Logo
Crédit: Jean Bourbeau

On revisite Radio Enfer avec Carl « Le Cat » Charest

« Je n’ai jamais eu à faire le deuil de l’émission. Personne ne l’a oubliée. »

Par
Benoît Lelièvre
Publicité

« Quand Micheline Bernard a auditionné pour le rôle de Jocelyne, Louis Saia lui a dit qu’il était tanné que les jeunes soient tous des fuckés. Il voulait que ce soit au tour des adultes de l’être. Ça a donné quelque chose de mémorable. »

François Chénier est de nature plus réservée que son iconique personnage d’animateur de radio étudiante. Lorsqu’il m’accueille dans les bureaux de l’agence Goodwin à Montréal (où son agente a organisé la rencontre) en compagnie de son chien Garçon, je dois me retenir de ne pas l’appeler Carl. Pourtant, le comédien a fait son petit bonhomme de chemin depuis la fin de Radio Enfer. Il est apparu dans Fortier, Annie et ses hommes, Ramdam, District 31 et autres, mais le souvenir du « Cat » Charest les supplante tous dans la mémoire collective.

Photo : Jean Bourbeau
Photo : Jean Bourbeau
Publicité

Si c’est le cas pour vous aussi, vous serez peut-être heureux d’apprendre que l’intégrale de Radio Enfer sera disponible sur Crave dès le 1er août. La série culte a toujours été semi-disponible (de manière légale ou non) au fil des années, soit via YouTube, UnisTV, Prise 2 ou grâce au marché enthousiaste des coffrets DVD pour le noyau dur d’adeptes.

« J’ai aucun problème avec le fait que les gens se rappellent de moi uniquement pour le rôle de Carl », assure Chénier.

« S’ils s’intéressent à mes projets d’écriture et de mise en scène, tant mieux. Sinon, ils restent sur l’image d’un rôle vraiment cool. J’en sors gagnant d’une façon ou d’une autre. »

Photo : Jean Bourbeau
Photo : Jean Bourbeau
Publicité

La recette secrète

Les autres enfants des années 1990 s’en rappelleront peut-être, mais avant Radio Enfer, François Chénier a tout d’abord été le personnage le plus normal de la distribution de Watatatow : un dénommé François Clément qui se démarquait par le port de ses petits casques colorés.

N’étant bouleversé par aucun drame majeur (contrairement à Émilie et Chicoine qui prenaient de la DROGUE), on le voyait rarement à l’écran.

« J’ai été chanceux parce que Watatatow demandait à ses comédiens de signer des clauses d’exclusivité pour les émissions jeunesse. J’en faisais peut-être cinq par année, alors j’étais pas crucial pour la série et la série n’était pas cruciale pour moi. J’ai auditionné pour Radio Enfer et je l’ai eu. J’ai dit à Watatatow que je partais et il n’y a pas eu de problèmes. »

Chénier affirme que la distribution de Radio Enfer a été une des clés du succès de la série parce qu’il était entouré de gens qu’il connaissait, dont Michel Charette, encore aujourd’hui son meilleur ami, mais aussi Robin Aubert et Joël Marin avec qui il avait fréquenté l’école de théâtre. « Une des grandes forces de Louis Saia, c’est de former des équipes qui fonctionnent », affirme-t-il.

La gang de Radio Enfer se retrouvait d’ailleurs souvent au domicile de Pierre Claveau (Monsieur Giroux) après les enregistrements pour faire le party. Le regretté comédien adorait jouer du piano pour ses jeunes collègues.

Publicité

Un autre secret de son succès, c’est l’époque à laquelle la série a été produite qui, selon François Chénier, date d’avant l’arrivée du manuel de la bienséance au petit écran. Plusieurs blagues auraient provoqué une visite de producteur inquiet avant même que le texte n’ait pu se rendre aux acteurs. À partir de la quatrième saison, il y a eu une volonté de la part du diffuseur d’adoucir l’émission, ce qui a mené au départ de Michel Charette et de son immortel personnage Jean-Lou « le Hot Dog » Duval.

« Ils voulaient que Jean-Lou arrête d’être épais. Tu peux remplacer des personnages, mais tu peux pas les changer. Michel, il a juste une vitesse et c’est “dans le tapis”. C’est ce qui a donné des scènes d’anthologie. C’est un personnage tellement fort. »

En ce qui concerne le personnage de Carl, François Chénier explique qu’il s’est mis à résonner avec le public au moment même où il a compris qu’il n’était pas le comique de l’émission. « Carl, c’est le beau gars charismatique qui dégage beaucoup d’assurance. On vit les histoires de tout le monde à travers lui. C’est le gars autour de qui tout le monde gravite, mais c’est pas lui qui punch. Les stars de Radio Enfer, c’étaient Léo et Jean-Lou. »

Photo : Jean Bourbeau
Photo : Jean Bourbeau
Publicité

Le culte Radio Enfer

Ceux et celles qui l’ont vécu le savent, Radio Enfer était bien plus qu’une simple émission de télévision. C’était un rendez-vous auquel toute la famille était conviée sur l’heure du midi ou au retour des classes. Un humour qui parlait à tout le monde et des personnages rassembleurs qui incarnaient des stéréotypes qu’on connaissait tous : le gars charismatique, la belle fille, le nerd, l’arrogant, etc.

