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Raciste, sexiste, transphobe : la caricature, est-ce que c’est encore d’actualité ?
Mardi dernier, le New York Times a décidé d’enlever la caricature de son édition internationale après qu’une polémique a éclaté au sujet d’une caricature jugée antisémite, mettant en scène le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et le président américain Donald Trump. Ce n’est pas la première fois, dans les dernières années, que des caricatures suscitent la controverse dans les médias et sur les réseaux sociaux. Dans plusieurs cas, les gens s’indignent du caractère raciste, homophobe ou encore sexiste de certaines de ces satires.
On a décidé d’en discuter avec la professeure et écrivaine Julie Dufort, qui enseigne le cours Humour et société à l’École nationale de l’humour ainsi que la science politique au Collège André-Grasset, pour connaître son avis sur la décision du New York Times.
J’ai vu que tu étais attristée de la décision du New York Times. Pourquoi ?
Moi je trouve que ce n’est pas une bonne façon de régler le problème, quand on a une controverse, que de simplement retirer une forme d’art. Je pense effectivement qu’il y a plusieurs caricatures qui peuvent reprendre certains stéréotypes, soit sexistes, racistes, homophobes, grossophobe, etc. Selon moi, les caricatures jouent sur une ligne mince.
Mais justement, avec toutes ces polémiques et ces stéréotypes d’une autre époque, est-ce qu’on ne peut pas penser que la caricature est démodée ?
Je pense qu’on n’est pas obligé de dire que toute forme de caricature utilise nécessairement ces stéréotypes-là. C’est ça, en fait, mon point. Je suis d’accord qu’on devrait renvoyer certains caricaturistes à la table à dessin pour les amener à explorer d’autres visuels que certains stéréotypes clichés et démodés, mais pour moi, ça ne remet pas en question le genre de la caricature politique qui apparaît dans les journaux.
Je pense que ce qui fait en sorte qu’on a de plus en plus de caricatures qui sont controversées, c’est qu’elles circulent, avec les réseaux sociaux, chez des gens qui ne la consultent pas nécessairement dans le journal. Aussi, je lisais un article qui disait que les caricaturistes sont majoritairement des hommes blancs et âgés. Il y a clairement un manque de diversité chez les caricaturistes et ça, je pense que ça pose problème.
Le Pulitzer pour la caricature éditoriale, ça fait 100 ans que ça existe et le premier Afro-Américain qui l’a gagné, c’est cette année, en 2019. Je pense qu’il y a eu deux ou trois femmes également qui l’ont gagné. Pour moi, le problème vient de là. Peut-être qu’au lieu d’arrêter complètement les caricatures, on devrait se poser la question : pourquoi sont-elles controversées ? Il faudrait régler ces problèmes-là avant de dire qu’on supprime complètement la caricature parce que ça génère trop de controverse. La caricature est là pour créer un débat. Elle est dans la section éditoriale d’un journal. Il y a donc des opinions qui sont véhiculées à travers ça et on doit se le rappeler. Pour moi, ce sont d’autres problématiques qui n’ont rien à voir avec l’art de la caricature elle-même.
Sur les réseaux sociaux, on voit que les memes prennent de plus en plus de place dans la critique du pouvoir. Est-ce qu’ils ne seraient pas en train de remplacer la caricature ?
On pourrait aussi voir cette possibilité-là d’alterner et de mettre des memes au lieu d’avoir des dessins de presse, des fois. Je pense qu’un peut exister avec l’autre.
Tu as tout à fait raison de dire que maintenant les memes sont extrêmement populaires et je pense que c’est parce qu’ils sont liés à la démocratie. La caricature politique est liée à une forme de liberté d’expression, un moyen de caricaturer le pouvoir et de le remettre en question par le dessin. Le meme peut faire exactement la même chose et ce qui est intéressant, c’est que le meme est encore plus démocratique parce que tout le monde peut le faire grâce aux memes genarators. Ce pouvoir-là est entre les mains de tous les citoyens.