre arrivĂ©e Ă quelque part de paisible, dâavoir retrouvĂ© le chemin du Royaume qui mâĂ©tait destinĂ©. Je suis arrivĂ©e Ă la maison et ça, câest plus beau feeling que jâai jamais eu. Enfin, deux ans de rĂ©tablissement de ma bĂȘte noire, câest la magie dâune vision qui se matĂ©rialise grĂące Ă lâamour infini que jâai trouvĂ© Ă lâintĂ©rieur de moi, lâamour que jâai enfin pour la femme que je suis, la fille perdue que jâai Ă©tĂ© et lâĂȘtre humain que je suis en train de devenir.
Ce nâest que le dĂ©but de mon histoire dâamour sans alcool et elle durera toute ma vie.
Ă toutes les princesses et tous les princes qui ont arrĂȘtĂ© de croire Ă leur conte de fĂ©es.
PriÚre de ne pas désespérer.
Ăa prend juste le deal de love pour dĂ©crocher le plus beau rĂŽle de ta vie.
Le trash du drame de ton histoire peut se transformer en un chef-dâĆuvre de beautĂ©, il peut ĂȘtre transcendĂ© par la force de ton amour-propre.
Câest une promesse de princesse.
Eliane Gagnon
Actrice & Fondatrice de Soberlab.ca
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Eliane est officiellement ambassadrice du 28 jours sans alcool de la Fondation Jean Lapointe qui est actuellement en cours. Si vous souhaitez la parrainer, câest par ICI
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