« Si tu savais le nombre de personnes qui m’ont dit qu’on étaient leurs amis. Qu’ils n’avaient pas d’amis à l’école et que, lorsqu’ils rentraient à la maison pour regarder Radio Enfer, ils avaient l’impression de retrouver leur gang. Combien de gens m’ont dit : “J’étais Jean-Lou, à cette époque-là”. On faisait du bien aux jeunes », se souvient Chénier.

En plus de changer sa vie, interpréter Carl Charest a certainement propulsé sa carrière.

Qui sait s’il aurait décroché un rôle dans Ladies Night – la deuxième pièce de théâtre la plus jouée dans l’histoire du Québec après Broue – sans avoir incarné le DJ étudiant le plus cool de son époque.

Publicité

« Après la quatrième saison de Radio Enfer, c’était fou. Mais l’affaire, c’est que ç’a jamais vraiment fini. J’ai jamais eu à faire le deuil de l’émission. Personne ne l’a oubliée. C’est devenu culte et ça continue à vivre aujourd’hui. Oui, ça m’a un peu étiqueté dans la conscience du public, mais je suis chanceux parce que c’est un rôle que j’aime. »

Radio Enfer était enregistrée devant public et François me révèle qu’au début, c’était très difficile de faire rire les gens. Que l’esthétique « rires en canne » qui caractérisait l’émission était générée par une pancarte brandie par l’animateur de foule qui demandait explicitement au public de rire à la fin de chaque blague. « C’est devenu une marque de commerce au fil du temps. Assister à un enregistrement est vite devenu très populaire. On a une personne qui a assisté à tous les épisodes. C’était vraiment une super fan. On est toujours en contact avec elle, aujourd’hui, d’ailleurs. Je la salue, elle s’appelle Mylène Blanc! »

Photo : Jean Bourbeau
Photo : Jean Bourbeau
Publicité

Radio Enfer au pays des suites mal avisées

L’autre trip de gang de Louis Saia, Les Boys, a généré pas moins de quatre suites, une série télé, bientôt un spectacle et même une intronisation au temple de la renommée Juste pour Rire. Pourquoi une suite n’a-t-elle jamais été dans les cartes pour Radio Enfer?

« Il y a eu beaucoup de propositions et il y a eu beaucoup de “non” de la part de la distribution. Certains d’entre nous ont simplement quitté le métier, mais plusieurs de ces projets avaient comme ambition de dédouaner la série du ton de l’époque jugé inacceptable aujourd’hui. Dans l’une de ces propositions, on s’excusait à Jean-Lou de l’avoir intimidé. Faut pas prendre le monde pour des caves », raconte François Chénier.

Publicité

Effectivement, Radio Enfer date d’une époque où les personnages n’étaient pas tenus à un standard de nuance ou de réalisme. Ils étaient tout simplement des véhicules pour une suite ininterrompue de blagues. Tout le monde y goûtait et personne n’était au-dessus de la moquerie.

Jean-Lou peut-être un peu plus que les autres par la nature du personnage et parce que dans ce rôle, Michel Charette aurait été capable de réveiller les morts pour les faire rire.

Jean-Lou n’était pas une victime de la gang, il en faisait partie.

Ce que vous ignoriez peut-être, c’est que François, Michel, Robin Aubert, Rachel Fontaine (Maria), Anne-Claude Chénier (Camille) et Micheline Bernard (Jocelyne) ont présenté Les retrouvailles de Radio Enfer au festival ComédiHa! en 2022. Oui, oui! On y retrouve un Léo avec les cheveux longs et une barbe grisonnante, et c’est magnifique :

Publicité

Vous pourrez constater par vous-mêmes si Radio Enfer a bien vieilli dès vendredi le 1er août. François Chénier vit bien avec ça. Il est encore très fier de sa contribution à la série culte, mais il a les deux pieds fermement dans le présent.

« On me dit toujours : “On vous voit pus!”, mais je réponds : “C’est parce que vous regardez pas les bons postes” », philosophe le Cat, qui vit aujourd’hui l’une de ses huit autres vies.

Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Soyez le premier à commenter!
À consulter aussi