.jpg)
À 30 ans, Rad Hourani est entré dans le club sélect de la haute couture. Pour souligner l’événement, Urbania vous présente une entrevue avec l’étoile montante québécoise, qui passe le plus clair de son temps à Paris, dans son atelier du 20e arrondissement.
Ça fait longtemps que tu habites à Paris?
J’y habite depuis 2005, donc depuis sept ans. Quand j’y suis déménagé, c’était plus pour faire du stylisme et pour expérimenter des trucs, comme avec mon appareil-photo et ma caméra. Je faisais de petits vidéos et des photos artistiques dans mon appartement. Je passais aussi beaucoup de temps avec moi-même: je voulais surtout me trouver, me retrouver.
Te doutais-tu, qu’un jour, tu allais démarrer ta propre ligne de vêtements?
J’ai toujours su que j’allais déménager ici, mais pas que j’allais partir ma propre ligne, non. Lorsque je suis arrivé, je magasinais beaucoup, mais je ne trouvais jamais ce que je cherchais. C’est là que j’ai commencé à sketcher moi-même mes vêtements. Un an plus tard, un de mes amis m’a suggéré de faire un défilé. Je me suis dit : «Pourquoi pas?» Et ça a explosé! Mais ce n’était pas planifié…
Quelle a été ta première impression de Paris?
Avant d’y déménager, j’y étais déjà allé en 2004 en tant que touriste. Quand on y déménage, c’est pas la même chose. Pour l’habiter, il faut absolument que cette ville te donne de l’amour. Et pour ça, il faut que tu sois vrai avec toi-même, il faut que tu aimes tout ce qu’elle a à donner. Cette ville, elle sent ton énergie!
Et comment as-tu trouvé les Parisiens?
En arrivant, je trouvais que les gens étaient stressés et qu’ils étaient chiants. Mais, après un an, ils me souriaient davantage. Au fil du temps, j’ai compris que les Parisiens étaient juste directs: ils n’ont pas de temps à perdre, ils n’ont pas envie de jouer de jeu et ils disent les choses comme elles sont. Et une fois qu’on comprend et qu’on accepte ça, on peut accepter Paris comme elle est.
Selon toi, pourquoi as-tu réussi en tant que designer dans la Ville Lumière là où d’autres ont échoué?
C’est vraiment une question de personnalité, il faut être très solide et très fort. Moi, ça faisait partie de ma personnalité: j’étais très déterminé, très persévérant. Je n’ai peur de rien et je ne suis pas là pour plaire aux gens. Et je pense que les gens apprécient et qu’ils savent que mon travail est toujours honnête. J’ai aussi apporté quelque chose qui n’existait pas à Paris : une ligne unisexe haut de gamme. Les Parisiens ont bien réagi parce que c’était novateur.
Raconte-moi le premier défié auquel tu as assisté.
C’était un défilé de Chanel au Grand Palais et j’avais été invité par Karl Lagerfeld. Des gens importants m’ont amené en arrière pour le rencontrer. Quand j’ai vu le line-up, je suis parti. Même si je ne voulais pas attendre la file au complet, c’était vraiment impressionnant.
Pourquoi Karl Lagerfeld t’avait-il invité à un défilé?
J’avais fait un portrait de moi-même habillé en lui. Il l’a vu et il a été impressionné. Il a demandé à sa directrice de presse de m’écrire un courriel et il m’a invité. J’ai lancé ma ligne de vêtements l’année suivante en 2006.
Je sais que tu passes aussi beaucoup de temps à New York. Quelle est la différence entre la Grosse Pomme et Paris?
À New York, les gens ont beaucoup de drive. Quand il y a un projet qui arrive, ils vont tous embarquer et ils vont faire ça en grand! À Paris, on prend notre temps, on requestionne tout.
As-tu un exemple concret?
À New York, quand on commande un rack, ça prend 15 minutes et il est livré. À Paris, ça prend une semaine!
Y a-t-il une compétition entre les designers sur place?
Il y a de la compétition dans tout, pour moi. J’ai pas nécessairement de compétition, c’est ma vision. J’ai pas mon compétiteur. Je le fais pour mon propre plaisir. Je suis sûr qu’il y en a dans tout le monde.
Est-ce que la ville a nourri tes créations?
Oui. C’est une ville qui m’inspire à prendre mon temps à questionner ce que je fais et ce que j’ai envie de faire : est-ce la bonne coupe? Est-ce la bonne forme?
Où te vois-tu dans 10 ans?
J’aimerais avoir ma galerie d’art, une boutique où je pourrais aussi faire mes expos photos.
Tes parents doivent être fiers de toi, non?
Ils sont contents que je sois en santé… mais ils ne connaissent pas tous les détails de ce que je fais!